Québec profitera de la conférence de Bali pour accentuer la pression sur Ottawa, en vue de faciliter, le plus tôt possible, l'installation de la Bourse du carbone à Montréal.

Québec profitera de la conférence de Bali pour accentuer la pression sur Ottawa, en vue de faciliter, le plus tôt possible, l'installation de la Bourse du carbone à Montréal.

Pour ce faire, Ottawa doit au plus tôt modifier son projet de cadre réglementaire, inacceptable aux yeux du Québec, a soutenu la ministre du Développement durable, Line Beauchamp, à La Presse Canadienne, lors d'une entrevue avant son départ pour la conférence internationale sur les changements climatiques qui se tient à Bali, en Indonésie, cette semaine.

Le cadre réglementaire fédéral imposé aux entreprises intéressées à transiger à la future Bourse du carbone ne doit pas fonctionner «au détriment des intérêts du Québec», fait valoir Mme Beauchamp.

La pression sur Ottawa va donc s'accentuer, puisque la Bourse de Montréal tient à lancer son marché d'échanges de crédits d'émissions de gaz à effet de serre (GES) dès le début de 2008.

Or, selon Québec, le projet déposé cet automne par le ministre fédéral de l'Environnement, John Baird, pénalise les industriels et manufacturiers québécois.

Ottawa doit donc refaire ses devoirs et enlever les nombreux «irritants» de son cadre réglementaire, selon Mme Beauchamp.

La Bourse du carbone permettra aux entreprises qui défoncent les plafonds de pollution imposés par Ottawa d'acheter des crédits d'autres entreprises plus performantes sur le plan environnemental.

«Les règles du jeu ne sont pas assez claires», s'impatiente la ministre, en constatant que des chefs d'entreprise ne prennent pas dès maintenant les moyens de réduire leurs émissions, en attendant qu'Ottawa fasse son lit.

Avant d'aller de l'avant, la bourse climatique doit d'abord connaître les règlements fédéraux, qui fixeront les plafonds d'émissions à imposer aux entreprises.

À ce chapitre, Québec reproche essentiellement deux choses à Ottawa: l'année de référence, soit 2006, et le fait que Québec ait choisi dans le passé les énergies renouvelables ü plutôt que d'autres, plus polluantes ü ne soit pas reconnu.

Le cadre réglementaire actuellement sur la table définit des cibles fondées sur l'intensité des émissions - et non sur leur volume, conformément à Kyoto - et l'année de comparaison retenue sera 2006 et non 1990.

C'est donc dire que tous les efforts accomplis entre 1990 et 2006, par les entreprises québécoises, en vue de diminuer leur production de GES, ne compteront pas.

«Ces efforts-là, s'ils ne sont pas bien reconnus, c'est une pression supplémentaire sur les entreprises québécoises» qui s'en trouvent pénalisées par rapport à celles des autres provinces, dénonce la ministre Beauchamp.

Par ailleurs, Québec tient aussi à ce que ses choix énergétiques propres - hydroélectricité et énergie éolienne - soient reconnus par Ottawa.

Cette revendication n'est pas nouvelle puisqu'elle constituait déjà une pomme de discorde lorsque Thomas Mulcair, à Québec, et Stéphane Dion, à Ottawa, étaient ministres de l'Environnement.

Car si une autre province ferme ses centrales au charbon pour aller vers l'énergie atomique, par exemple, elle obtiendra des crédits, tandis que le Québec qui a depuis longtemps investi dans les énergies renouvelables n'aura rien en retour, dénonce la ministre.

Parallèlement, pour être crédible, Québec est aussi en train d'élaborer son propre cadre réglementaire du carbone, attendu en 2008, et espère qu'il sera cohérent avec celui d'Ottawa.

Cours «101» de la Bourse du carbone

Québec tient tellement pour acquis que le marché climatique s'installera à Montréal qu'on est en train de mettre sur pied un «cours 101» à l'intention des chefs d'entreprise.

Cette initiative au coût de 3,3 M$, passée inaperçue, apparaît dans la stratégie manufacturière rendue publique à la fin novembre.

Ainsi, les chefs d'entreprise seront en mesure de se lancer sur ce marché «le plus tôt possible», dit la ministre, qui ne doute pas que le marché climatique s'installera à Montréal plutôt qu'à Toronto.

«Montréal a tous les atouts dans les mains pour être en mesure d'être la bourse la plus gagnante, par rapport à la mise en place du marché du carbone», a-t-elle dit.

Comme elle gère déjà les produits dérivés en exclusivité, la bourse montréalaise «a une longueur d'avance, indéniablement».

Sauf que cette exclusivité prend fin en 2009 et que Toronto est aussi sur les rangs.

De son côté, le gouvernement fédéral n'a toujours pas fait son lit à savoir s'il allait favoriser la mise en place d'une ou deux bourses, mais on sait déjà qu'il ne favorisera pas Montréal au détriment de Toronto.

Entre-temps, sans connaître le cadre réglementaire qui régira ses activités, la Bourse de Montréal met déjà quand même tout en place pour se lancer dans le marché du carbone.