Alors que les autres pays doivent payer de plus en plus cher pour se nourrir, le Canada peut se targuer d'avoir l'un des taux d'inflation alimentaire les plus faibles au monde - gracieuseté de la montée du dollar et de l'arrivée de Wal-Mart (WMT) et ses épiceries à grande surface.

Alors que les autres pays doivent payer de plus en plus cher pour se nourrir, le Canada peut se targuer d'avoir l'un des taux d'inflation alimentaire les plus faibles au monde - gracieuseté de la montée du dollar et de l'arrivée de Wal-Mart [[|ticker sym='WMT'|]] et ses épiceries à grande surface.

Selon les experts, la hausse modeste du prix des aliments pourrait mener à une baisse des taux hypothécaires. Portrait d'un effet domino intéressant pour l'économie canadienne.

En octobre 2006, Wal-Mart annonçait en grande pompe l'ouverture de ses premières épiceries à grande surface au Canada. Le géant du commerce de détail promettait de réduire le prix du panier d'épicerie.

Aujourd'hui, une autre conclusion s'impose: les fruits et légumes de Wal-Mart permettront bientôt aux Canadiens de réduire le coût de leur hypothèque.

En matière de bouffe, le Canada fait bande à part. Au contraire des autres pays, le prix de la nourriture y est relativement stable.

En date de novembre dernier, le prix des aliments a augmenté de 1,1% sur une base annuelle - une hausse encourageante comparativement à celle de 5% aux États-Unis et de 18% en Chine.

Comme la nourriture est le deuxième poste budgétaire en importance des Canadiens, la hausse modeste du prix des aliments contribue à garder l'inflation sous contrôle au pays.

«Le Canada se distingue des autres pays en matière d'inflation alimentaire et l'arrivée des épiceries de Wal-Mart et d'autres gros joueurs a été un élément fondamental dans le contrôle du prix des aliments», dit Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Banque Nationale.

Wal-Mart s'est toujours défini comme un puissant agent anti-inflationniste. Une étude de Global Insight commandé par l'entreprise conclut que les prix bas offerts par la chaîne ont permis aux consommateurs américains d'économiser 13 milliards par année entre 1985 et 2004.

«Nous sommes pleinement conscients de notre impact au niveau de l'inflation, dit Yanik Deschênes, porte-parole de Wal-Mart Canada. Aux États-Unis, tout le monde reconnaît que si l'inflation a été maintenue à un niveau aussi bas au cours des dernières années, c'est en grande partie à cause du travail de Wal-Mart. Nous travaillons très fort avec nos fournisseurs afin de trouver des solutions créatives pour offrir les prix les plus bas à nos clients.»

Les 28 épiceries à grande surface - 31 d'ici la fin du mois - de Wal-Mart en Ontario et en Alberta ont eu un impact considérable sur le prix des aliments.

Mais aussi puissant soit-il, le géant américain ne contrôle pas seul la valeur du panier d'épicerie.

Il a d'ailleurs peu d'influence sur les prix au Québec, où il n'a pas de supermarché à grande surface - et où il n'envisage pas en ouvrir non plus «à court et à moyen terme», selon Yanik Deschênes.

«Même si Wal-Mart a été un facteur important de la concurrence dans le secteur alimentaire, il y a aussi beaucoup de concurrence entre les autres épiciers canadiens, dit Avery Shenfeld, économiste principal chez CIBC Marchés mondiaux. L'alimentation est l'un des secteurs les plus concurrentiels de l'économie canadienne. Contrairement à d'autres secteurs, il y a plusieurs fournisseurs, ce qui fait en sorte de réduire les prix des aliments plus rapidement.»

Il n'y a pas que Wal-Mart qui rende les autres épiciers nerveux en jouant avec les prix. Loblaws poursuit aussi une politique de prix énergique afin de regagner ses parts de marché.

«La concurrence est toujours très forte dans notre secteur, dit Marie-Claude Bacon, directrice des affaires corporatives de l'épicier québécois Metro. Le marché est encore plus concurrentiel en Ontario, notamment en raison de la présence des épiceries à grande surface de Wal-Mart. Au Québec, Wal-Mart nous concurrence mais dans une moindre mesure. Même si elle n'a pas d'épicerie à grande surface, l'entreprise consacre de plus en plus d'espace à la nourriture dans ses magasins et ses circulaires publicitaires.«

Hypothèques

Soit, Wal-Mart, Loblaws [[|ticker sym='T.L'|]] et les autres épiciers au pays se livrent une lutte féroce qui a comme effet de maintenir l'inflation alimentaire à un niveau très bas.

