L'assureur Manuvie le fait, de même que Teachers', la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario. De plus en plus, les grandes firmes d'investissements qui gèrent des milliards de dollars redécouvrent les vertus d'une ressource vieille comme le monde, les arbres.

L'assureur Manuvie le fait, de même que Teachers', la caisse de retraite des enseignants de l'Ontario. De plus en plus, les grandes firmes d'investissements qui gèrent des milliards de dollars redécouvrent les vertus d'une ressource vieille comme le monde, les arbres.

Ces nouveaux bûcherons sont des investisseurs raffinés, à la recherche de rendements intéressants et prévisibles sur une longue période de temps. Ils trouvent cette denrée rare dans les fonds d'investissement forestier, les Timber Investment Management Organizations (TIMO).

L'exploitation de la forêt, telle qu'on la connaît ici, n'est pourtant pas exactement un modèle de rendement intéressant et prévisible. Du moins pour l'investisseur moyen.

Parlez-en aux actionnaires de Tembec ou d'AbitibiBowater, dont les titres en Bourse ont dégringolé de façon spectaculaire récemment.

Au Canada, et particulièrement au Québec, on voit encore l'exploitation forestière du point de vue des entreprises de transformation qui utilisent la forêt pour faire des 2X4, de la pâte et du papier.

Pour elles, le bois est un coût de production qu'il importe de réduire le plus possible. Leurs spécialités, ce sont le papier, le carton ou le bois d'oeuvre.

Les fonds d'investissements forestiers, par comparaison, sont des spécialistes du bois. Ils aménagent les forêts qu'ils détiennent de façon à en tirer le meilleur rendement possible.

Leur intérêt est donc de conserver la santé et la diversité des forêts, et de faire tout ce qui peut favoriser la croissance des arbres, un peu comme un maraîcher gagne sa vie en cultivant les meilleurs produits possible sur sa terre.

Les fonds vendent leur bois principalement aux fabricants de pâtes et papier, la plupart du temps avec des ententes d'approvisionnement à long terme, mais aussi à tous ceux qui en veulent, fabricants de meubles et autres produits en bois.

Ils peuvent aussi tirer des revenus de l'utilisation de leurs terres à des fins récréatives, en en louant des parties à des pourvoiries.

Les arbres sont une ressource renouvelable qui, bien gérée, génère des revenus stables sur une longue période de temps, ce qui est très apprécié des caisses de retraite et autres investisseurs de long terme.

Tout le monde le fait

Historiquement, les fonds d'investissement forestier ont rapporté des rendements de 6 à 10% à leurs actionnaires.

Certains, comme le Hancock Timber Resource Group, un des plus importants acteurs du secteur, se targuent de rendements encore plus élevés.

Pour les investisseurs institutionnels comme Teachers', qui a misé entre 300 et 400 millions US de l'argent de ses déposants dans la forêt, il s'agit d'une diversification intéressante de leur portefeuille rempli d'investissements boursiers et immobiliers.

Autrefois réservés aux gros investisseurs, les fonds d'investissement s'ouvrent de plus en plus aux particuliers qui peuvent acheter des parts. Ce qui est bon pour les investisseurs institutionnels est-il bon pour tout le monde?

Est-il possible de faire en même temps un investissement intéressant pour notre portefeuille et bon pour l'environnement?

Attention, dit Alain E. Roch, président de Blue Bridge, une firme indépendante de consultation en gestion de patrimoine. «Le déclin du marché forestier et de ses débouchés au Canada nous incite à la prudence», dit-il.

«L'investissement via les TIMO s'est avéré rentable, voire très rentable jusqu'à récemment. La plupart des fonds sont gérés de manière à générer d'excellents rendements», estime le gestionnaire.

Dans bien des cas, ces rendements ont été obtenus au détriment d'une bonne gestion forestière.

«La gestion durable du bien forestier est malheureusement absente de la stratégie de gestion des TIMO. Les domaines sont souvent surexploités, vendus et même parfois transformés en terrains agricoles».

Selon Alain Roch, l'engouement des investisseurs institutionnels pour la forêt a créé une bulle. Les investisseurs qui voudraient entrer dans ce marché doivent donc redoubler de prudence.

«Une bulle timber sévit actuellement, explique-t-il. Il faut sélectionner son véhicule d'exploitation en étant attentif à la zone géographique dans laquelle on investit et à la stratégie déployée pour générer du rendement».

Une gestion durable de la forêt offre de meilleures possibilités de rendement constant, ajoute le gestionnaire.

Comme pour toutes les formes d'investissements, il y a des risques associés à l'investissement forestier. À commencer par le prix du bois, qui est influencé par les cycles économiques - comme la crise immobilière aux États-Unis et la baisse de la demande de papier journal.

Contrairement aux entreprises de pâtes et papiers et de bois d'oeuvre, qui doivent couper du bois pour alimenter leurs usines et qui souffrent immédiatement de la détérioration de leur marché, un fonds d'investissement forestier n'est pas obligé de vendre son bois quand le prix est trop bas. Il peut en vendre moins et garder ses arbres jusqu'à temps que le prix soit plus intéressant.

Il y a aussi les feux et les insectes, qui peuvent détruire des grandes superficies de forêt très rapidement. Les investissements forestiers sont également moins liquides que les autres véhicules financiers.

Des terres à bois ne peuvent pas être vendues aussi facilement que des actions ou des obligations en cas de besoin.

Un fonds bien géré a aussi des forêts dont la croissance et la maturité sont différentes, ce qui contribue à la stabilité des revenus qu'il peut en tirer.

Mais celui qui investit dans les forêts - et le gestionnaire qu'il choisit - doit avoir la patience du jardinier, parce que les arbres mettent du temps à pousser. Il faut entre 20 et 80 ans à un arbre, selon les climats et les essences, pour arriver à maturité.

Comme toujours, résume Alain Roch, «le risque pour l'investisseur, comme pour la forêt elle-même, réside dans l'appât du gain à court terme».