La Banque du Canada pourrait prolonger son engagement de maintenir son taux directeur à un creux record si un huard trop vigoureux menace de prolonger la récession au pays, croit Derek Holt, un économiste de Scotia Capital à Toronto.

Le mois dernier, Mark Carney, le gouverneur de la Banque du Canada, a gardé le taux directeur à 0,25%. À ce moment-là, il avait souligné que la devise constituait un risque majeur pour la croissance économique, ajoutant qu'il disposait de «souplesse» pour composer avec la situation. Mardi dernier, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, a fait écho aux propos de M. Carney en indiquant que des «mesures pourraient être prises» pour amortir la vigueur du dollar canadien.

 

La semaine dernière, le dollar canadien a cependant plongé de près d'environ 1,50 cent US pour retomber sous la barre des 92,50 cents US. Mais des spécialistes ont évoqué la possibilité que la devise retrouve la parité avec le billet vert d'ici la fin 2009.

M. Carney a déjà fait savoir qu'il avait l'intention de ne pas apporter de changements à sa politique des taux jusqu'au deuxième trimestre de 2010 et prolonger cet engagement pendant un trimestre ou deux constitue la meilleure manière de freiner les élans du huard pendant une période plus longue, estime M. Holt.

Pour sa part, Andrew Spence, un ancien conseiller de la banque centrale canadienne et chef de l'analyse des changes chez TD Securities, avait fait une prédiction semblable le 31 juillet dernier.

«La vigueur du dollar canadien réduit en partie la nécessité de retirer des stimulants grâce à des hausses de taux quelque part au cours de la prochaine année», soulignait hier M. Holt au cours d'une entrevue téléphonique. «J'imagine sans mal qu'ils pourraient attendre un trimestre ou deux de plus», avait-ilajouté.

D'autres options telles que la vente de dollars canadiens pour affaiblir le taux de change ou l'achat de valeurs, qu'on appelle assouplissement quantitatif, sont susceptibles d'être inefficaces et elles pourraient affecter les marchés de crédit, selon M. Holt.

«Si vous êtes la Banque du Canada et que vous tentez de vous opposer aux marchés mondiaux des changes, bonne chance, dit-il. Vous vous préparez ainsi de gros ennuis.»

En 1998, la Banque du Canada a abandonné une politique de transactions systématiques sur les marchés des changes pour contrôler la volatilité du dollar. La banque centrale n'est pas intervenue sur les marchés des changes lorsque le huard a atteint un sommet record en 2007 ou lorsqu'il a connu en mai sa plus forte ascension en un mois depuis la guerre de Corée.

Des ventes en baisse

Un huard plus fort rend les biens manufacturés canadiens moins compétitifs tandis que les faillites de General Motors et de Chrysler cette année ont entraîné la fermeture d'usines, de concessionnaires et de fournisseurs de pièces. Les ventes de l'industrie manufacturière ont chuté de 29% depuis juillet 2008 et les manufacturiers ont licencié 221 500 travailleurs au cours des 12 mois terminés en juin dernier, une baisse de l'effectif de 11%.

«Il y a toujours un risque avec cette sorte de chose», soutient Paul Riganelli, directeur financier de Exco Technologies Ltd. à Markham, en Ontario, en faisant référence à la tentative de la banque centrale d'influencer la valeur du huard.

«Je crois que la banque a fait ce qu'elle pouvait et je pense que le reste dépend de nous», ajoute-t-il.