Mais comment cette guerre de prix peut-elle affecter les hypothèques des Canadiens?

C'est qu'en raison de la hausse modeste du prix des aliments, la plupart des économistes prévoient une baisse de l'inflation en 2008. La Banque Nationale prévoit même que l'inflation passerait de 2,5% à 1%.

Un taux d'inflation aussi faible permettrait à la Banque de Canada de réduire ses taux d'intérêt sans craindre une inflation plus importante. Tôt ou tard, cette décision de la Banque du Canada aura un impact sur les taux hypothécaires.

Comme la Banque Nationale, le Mouvement Desjardins croit que l'inflation diminuera au Canada cette année.

Son économiste Benoit Durocher émet toutefois une réserve: la faible hausse du prix des aliments a beau tirer l'inflation vers le bas, il n'est pas impossible que le contraire se produise dans quelques mois.

«En février dernier, l'inflation alimentaire était à 4,1% et la concurrence était aussi forte dans le secteur alimentaire, dit-il. L'effet Wal-Mart est une tendance à la baisse à moyen terme au cours de laquelle il y a des variations cycliques à la hausse et à la baisse.»

Mais pour l'heure, l'optimisme est de rigueur parmi les économistes qui suivent les moindres faits et gestes de la Banque du Canada, l'institution dont la mission principale est de maintenir l'inflation sous contrôle.

«Le Canada est très bien positionné dans la lutte contre l'inflation, dit Stéfane Marion, de la Banque Nationale. Il y a eu une première baisse du taux directeur en trois ans cet automne et nous prévoyons d'autres baisses de 0,5% au cours des prochains mois.»

«La Banque du Canada peut se permettre de baisser les taux car elle n'a pas d'inquiétude relativement à l'inflation. Aux États-Unis, la Réserve fédérale n'a pas la même marge de manoeuvre.»

L'envers de l'inflation

Allons-y pour un peu d'économie-fiction. L'inflation alimentaire au Canada continue d'être parmi les plus basses au monde en 2008.

Le huard ne cesse de prendre de la valeur par rapport au billet vert de l'Oncle Sam.

L'économie canadienne s'essouffle. Soudain, le cauchemar des économistes se produit: l'inflation traverse le point zéro pour se transformer en déflation.

Cessons de nous inquiéter. Il ne s'agit que de l'économie-fiction. La déflation ne risque pas de faire des siennes de sitôt au Canada.

Les conséquences d'une déflation sont telles que la Banque du Canada a pour mission de contrôler l'inflation entre 1% et 3%», dit Benoit Durocher, économiste au Mouvement Desjardins.

«Lors d'une déflation, les gens arrêtent de consommer car ils se disent qu'ils pourront avoir le même produit moins cher un peu plus tard.»

C'est bien connu, les économistes craignent la déflation contre la peste. Parfois trop.

«On ne souhaite jamais une déflation, mais ça ne serait pas la fin du monde s'il y en avait une au Canada présentement», reconnaît Stéfane Marion, économiste en chef adjoint à la Banque Nationale.

«La déflation peut même avoir un impact positif pour les consommateurs. Le problème, c'est que les profits des entreprises baissent aussi et que l'activité économique ralentit parce que les consommateurs retardent leurs achats.»

«La déflation n'est pas la fin du monde, ajoute Benoit Durocher. Le Japon a été en déflation entre 1999 et 2003. Ce fut un frein important à sa croissance économique, mais la Terre a continué de tourner.»

Rares sont les Canadiens qui se souviennent vraiment des conséquences d'une déflation. La dernière à avoir frappé l'économie du pays remonte à 1951, alors que l'indice des prix à la consommation avait reculé de 1,4%.

«Mais pour une vraie période de déflation s'étendant sur plusieurs années, il faut remonter à la dépression économique des années 30», dit Jeremy Harrison, porte-parole de la Banque du Canada.

Malgré tout, la déflation est loin d'être un concept économique désuet. Stéfane Marion se rappelle les menaces de déflation qui pesaient sur l'économie américaine au début des années 2000.

«En 2002, l'inflation était à 1% aux États-Unis, dit-il. Le pays craignait une déflation en raison de la récession. La Fed a été très agressive en matière de baisses de taux d'intérêt. Cette stratégie a stimulé à outrance le marché immobilier américain, ce qui a contribué à la crise actuelle aux États-Unis.»