Depuis l'automne, le marché du travail canadien se détériore presque aussi vite que l'américain, mais cette faiblesse cache d'énormes disparités régionales.

Des deux côtés de la frontière, l'économie a détruit des emplois à un rythme annualisé de 5% environ de novembre à février, fait observer Douglas Porter dans une analyse récente portant sur les faiblesses canadiennes: «Le taux d'emploi (la proportion de la population active qui détient un emploi) diminue aussi vite qu'aux États-Unis, mais avec un décalage de six mois.»

 

Cela dit, même s'il y a décalage de six mois dans l'évolution des marchés du travail canadien et américain, l'écart reste important.

Officiellement, le taux de chômage s'élevait à 8,1% aux États-Unis, comparativement à 7,7% au Canada le mois dernier.

Si on adopte la méthodologie américaine qui compte la population active à partir de 16 ans au lieu de 15, le taux de chômage canadien recule à 6,7%.

Ce qu'il faut surtout retenir, fait remarquer Vincent Ferrao, analyste à Statistique Canada, c'est qu'il a augmenté de neuf dixièmes, des deux côtés de la frontière de décembre à févier.

De l'avis de M. Porter, trois bombes à retardement font tictac et seront difficiles à désamorcer: la crise de l'automobile dont le poids relatif dans l'économie est plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, la forte dépendance de l'économie canadienne sur les exportations des produits de base et le boom de la construction résidentielle qui a duré trop longtemps, dans l'Ouest du moins.

Le décalage au moins partiel paraît d'autant plus vraisemblable que les stocks des manufacturiers et des grossistes s'empilent. «Au-delà du premier trimestre, il y aura des comportements d'ajustement substantiel chez les producteurs pour ramener les stocks à des niveaux plus compatibles avec l'évolution de la demande», prévient Beata Caranci, directrice des prévisions économiques chez Banque TD Groupe financier.

Elle donne l'exemple des ventes d'autos qui ont plongé de 46% en janvier poussant le niveau des stocks de 37%. La production avait pourtant été réduite de moitié au cours des trois mois précédents.

Toutes les industries de biens durables vivent le même malaise. Dans le cas du bois et des métaux, le niveau des stocks atteint des sommets.

Cela frappe forcément les régions canadiennes de manière inégale. L'Ontario a longtemps été choyé par l'industrie automobile. Elle en fait maintenant les frais.

Depuis septembre, note M. Porter, le taux de chômage a bondi de 6,2% à 7,7%, d'un océan à l'autre. Des 10 régions métropolitaines les plus touchées, neuf sont en Ontario, l'exception étant Victoria. Le taux de chômage atteint maintenant ainsi 12,6% à Windsor et 9,5% à St. Catherines.

Ces chiffres sont confirmés aussi par les données de janvier de l'assurance emploi publiées hier par Statistique Canada. D'un océan à l'autre, le nombre de prestataires a grimpé de 4,4% entre décembre et janvier, mais de 21,3% en un an. Le Québec s'en tire nettement mieux avec une hausse de 9,3%.

En Ontario, le bond annuel atteint 43%. Mince consolation, l'Alberta et la Colombie-Britannique enregistrent des poussées plus inquiétantes.

Ces deux dernières provinces sont en outre très vulnérables à la correction qui sévit dans la construction résidentielle. L'an dernier, l'emploi dans ce secteur avait bondi de 8,6% à l'échelle canadienne alors qu'il a diminué de 7,4% aux États-Unis, selon les données comparatives publiées hier aussi par l'agence fédérale.

En deux mois cette année, le nombre de mises en chantier a plongé, mais les prix avaient commencé à diminuer dès l'automne dans l'Ouest et, dans une moindre mesure en Ontario.

Très recherchés naguère encore, les ouvriers de la construction peinent davantage à trouver de l'ouvrage. En deux mois, 47 600 sont venus grossir les rangs des chômeurs, de St. John's à Victoria.

La saignée de 3,9% de l'emploi dans ce secteur à l'échelle canadienne est encore bien mal répartie: 5,6% en Ontario, 6,4% en Saskatchewan, 5,3% en Alberta, mais un gain de 0,9% au Québec...