L'économie mondiale est grippée. La croissance ralentit et les entreprises à la recherche de nouvelles occasions d'affaires pour maintenir leur croissance ne savent où donner de la tête.

L'économie mondiale est grippée. La croissance ralentit et les entreprises à la recherche de nouvelles occasions d'affaires pour maintenir leur croissance ne savent où donner de la tête.

Vijay Mahajan, professeur à la McCombs Business School de l'Université du Texas à Austin et auteur d'Africa Rising, leur propose un pari audacieux. Pourquoi ne pas miser sur l'Afrique?

Pourtant, les médias ne cessent de nous inonder d'histoires d'horreur en provenance de ce continent. À les croire, le lot de l'Afrique serait de subir des famines à répétition et d'être gouvernée par des despotes.

Interrogé à ce sujet, le professeur Mahajan s'emporte. «Il n'y pas si longtemps, les experts faisaient les mêmes commentaires à propos de la Chine et de l'Inde. Regardez maintenant où en sont ces deux pays.»

«Il suffit de se promener dans les rues des grandes cités africaines pour voir ces jeunes avec des cellulaires ou qui regardent la télévision... Ils écoutent la même world music et les mêmes émissions que mes enfants qui ont grandi au Texas et ils sont aussi bien informés», constate le lauréat du prix Charles Coolidge Parlin de l'American Marketing Association pour son apport à l'étude du marketing.

«Les Africains aussi achètent de l'huile de cuisson, des vêtements, des cellulaires, des téléviseurs et les entrepreneurs trouveront inévitablement des moyens pour les combler», ajoute celui qui témoigne d'une profonde confiance envers l'ingéniosité des Africains. Il ne peut d'ailleurs s'empêcher de faire remarquer que les Africains ont remporté plus de prix Nobel que les Chinois et les Indiens réunis!

Coca-Cola, Guinness et Gillette

Africa Rising regorge d'exemples de sociétés occidentales qui ont réussi en Afrique. Par exemple, Coca-Cola qui vend chaque jour 93 millions de bouteilles en Afrique, et ce, malgré les embûches (frontières, routes en mauvaises conditions, etc.). En fait, selon Alexander B. Cummings, le président de la filiale africaine de Coca-Cola, cité par M. Mahajan: «L'Afrique est notre troisième marché au monde et contribue annuellement à hauteur de 4 à 5 milliards de dollars aux résultats de notre groupe.»

Même chose du côté de Guinness. Face à un marché stagnant en Irlande et en Europe, le brasseur irlandais a mis le cap sur l'Afrique. Le succès est tel qu'à Lagos, la métropole du Nigéria, la Guinness est considérée comme une bière locale.

Quant à Gillette, elle a réussi à faire passer ses ventes en Zambie de 5000 unités à 750 000 unités tout simplement en embauchant des cyclistes pour distribuer ses lames de rasoir en petits paquets bon marché de cinq lames.

Mieux que la Chine

Les dires du professeur sont confirmés par les statistiques. En effet, Global Insight vient tout juste de revoir à la baisse ses prédictions de croissance pour les économies du monde entier. L'organisme a pourtant haussé à 5,8% le taux de croissance anticipé cette année pour l'Afrique noire et à 6% celui de l'Afrique du Nord... contre 4,9% pour l'Asie.

«Les 900 millions de consommateurs africains ont un revenu moyen supérieur à celui de l'Inde, poursuit le professeur Mahajan. En fait, 12 des 53 pays africains ont un PIB par habitant plus élevé que celui de la Chine.»

Certains pays africains (l'Angola par exemple) ont même des taux de croissance de 20% par année, soit deux fois plus qu'en Chine.

Selon Vijay Mahajan, la classe moyenne africaine compterait de 300 à 500 millions de personnes, soit autant qu'en Chine ou en Inde. «Ces gens ont en commun de pouvoir faire vivre leurs familles et d'aspirer à une vie meilleure. Tout comme les Chinois et les Indiens, ils sont friands de nouvelles technologies, d'où le succès du cellulaire.»

L'industrie du logiciel, par exemple, y croît de 30% par année si l'on se fie à un récent dossier de l'hebdomadaire Jeune Afrique. Casablanca, au Maroc, serait même devenue un centre de production de jeux vidéo qui pourrait menacer un jour Montréal.

Et la diaspora...

Il ne faudrait pas oublier pour autant le bassin non négligeable d'Africains vivant à l'étranger. «Ces derniers consomment des produits africains, des services bancaires de transfert d'argent ou des appels interurbains. En fait, de nombreux membres de la diaspora achètent par internet et font livrer en Afrique ou encore remettent une carte de débit ou de crédit aux membres de leurs familles afin qu'ils s'en servent, d'où une consommation accrue en Afrique.»

Le professeur Mahajan lance toutefois un appel à cette diaspora. «L'Occident regorge d'Africains qui ont quitté leur pays et qui ont acquis une expertise considérable qui pourrait être mise à contribution en Afrique», fait-il valoir.

Il donne d'ailleurs l'exemple de l'Inde, son pays d'origine. «J'ai participé à la mise sur pied de l'Indian School of Business qui a été entièrement financée par la diaspora. En moins de six ans, elle se situait déjà au sixième rang des meilleures écoles internationales de gestion», clame fièrement celui qui a dirigé cette École de 2002 à 2004.

Les options

Vous vous demandez, en tant que petit investisseur, comment tirer profit du marché africain? Malheureusement, il est très difficile d'investir directement sur les Bourses africaines. Peu de courtiers canadiens offrent ce service.

Quant aux fonds communs de placement, la plupart de ceux consacrés aux marchés émergents investissent principalement en Asie, en Europe de l'Est ou en Amérique latine, mais peu en Afrique.

Il ne vous reste donc que la possibilité d'investir dans des titres de sociétés canadiennes, américaines ou européennes implantées en Afrique. Par exemple, Total, la principale société pétrolière de l'Europe continentale, s'approvisionne maintenant principalement en Afrique.

Une des deux grandes brasseries mondiales, SAB-Miller, est africaine et est cotée à Londres.

Si vous tenez toutefois à faire preuve de patriotisme et voulez investir dans une société canadienne, sachez que plusieurs sociétés aurifères québécoises et canadiennes brassent des affaires en Afrique. Elles n'ont toutefois pas toujours bonne réputation quant au respect de l'environnement ou en matière de relations du travail

Il vous reste SNC-Lavalin, la célèbre société d'ingénierie montréalaise, dont 16 % du chiffre d'affaires provient d'Afrique et 9 % du Moyen-Orient. Voilà une occasion d'investir sagement et selon sa conscience, de faire preuve de patriotisme et de soutenir l'Afrique.