Si les banques canadiennes cachent encore quelques placements putrides dans leurs livres, elles ont recouvré leur odeur de sainteté auprès des investisseurs.

Si les banques canadiennes cachent encore quelques placements putrides dans leurs livres, elles ont recouvré leur odeur de sainteté auprès des investisseurs.

Après six mois cette année, elles ont levé près de 24 milliards de dollars sous forme d'acceptations bancaires, d'obligations à long terme (dette de deuxième rang) ou d'instruments hybrides (troisième rang). C'est près du triple de ce qu'elles étaient allées chercher sur le marché de janvier à juin 2007.

La situation s'est suffisamment rétablie pour que la Banque du Canada choisisse d'interrompre ses opérations de prises en pension de 28 jours qu'elle avait lancées le 10 mars. C'était au moment le plus noir de la crise de liquidités qui paralysait les marchés de financement.

De concert avec les autres grandes banques centrales du Groupe des 10, la Banque du Canada avait annoncé deux enchères de prises en pension de 2 milliards chacune, les 20 mars et 3 avril. Elle se disait prête à les renouveler, si les conditions du marché l'exigeaient.

C'est d'ailleurs ce qu'elle a fait à deux reprises. Fin mai et le 12 juin toutefois, elle ramenait de 2 à 1 milliard seulement la valeur de ces transactions.

Le 23 juin et hier, à la veille de leur échéance respective, elle annonçait qu'elle ne les renouvellerait plus. Pour justifier sa décision, le prêteur de dernier ressort aux banques canadiennes a précisé que «les indicateurs des coûts de financement pour les banques sont restés relativement stables ces dernières semaines et demeurent bien en deçà de ceux d'un certain nombre de grandes monnaies».

Cette décision contraste avec la déclaration du président de la Réserve fédérale américaine (Fed), Ben S. Bernanke. Il a affirmé hier que la Fed pourrait continuer de prêter aux grandes banques sans activités de dépôt durant une partie de 2009.

La Fed paraît plus coincée que notre banque centrale : les pressions inflationnistes sont plus fortes chez l'Oncle Sam alors que l'économie américaine, hormis le secteur des exportations, montre beaucoup de signes d'anémie.

Hier encore, les mauvais chiffres du marché immobilier de la revente ont fait ressortir que la crise du marché de l'habitation, à l'origine de la débâcle du crédit, est loin de s'être résorbée

Lundi, l'évaluation de Lehman Brothers [[|ticker sym='LEH'|]] selon laquelle les deux grands prêteurs hypothécaires Freddie Mac et Fannie Mae devront radier ensemble 75 milliards US de mauvaises créances a secoué les titres financiers en Bourse.

Situation autre au Canada

Don Coxe, stratège mondial chez BMO Nesbitt Burns, affirmait, dans sa lettre mensuelle du 3 juillet Basic Points, que la valeur du principal (sans les intérêts) des produits structurés américains s'élevait à 60 billions US (60 000 milliards US) «Comment évaluer un tel risque? demande-t-il. Comme le nombre d'étoiles, cela dépasse notre entendement.»

Au Canada, la situation est bien plus reluisante, surtout depuis qu'un accord a été conclu pour résoudre la crise du papier commercial adossé à des actifs. «On n'a jamais connu les excès du marché américain, ni en fausse représentation, ni en produits exotiques», résume Paul-André Pinsonnault, économiste principal à la Financière Banque Nationale (FBN).

«La dette des banques canadiennes est de très bonne qualité et les taux offerts sont alléchants», résume Michel Bourque, gestionnaire principal, portefeuille des obligations de sociétés chez Addenda Capital.

Autrement dit, les banques trouvent preneur, mais cela leur coûte plus cher qu'avant l'assèchement brutal des liquidités et la crise de confiance qui ont commencé en août dernier.

La FBN a mis au point une moyenne pondérée du coût d'émission auquel la Banque Royale pourrait emprunter. Selon cet instrument synthétique, elle aurait dû consentir un écart de 158 centièmes sur le rendement des obligations du Canada, le 30 novembre. Au beau milieu de la crise le 14 avril, l'écart avait grimpé à 227 points centésimaux. Il est depuis reculé à 195 points.

«La liquidité est là, résume M. Bourque. Quand les banques parviennent à émettre des instruments hybrides, c'est bon signe.»