Étape importante dans le marché télévisuel.

Pour la première fois, les revenus des chaînes spécialisées au Canada dépassent ceux des télédiffuseurs généralistes privés, leur ravissant du coup le premier rang des revenus de toute la télévision canadienne.

Par ailleurs, alors la rentabilité de la télé généraliste s'effondre, celle de la télé spécialisée, elle, demeure plus forte que jamais.

 

C'est ce qui ressort de la plus récente analyse annuelle du marché de la télévision, publiée par Statistique Canada hier.

On y constate entre autres que les revenus totaux de la télédiffusion au Canada étaient encore en hausse de 5% l'an dernier, à hauteur de 6,5 milliards.

Toutefois, l'évolution de ces revenus entre la télévision traditionnelle et spécialisée était plus contrastée que rarement auparavant.

Alors que les revenus des télédiffuseurs traditionnels privés étaient en baisse de 1,8% l'an dernier - le pire recul en 30 ans selon Statistique Canada -, les revenus des télédiffuseurs spécialisés, eux, progressaient encore de plus d'un peu plus de 6%.

En fait, il y a plusieurs années qu'augmentent ainsi les revenus des chaînes spécialisées alors que ceux des télédiffuseurs traditionnels stagnent ou, pire, déclinent.

Mais c'est l'an dernier que les télédiffuseurs spécialisés ont finalement surclassé leurs aînés traditionnels.

Selon Statistique Canada, les revenus totaux de la télé spécialisée ont atteint 2,32 milliards en 2008, un milliard de plus qu'il y a sept ans.

Pendant ce temps, les revenus totaux de la télévision traditionnelle privée ont reculé à 2,14 milliards en 2008, à un niveau proche de sa moyenne des cinq dernières années.

Quant à la télévision publique, Statistique Canada la considère en catégorie distincte des télédiffuseurs traditionnels et spécialisées.

N'empêche, là aussi, malgré une hausse l'an dernier, les revenus totaux de 1,4 milliard encaissés l'an dernier s'avèrent proches de la moyenne des cinq dernières années. La différence des revenus restant (plus ou moins 600 millions) est attribuée aux chaînes de télévision à péage (de type «Pay per view») où les abonnés paient pour obtenir une émission précise.

Par conséquent, les téléviseurs spécialisés occupent désormais la plus grande part (35,7%) de tous les revenus de la télévision au Canada.

C'est 4,5 point de pourcentage de plus qu'il y a cinq ans, un gain réalisé surtout au détriment des télédiffuseurs traditionnels.

«La télévision généraliste privée traverse une période difficile sur le plan financier depuis quelques années en raison de la perte de parts de marché de la publicité au profit de la télévision spécialisée», constatent les analystes de Statistique Canada.

De fait, en considérant que les revenus publicitaires, et en excluant les revenus d'abonnement des chaînes spécialisées, la part des télédiffuseurs traditionnels privés a reculé d'au moins 10 points de pourcentage depuis cinq ans.

«Ce constant ne me surprend guère. Il y a de plus de plus en plus de clients-annonceurs qui veulent des campagnes de publicité ciblées parmi les différentes chaînes spécialisées, sans aller chez les généralistes», a commenté Francine Marcotte, directrice de planification média chez Cossette, la plus grosse firme de publicité-marketing sous contrôle québécois.

Par ailleurs, la divergence économique entre la télé traditionnelle et spécialisée au Canada est encore plus frappante au niveau de leur rentabilité.

Selon Statistique Canada, la marge bénéficiaire d'exploitation (avant intérêts et impôts) des télédiffuseurs privés s'est effondrée à un maigre 0,2% en 2008, comparativement à 11% cinq ans plus tôt.

En comparaison, chez les chaînes spécialisées, cette même marge bénéficiaire a continué d'augmenter l'an dernier, pour atteindre 23% des revenus bruts.

C'est quatre points de pourcentage de plus qu'il y a cinq ans, et presque trois fois plus élevé qu'en 2002.

Dans ce contexte, il n'est pas étonnant de voir les principales entreprises de chaînes spécialisées, dont Astral Media, continuer d'afficher des bons résultats financiers malgré la récession qui déferle sur leurs concurrents généralistes.