Le Canada deviendra la porte d'entrée par excellence de tout le marché nord-américain pour les investisseurs européens lorsqu'il aura conclu un accord de libre-échange avec l'Union européenne (UE), estime le premier ministre Stephen Harper.

Cet ambitieux accord, qui devrait être signé d'ici deux ans, renforcera aussi le rapport de force commercial du Canada avec les États-Unis, a affirmé M. Harper dans une entrevue exclusive accordée à La Presse. D'autant plus que le Canada offrira aux investisseurs et aux entreprises le taux d'imposition le plus bas sur le continent, a ajouté le premier ministre dans cette entrevue qui a eu lieu vendredi à bord de l'avion qui le ramenait au pays après un séjour à Prague, en République tchèque, et à Kandahar, en Afghanistan.

Selon M. Harper, l'administration démocrate de Barack Obama n'aura pas le choix que d'augmenter de manière marquée les impôts des entreprises et des particuliers au cours des prochaines années si les États-Unis veulent venir à bout de leur imposant déficit budgétaire.

Dans son tout premier budget, le président Obama a projeté un déficit éléphantesque de 1750 milliards US en 2009, une somme qui représente la moitié du budget total de 3552 milliards US et l'équivalent de 12% du produit intérieur brut des États-Unis.

Le président déjà indiqué son intention d'augmenter les impôts des plus particuliers les plus riches aux États-Unis pour s'attaquer au déficit, un boulet qu'il souhaite réduire de moitié d'ici la fin de son mandat.

Le gouvernement Harper prévoit un déficit de 34 milliards de dollars cette année et de 31 milliards l'an prochain. Un retour à l'équilibre budgétaire est prévu en 2013. Malgré ces déficits, le Canada maintiendra le taux d'endettement le plus bas par rapport à son produit intérieur brut de tous les pays du G7, soit 28%.

Résultat: le Canada deviendra sans contredit l'endroit idéal pour investir en Amérique du Nord, selon Stephen Harper. Et une entente de libre-échange avec l'UE ajoutera à l'attrait du Canada pour les investisseurs.

«Malgré nos difficultés, nous avons une situation beaucoup plus stable au Canada qu'aux États-Unis. Nous avons des bilans à long terme très solides malgré les déficits actuels. Nous maintiendrons un niveau d'endettement très bas. Nous aurons un surplus à la fin de la récession. Nous avons des banques solides. Nous aurons un niveau de taxation et d'imposition beaucoup plus bas que les États-Unis dans les années à venir», a affirmé M. Harper.

«Nos taxes et nos impôts baissent et, compte tenu de la situation financière des États-Unis, c'est immanquable que (Washington) va hausser les taxes et les impôts. (...) Nous avons donc la l'occasion d'être la porte d'entrée par excellence sur le marché nord-américain. Pour la première fois de notre histoire, nous avons la capacité à la fin de cette récession d'avoir un meilleur climat d'investissement en Amérique du Nord qu'aux États-Unis», a ajouté le premier ministre.

M. Harper s'est rendu à Prague la semaine dernière pour participer au sommet annuel Canada-UE. Ce sommet a donné le coup d'envoi aux négociations entre les deux parties pour conclure un accord de libre-échange.

À cet égard, le premier ministre a soutenu que ces négociations représentent l'initiative commerciale la plus importante depuis la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Il a rappelé que le Canada tente depuis près de 30 ans de conclure un traité commercial avec l'UE, un marché de près de 500 millions de personnes. «Nous tentons depuis longtemps de diversifier nos partenaires commerciaux, surtout avec l'Europe», a dit M. Harper.

Certes le Canada n'exporte présentement que 6% de ses marchandises vers l'UE - comparativement à environ 85% aux États-Unis - mais cette proportion croîtra rapidement avec la signature d'un accord de libre-échange.

Selon M. Harper, le début des négociations entre le Canada et l'UE enverra aussi un message clair aux autorités américaines qui pourraient être tentées par des politiques protectionnistes pour relancer l'économie aux États-Unis.

Et le fait que le Mexique ait déjà conclu un traité de libre-échange avec l'UE, même s'il est moins ambitieux que celui que préconise le Canada, accentuera la pression sur les États-Unis pour qu'ils abandonnent le protectionnisme, selon M. Harper.

«J'ai déjà fait part de mes préoccupations au sujet de certains développements aux États-Unis. On a remarqué que le président Obama s'est prononcé contre le protectionnisme et en faveur de l'ALENA. Ce sont des développements positifs, mais en même temps, on a remarqué dans le bois d'oeuvre ou dans certains secteurs de l'agriculture des gestes protectionnistes, et ça nous inquiète un peu. Mais que des pays développés - l'Union européenne et le Canada - soient vraiment engagés en faveur du libre-échange, c'est très positif», a dit M. Harper.