Leur rêve est magnifique... et ambitieux: faire le tour du monde en voilier avec leurs trois enfants.

Leur rêve est magnifique... et ambitieux: faire le tour du monde en voilier avec leurs trois enfants.

Ennui, ils n'ont encore ni voilier ni enfants.

Mais c'est prévu.

Le premier bébé est planifié en 2010. Les deux autres suivront à intervalle de deux ans.

C'est pour le bateau que les choses se compliquent.

Sarah et David ont tous deux 25 ans. Ils complètent des maîtrises et travaillent comme pigistes. Leurs revenus communs atteignent 40 000 $ avant impôt.

Leurs frais de logement s'élèvent à environ 650 $ par mois, loyer, électricité et autres services compris. Leur bilan est libre de toute dette.

«Nous n'avons pas et ne voulons pas d'auto, insistent-ils. Pour nos déplacements, nous utilisons le service de Communauto à l'occasion. Sinon, c'est le métro et le vélo.»

Ce budget bien contrôlé leur permet présentement d'épargner chaque mois 700 $ pour leur projet. Plus de 5500 $ ont déjà été engrangés.

«Pour concrétiser notre projet, nous devrons partir sur mer au maximum neuf ans après la naissance de notre premier enfant si nous voulons permettre à ce dernier de vivre son adolescence sur la terre ferme avec d'autres jeunes, décrit le couple.

Nous achèterions notre bateau un an avant le départ pour l'aménager et nous y installer. Le coût serait d'environ 60 000 $, plus 35 000 $ de rénovation et d'équipement. Ensuite, en voyage, les frais annuels se situeraient aux alentours de 25 000 $ par année.»

Le grand départ aurait donc lieu au plus tard en 2019, pour un périple de quatre ans et demi.

Reste à atteindre ces objectifs. Le couple nautonier décline ses préoccupations en trois questions.

«Combien d'argent par mois devrions-nous investir, et de quelle façon, pour réaliser notre projet?», demande d'abord notre couple.

Puis, «Devrions-nous nous acheter une maison pour la revendre à notre départ?»

Et la plus fondamentale et la plus ardue: «Notre projet est-il réaliste?»

Faire le point

Le planificateur financier Gaétan Veillette, du Groupe Investors, a soigneusement analysé la route tracée par nos navigateurs.

«Le couple s'est bien documenté sur l'expérience de familles qui ont vécu cette aventure, observe-t-il. En voyage, les enfants étudieront sur le bateau avec des volumes et par Internet. Leur formation sera ensuite accréditée en équivalence par le Ministère de l'éducation, selon certaines conditions.»

À raison de 700 $ par mois avec un rendement de 7 % et une majoration de l'épargne de 3 % par année, il faudra un peu plus de huit ans pour atteindre l'objectif de 95 000 $, en tenant compte de l'impôt payable sur le rendement.

Toutefois, une inflation moyenne de 3 % par année auront gonflé les 95 000 $ visés à 135 000 $ en 2018. Toujours avec un rendement de 7 %, cet objectif serait atteint en un peu plus de 10 ans.

Il faudra encore soutenir les dépenses de voyage, que le couple estime présentement à 25 000 $ par année. Le travail à la pige des deux conjoints devrait leur permettre de gagner près de 15 000 $ par année durant leur périple.

Considérant l'inflation, le déficit total à combler pendant ces 4 ans et demi atteindra environ 65 000 $.

Cette somme nécessitera une épargne supplémentaire d'environ 400 $ par mois pendant 10 ans.

Dès 2009, soit à 10 ans de l'échéance, le couple devrait donc épargner près de 1100 $ par mois.

À partir de 2010, alors que les deux conjoints auront atteint leur vitesse de croisière sur le marché du travail, le couple pourrait toucher des revenus de 105 000 $ par année.

Dans ces conditions, l'effort d'épargne est important, mais réalisable, «surtout pour un couple aussi discipliné», commente notre expert.

Maison ou loyer?

Notre couple envisage également acheter une propriété, qu'il revendrait au moment de partir en croisière. Cette stratégie est-elle plus rentable?

Gaétan Veillette a d'abord établi les prémisses de l'option loyer: frais de logement de 580 $ par mois jusqu'en 2010, puis de 1000 $ par mois lorsque la famille s'agrandira. Avec les assurances et des dépenses annuelles de 1500 $ pour la location occasionnelle d'une voiture, les frais atteignent un total de 13 700 $ par an à partir de 2011.

Voyons l'option maison. Notre couple s'est vu offrir un condo en périphérie de Montréal. M. Veillette suppose un prix d'achat de 200 000 $ en 2011, dont la mise de fonds sera fournie par les 50 000 $ accumulés jusqu'alors pour le voyage.

Avec les frais de démarrage (5000 $ amortis sur neuf ans), les frais de copropriété, les impôts fonciers, les assurances, le chauffage, l'entretien et la possession incontournable d'une voiture au coût de 6000 $ par année, les frais annuels s'élèvent à 27 700 $.

En tenant compte d'un profit de 50 000 $ lors de la vente en 2018 et capital remboursé durant la possession, le coût annuel est ramené à 17 900 $.

«Selon ces hypothèses, sans égard à la qualité de vie, il est plus économique de vivre à loyer», conclut notre spécialiste.

L'achat d'une propriété n'est pas pour autant à écarter. Pour combler un éventuel manque à gagner, Gaétan Veillette avance notamment la possibilité d'une hypothèque maritime sur leur voilier.

Est-ce réaliste?

Le projet est donc réalisable. Est-il réaliste, se demande notre couple? C'est une autre question. Tout dépend de l'aune à laquelle on mesure ce réalisme.

Gaétan Veillette a calculé l'impact du voyage sur le patrimoine familial, dans l'hypothèse où une propriété est achetée en 2011. À la fin de 2023, au terme présumé du périple, le patrimoine familial — actif, épargnes, etc. — totaliserait 312 000 $. Si le ménage était resté au Québec et n'avait jamais réalisé ce projet, son patrimoine atteindrait 651 000 $, soit 340 000 $ de plus. Cet écart s'élargit ensuite avec les années.

«Ainsi, ce rêve d'un voyage autour du monde représente environ 75 000 $ par année sur la valeur du patrimoine», indique M. Veillette.

Au chapitre de l'expérience de vie et des souvenirs, par contre, le solde est largement positif.