Une autre mégatransaction dans l'industrie pharmaceutique a été suivie de près hier par des centaines d'employés québécois. Cette fois, c'est le géant américain Merck (MRK) qui a avalé son rival Schering-Plough (SGP) pour 41,1 milliards US. Mais à Montréal, d'où sont dirigées les filiales canadiennes des deux entreprises, on affirme qu'il faudra attendre la fin de l'année avant de connaître les impacts de la transaction.

En avalant Schering-Plough, Merck a mis le grappin sur une entreprise qui pourrait commercialiser plusieurs médicaments au cours des prochaines années (les analystes parlent de ventes potentielles annuelles de 6 milliards US) et qui est moins menacée qu'elle par les pertes de brevet aux mains des fabricants de génériques. «C'est une question de science», a dit hier le grand patron de Merck, Richard Clark, pour justifier la transaction.

 

Celle-ci survient six semaines après l'acquisition de Wyeth par Pfizer, deux autres pharmaceutiques installées au Québec qui ne sont toujours pas en mesure de chiffrer les impacts de la transaction dans la province.

Merck et Schering-Plough ont annoncé hier qu'elles comptaient économiser 3,5 milliards US par année et couper environ 15% de leur personnel commun, soit près de 16 000 emplois.

«On n'a aucune idée s'il y aura des coupes au Canada ou à Montréal», a dit hier Mona Aubin, gestionnaire en communications chez Schering-Plough à Montréal.

«Notre président nous a réunis ce matin pour nous dire qu'on ne saura rien avant la fin de l'année», a continué Mme Aubin, affirmant que «pour l'instant, c'est business as usual.»

Schering-Plough emploie 850 employés au Canada. Environ la moitié sont des vendeurs situés aux quatre coins du Canada, tandis que les autres sont répartis entre le siège social, l'usine de fabrication et le centre de distribution, tous sur l'île de Montréal.

Le message est le même chez Merck Frosst, la filiale canadienne de Merck&Co., qui compte de son côté 1100 employés, dont environ 700 à Montréal.

«Il va falloir que la transaction soit entérinée pour connaître les impacts», a dit Vincent Lamoureux, porte-parole de Merck Frosst, qui attend aussi les détails vers la fin de l'année.

Claude Camiré, analyste chez Paradigm Capital, se montre toutefois optimiste pour Montréal et le Canada. «Je ne crois pas qu'il faille s'attendre à un impact majeur, a-t-il dit à La Presse Affaires. Le Canada a toujours été reconnu comme un pays où on peut faire de la pharma de haute qualité à bas prix.»

Selon lui, le centre de recherche de Merck à Kirkland a toujours été reconnu comme un «pilier» au sein de la multinationale. Quant à Schering-Plough, il croit que la taille de l'usine montréalaise pourrait jouer en sa faveur.

«Habituellement, rendu à cette taille, on parle d'usines stratégiques, dit l'analyste. Les petites usines de 100 employés sont souvent plus vulnérables.»

Les actionnaires de Schering-Plough recevront 0,5767 action de Merck et 10,50$US pour chacune de leurs actions, soit une prime de 34% par rapport au prix de clôture de l'action de Schering-Plough au 6 mars dernier.

La transaction fait bondir de neuf à 18 le nombre des produits en développement de Merck qui se trouvent en étude clinique de phase III, la dernière ligne droite avant la commercialisation.

Des analystes cités par Bloomberg invitent à regarder du côté de Johnson&Johnson. L'entreprise possède une clause qui lui permet de réclamer tous les droits de vente hors des États-Unis sur un populaire anti-inflammatoire, le Remicade, en cas de changement de propriété de Schering-Plough. Certains analystes croient que Johnson&Johnson pourrait faire une contre-offre pour Schering-Plough.

Les analystes croient aussi que l'acquisition fait partie d'une vague de mégatransactions dans l'industrie pharmaceutique; Bristol-Myers Squibb pourrait être la prochaine à bouger.

Le titre de Schering-Plough a bondi de 14,18%, à 20,13$US hier, à la Bourse de New York, tandis que Merck perdait 7,70%, à 20,99$US.

 

LES PLUS GRANDES FUSIONS DANS LE PHARMACEUTIQUE

Voici le classement des 10 opérations les plus coûteuses, en milliards US.

1) Fusion de Pfizer et Warner- Lambert (2000) : 85 milliards

2) Rachat de SmithKline Beecham par Glaxo Wellcome (2000) : naissance de Glaxo SmithKline, 76 milliards

3) Rachat d'Aventis par Sanofi- Synthélabo (2004) : naissance de Sanofi-Avenis, 73 milliards

4) Rachat de Wyeth par Pfizer (en cours) : 68 milliards

5) Rachat de Pharmacia par Pfizer (2003) : 60 milliards

6) Rachat des activités pharmaceutiques de Monsanto par Pharmacia&Upjohn (2000) : 52 milliards

7) Rachat de la totalité de Genentech par Roche (en cours) : 43 milliards

8) Rachat de Schering-Plough par Merck (en cours) : 41 milliards

9) Fusion entre Astra et Zeneca (1998) : naissance d'AstraZeneca, 37 milliards

10) Fusion de Sandoz et Ciba-Geigy (1996) : naissance de Novartis : 27 milliards