Au casino Arbat de Moscou, Alexandre regarde la roulette américaine tourner l'une des dernières fois avant la fermeture de l'établissement. À partir du 1er juillet, tous les jeux de hasard devront être confinés dans quatre régions russes, loin des grandes villes.

En conséquence, plusieurs dizaines de milliers de personnes vont se retrouver sans emploi, en particulier à Moscou, qui compte 524 casinos et salles de jeux, et Saint-Pétersbourg, totalisant 109 établissements. Pour assouvir leur passion, les amateurs de jeux d'argent et machines à sous seront contraints de se rendre dans l'un des quatre «Las Vegas» russes, à au moins 1.000 km de Moscou : Kaliningrad à l'extrême ouest du pays, Azov-City (région de Rostov, sud), dans la région de l'Altaï (Sibérie) et celle de Vladivostok (Primorié, Extrême Orient).

Toutefois, les représentants de l'industrie du jeu avertissent que ces zones spéciales sont loin d'être prêtes pour accueillir les casinos et salles de jeux du pays.

Certains joueurs voient d'un bon oeil cette décision, à l'image de ce jeune Français vivant à Moscou: «je ne suis pas malheureux car je suis prisonnier de ce système», raconte cet «accro du jeu», l'oeil rivé sur une roulette du casino Arbat.

«Il m'est arrivé de faire des emprunts jusqu'à 3.500 euros pour rembourser des dettes», ajoute ce trentenaire ayant requis l'anonymat, qui fréquente depuis 2003 les casinos de la capitale russe.

À Saint-Pétersbourg, Elena Frolova attend «avec impatience» le jour de fermeture de ces établissements, espérant ainsi mettre fin à la dépendance de son mari aux jeux d'argent.

C'était un peu l'idée de Vladimir Poutine, qui lorsqu'il était président avait suggéré la loi confinant ces salles dans quatre régions, adoptée en 2006 par la Douma, la chambre basse du parlement russe.

Les jeux de hasard et d'argent sont «comme l'intoxication de la population par l'alcool, qui entraîne un préjudice moral et matériel», avait-il alors lancé.

Mais pour l'industrie du jeu, qui a tenté sans succès de faire repousser l'échéance du 1er juillet à laquelle tient le président Dmitri Medvedev, cette décision contraint les établissements à changer d'activité ou à fermer.

Un casino de la rue Arbat s'est ainsi transformé récemment en restaurant, tandis que le casino Arbat, lui, fermera ses portes dès le 29 juin, au grand dam de son personnel.

«Je vais devoir aller à l'Agence pour l'emploi», confie Alexandre, qui supervise depuis 17 ans les dix tables de roulettes américaines de cet établissement.

«Moi je vais aller me reposer à la mer», lâche non sans humour Alexeï, un jeune croupier.

Le personnel des casinos, plutôt bien payé, a pu faire des économies et se prémunir contre les difficultés à venir, explique toutefois Dmitri Makhov, 27 ans, qui a travaillé dans plusieurs casinos à Moscou, avant de se reconvertir en chauffeur de taxi.

 

Dans ces établissements, les plus bas salaires oscillent entre 800 et 2.000 dollars (570 et 1.420 euros) par mois, tandis qu'un chef perçoit au moins 4.000 dollars (2.840 euros), affirme-t-il. Des montants bien supérieurs au salaire mensuel moyen en Russie, d'environ 415 euros.

Pour contourner la nouvelle loi, des établissements pourraient créer des clubs de poker. Mais si de l'argent entre en jeu, «ils tomberont sous le coup de la loi», a averti un porte-parole de la police moscovite, Filip Zolotnitski, interrogé par l'AFP.

«Nous nous attendons à ce qu'apparaissent des établissements illégaux (...), de petits établissements comme à l'époque soviétique, dans des appartements, des datchas», a-t-il ajouté.