Difficile d'intégrer des personnes handicapées? Pas vraiment, clame le milieu du travail.

Difficile d'intégrer des personnes handicapées? Pas vraiment, clame le milieu du travail.

Mélanie Bastien-Ouimet, 26 ans, travaille depuis cinq ans comme emballeuse aux Bonbons Mondoux, dans un parc industriel de Laval. Elle habite seule depuis près d'un an. «C'est libérateur, dit-elle. Je vole de mes propres ailes.» Quel intérêt, pensez-vous? Mme Bastien-Ouimet est atteinte de trisomie 21.

Son apparence physique dénote sa maladie. Elle a le faciès caractéristique et est de très petite taille, 4 pieds 2 po (1,27 m) peut-être. Elle n'en est pas certaine. Autrement, elle s'exprime clairement. Sa grammaire dépasse même celle de certains universitaires que la journaliste a déjà interviewés.

Pour un employeur ayant besoin de personnel sans formation particulière, Mme Bastien-Ouimet est une employée comme les autres. Enfin, presque. Avec ses petites mains, elle est un peu moins productive que ses collègues. Son salaire est pourtant le même. Une mesure gouvernementale, le Contrat d'intégration au travail (CIT), vient combler le manque à gagner pour l'employeur.

L'expertise

Difficile de placer des personnes handicapées en entreprise? «Pas du tout, parce que nous avons l'expertise pour le faire», lance Louise Courteau, directrice générale d'Option Travail, un service spécialisé en main-d'oeuvre destiné aux personnes vivant avec diverses limitations.

«Il y a une ouverture absolument incroyable de la part des employeurs», signale Mme Courteau. Et Option Travail n'attend pas que ces derniers cognent à sa porte. Au contraire, quand un employeur lui demande des employés, la directrice générale s'assure d'abord que son objectif n'est pas d'obtenir une main-d'oeuvre bon marché.

Mme Courteau préfère contacter elle-même les entreprises.

«On part du CV et des limitations de la personne handicapée, puis on fait du démarchage pour lui trouver un emploi sur mesure», explique-t-elle. «On ne m'a jamais fermé la porte au nez. En 26 ans, le placement n'a jamais été un problème.»

Certes, le taux d'emploi des personnes handicapées au Québec est la moitié de celui de la population n'ayant pas d'incapacité. Le gouvernement québécois a d'ailleurs présenté le mois dernier une stratégie pour réduire cet écart de 50% d'ici 10 ans.

Il demeure que selon une enquête de Statistique Canada, seulement 14% des personnes handicapées qui occupaient un emploi en 2001 au Québec estimaient qu'on leur avait refusé un emploi en raison de leur état dans les cinq années précédant l'enquête. Environ 10% disaient avoir subi une mise à pied pour les mêmes raisons.

La PME: principal employeur

Selon des données de 1998, 54,7% des personnes handicapées ou ayant des incapacités travaillent dans une entreprise de moins de 50 employés. Un tiers se retrouve dans la grande entreprise.

Dans la fonction publique québécoise, les personnes handicapées représentent tout au plus 1% de l'ensemble des employés.

Le gouvernement a annoncé en mai qu'il augmenterait graduellement le nombre de stages qui leur sont réservés. Dans l'optique du renouvellement de la fonction publique, Québec vise à ce que les personnes handicapées constituent, à terme, 2% de son personnel pour mieux refléter la population.

Chaque année, de 45 à 50 personnes handicapées décrochent un stage d'un an dans la fonction publique québécoise. Andrea Natalia Balogh, technicienne en administration au bureau du Curateur public de Saint-Jérôme, fait partie de la cohorte actuelle.

Mme Balogh est sourde à 100% d'une oreille. Immigrée depuis deux ans, elle avait un peu de difficulté au début de son stage à comprendre ses interlocuteurs au téléphone. Le problème s'est estompé depuis, dit-elle. Elle travaille dans un bureau à aires ouvertes, en compagnie d'une quinzaine d'autres personnes.

«Pour nous, il s'agit simplement de faire un peu plus attention quand on s'adresse à elle», remarque sa supérieure, Francine Périard. Mme Balogh est sa deuxième stagiaire depuis 2002. La première, une personne en fauteuil roulant, a été embauchée à la fin du projet.

Au Centre Lucie-Bruneau, on aide les personnes ayant une déficience motrice ou neurologique à intégrer le marché de l'emploi. «En général, c'est impressionnant de voir à quel point les employeurs sont prêts à s'ajuster», note Michèle Bleau, ergothérapeute et coordonnatrice interdisciplinaire du Programme de réadaptation au travail.

Dans le cas des incapacités acquises en cours d'emploi, plus les liens sociaux entre l'employé et l'employeur étaient forts avant l'accident ou la maladie, plus c'est vrai, ajoute Mme Bleau.

«On demande seulement à l'employeur d'être ouvert aux outils qu'on va lui suggérer, dit l'ergothérapeute. Il n'y a que des avantages à intégrer un employé soutenu par une équipe comme la nôtre.»