La récession qui s'annonce fait craindre à plusieurs de voir leurs revenus stagner, voire de perdre leur emploi. Mais cette anxiété est plus que compensée par les bénéfices insoupçonnés des crises économiques.

Quand l'économie ralentit, la population est en moyenne plus en santé parce que les gens vont moins au restaurant, parce qu'ils ont plus de temps pour faire de l'exercice et, surtout, parce que les surcharges de travail sont plus rares.

 

Ce constat inusité, proposé pour la première fois par un économiste américain au milieu des années 90, a été depuis confirmé par plusieurs études. Seul le nombre de suicides et de crimes violents augmente en temps de crise, alors que les autres causes de mortalité connaissent une baisse marquée.

«Je suis tombé sur la question par hasard», explique Christopher Ruhm, économiste de la Caroline-du-Nord qui a jeté les bases de ce concept, notamment dans un article publié en 2000 dans le Quarterly Journal of Economics. «Je lisais souvent des études qui mentionnaient les effets négatifs des récessions sur la santé. Je me suis intéressé aux sources de cette idée et je me suis rendu compte qu'elle provenait de notions théoriques plutôt que de données empiriques, de la conviction que le stress de perdre son emploi était néfaste pour la santé.»

En examinant des données compilées au cours d'une vingtaine d'années, M. Ruhm a vite constaté que la mortalité avait plutôt tendance à baisser quand l'économie allait mal. Depuis, ce résultat a été confirmé par une étude des pays de l'OCDE et par des données qui remontent au milieu du XIXe siècle en Allemagne. L'économiste américain veut maintenant voir si l'effet s'annule au fil du cycle économique, si la mortalité augmente autant durant les booms qu'elle diminue dans les crises.

«Il est certain que dans les pays en voie de développement, où la crise économique signifie que des millions de personnes n'auront plus assez d'argent pour manger, ce lien ne tient pas, dit M. Ruhm. Il ne s'applique qu'aux pays industrialisés. Et encore, il est moins fort là où le filet de protection sociale est plus solide, par exemple en Scandinavie. C'est paradoxal. Je crois que c'est dû au fait que les pays où l'État providence est plus faible sont aussi ceux où les booms économiques sont les plus forts, où les travailleurs peuvent en profiter pour faire beaucoup d'argent, au péril de leur santé.»