À Québec, la ministre des Finance Monique Jérôme-Forget, qui déposera son deuxième budget jeudi, se targue de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite. Hydro-Québec ne peut en dire autant.

À Québec, la ministre des Finance Monique Jérôme-Forget, qui déposera son deuxième budget jeudi, se targue de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite. Hydro-Québec ne peut en dire autant.

19 500. Après des milliers de licenciements faits il y a 10 ans, Hydro-Québec avait établi que ce nombre d'employés était suffisant pour assurer la bonne marche de la société d'État. Combien sont-ils selon le dernier décompte? Près de 23 000.

Déjà, le chiffre de 19 500 était un compromis. Le ministre responsable d'Hydro pendant la lutte pour atteindre le déficit zéro, Guy Chevrette, voulait plutôt fixer la cible à 17 500 pour l'an 2000.

Depuis qu'Hydro s'est fait serrer la ceinture, elle a pu regagner quelques trous à la taille. En fait, le nombre d'employés ne cesse d'augmenter. Pas de hausses spectaculaires sur une base annuelle, mais une progression constante: 10,8% entre 2000 et 2006, soit 2239 employés permanents et temporaires de plus.

Ces employés n'incluent pas les travailleurs de la construction qui montent dans le Nord ériger de nouveaux barrages. Ce sont plutôt des techniciens qui entretiennent le réseau actuel, des agents du service à la clientèle ou encore des ingénieurs qui planifient les futurs développements.

Un secteur progresse plus rapidement que les autres: celui de la production de l'électricité. Entre 2000 et 2006, le nombre d'employés y a augmenté de 15,3%, pour atteindre 3208 emplois.

«La production, c'est la division la plus secrète. On ne sait pas grand-chose là-dessus», explique le consultant Marc-Antoine Fleury, qui suit depuis trois ans les représentations d'Hydro-Québec devant la Régie de l'énergie, l'organisme qui accorde ou refuse les hausses de tarifs demandées par la société d'État.

Le problème, souligne M. Fleury, qui agit comme consultant pour Option consommateurs, c'est qu'Hydro-Québec Production n'a pas à justifier ses dépenses à la Régie, contrairement aux divisions Transport et Distribution.

«C'est une structure tricéphale avec seulement deux têtes soumises à la Régie, renchérit Simon Prévost, de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. C'est bancale, cette structure-là.»

Charles Tanguay, de l'Union des consommateurs, va plus loin. Il soupçonne Hydro de jouer à la cachette dans ses états financiers, pour pouvoir refiler des hausses aux consommateurs.

«D'habitude, les jeux comptables consistent à mettre tout ce qui est coûteux du côté de ce qui est réglementé et ce qui est plus rentable du côté de ce qui ne l'est pas.»

Depuis le dégel des tarifs d'électricité en 2004, ils ont progressé de 16,7%, déplore-t-il.

Les différents ministres des Finances, eux, n'ont pas eu trop à se plaindre. Cette année représentera la onzième année consécutive où Hydro-Québec versera un dividende au gouvernement du Québec.

Pour l'année civile 2006, Hydro a déclaré un dividende de 2,34 milliards, en partie grâce à la vente de ses actifs à l'étranger. En 2005, le dividende avait atteint 1,13 milliard.

Hydro-Québec ne répond pas

Hydro-Québec pourrait arguer que les hausses de personnel, ces dernières années, sont compréhensibles compte tenu que son réseau a pris de l'ampleur, qu'elle a besoin de plus d'employés pour l'entretenir.

Et comme on s'est également remis à planifier la construction de barrages, on a aussi besoin de plus de monde de ce côté-là.

C'est une des explications avancées par Marc-Antoine Fleury et l'économiste Jean-Thomas Bernard, de l'Université Laval, pour expliquer les embauches des dernières années. Ni l'un ni l'autre ne peut toutefois l'affirmer dur comme fer.

Il y a 10 jours, La Presse Affaires a donc posé une question à Hydro-Québec: peut-on départager les employés qui travaillent à l'entretien et au bon fonctionnement du réseau actuel de ceux qui bossent à son expansion?

En comparant ces données des années 2000 et 2006, on aurait pu voir s'il y avait eu gain ou perte de productivité.

Non seulement Hydro-Québec n'a pu fournir cette explication, mais vendredi matin, une porte-parole de la société d'État a indiqué que personne ne serait disponible pour expliquer les hausses de personnel des dernières années.