La débâcle de Nortel leur avait fait mal. Une part importante de leurs épargnes de retraite y était investie.

La débâcle de Nortel leur avait fait mal. Une part importante de leurs épargnes de retraite y était investie.

Johanne a perdu 10 000$ dans l'aventure - "Tout, tout, tout ce que j'avais" -, et son conjoint Claude y a vu fondre son fonds de pension, qu'elle estime pudiquement à plusieurs dizaines de milliers de dollars. "On a perdu beaucoup de plumes", dit-elle, ce qui explique l'extrême prudence de leurs investissements actuels, concentrés dans des certificats de placements garantis et similaires. "Des placements pépères", dit-elle.

Johanne et Claude, maintenant âgés de 50 ans, occupent à présent des emplois dans des organismes gouvernementaux. Ils touchent respectivement des salaires de 50 000$ et 60 000$.

"Je n'ai pas beaucoup de REER car j'ai un emploi précaire et je ne voulais pas de dettes", confie Johanne. En résultat, elle a en main des liquidités de 160 000$, issues de la vente de sa précédente propriété, mais elle ne détient que 14 500$ dans deux comptes REER

De son côté, Claude, propriétaire de leur maison de 250 000$ - payée -, a accumulé près de 88 000$ en REER.

"Nous aimerions savoir si nous pourrions prendre notre retraite à 60 ans, demande Johanne."

Ils espèrent faire alors un voyage par année, "trois semaines en France, par exemple".

Johanne et Claude ont 10 ans pour concrétiser leur rêve.

Une question de rendement

Le planificateur financier Alain Element, de BMO Investissements, a jeté avec eux un coup d'oeil vers l'avenir.

Le couple a évalué qu'il maintiendrait à la retraite des dépenses de 47 000$ par année, en dollars d'aujourd'hui. C'est donc le revenu net qu'ils devront alors toucher de toutes sources.

Le régime à prestation déterminée de Johanne lui assurerait à 60 ans une rente indexée égale à 39% de ses cinq meilleures années de revenus. Celui de Claude lui procurerait une rente indexée de 22,5%. Ces rentes seront coordonnées à celle de la RRQ à partir de 65 ans. En outre, Claude toucherait à 60 ans une rente différée et non indexée de son ancien employeur, estimée à 6600$.

Johanne dépose actuellement 4900$ par année dans son REER. Les divers placements du couple produisent un rendement moyen d'environ 4%. Si les choses demeurent en l'état, les calculs de notre conseiller montre que le couple ne parviendra pas à prendre sa retraite à 60 ans et à maintenir en même temps un train de vie souhaité. Un déficit s'installerait à partir de 85 ans, cinq années avant l'échéance que le planificateur fixe à 90 ans.

Heureusement, il suffit de quelques petits ajustements pour corriger le tir et l'allonger à 90 ans. Un rendement moyen de 6% sur leurs placements leur permettrait d'atteindre cette cible.

"Bien que Nortel ait échaudé Madame et Monsieur, il n'en demeure pas moins que la diversification était déficiente et que l'investissement était concentré sur un seul titre", commente le planificateur.

En fait, leurs profils d'investisseurs montrent qu'ils sont en mesure de tolérer un risque raisonnable. Alain Element recommande que les liquidités de Johanne soient investies dans un portefeuille équilibré, composé de 55% de titres à revenus fixes et de 45% d'actions procurant des dividendes réguliers.

"Cette stratégie permettra d'obtenir un rendement supérieur à 6% dans une perspective à long terme, comparativement au 4% qu'offrent présentement leurs placements garantis", observe-t-il. Le couple en tirera des avantages supplémentaires sur le plan fiscal, puisque ce portefeuille produirait davantage de revenus de dividendes, moins soumis à l'impôt.

Johanne a accumulé au fil des ans de lourds droits de cotisation REER inutilisés, totalisant 34 000$. Alain Element propose de les rattraper à raison de 7000$ par année pendant cinq ans.

Les REER seraient concentrés dans des certificats de placements garantis dont les échéances seraient échelonnées dans le temps, afin de les protéger contre les fluctuations de taux d'intérêt.

Puisque le couple prévoit travailler occasionnellement entre 60 et 65 ans, notre expert suggère de reporter à 65 ans la perception de la rente de la RRQ. On évite ainsi la réduction de 30% sur la rente de la RRQ, sans modifier le calcul de la coordination de la rente de l'employeur, qui sera de toute manière effective à partir de 65 ans. "Dans ce cas-ci, il n'y a pas d'avantage à percevoir la RRQ à 60 ans", soutient M. Element.

Mais il y a encore moyen de faire mieux, avance le conseiller: "effectuer un prêt levier sur une partie de la valeur de la maison pour des fins d'investissement."

La maison, entièrement payée, a une valeur marchande de 250 000$. En respectant le ratio de 25%, Claude pourrait en tirer un prêt de 187 500$.

"Leur capacité d'épargne importante combinée à l'absence de dette leur permettra de rembourser cet emprunt, dont les intérêts seront entièrement déductibles du revenu de placement", indique M. Element. La dette serait amortie sur les 10 ans qui séparent le couple de leur retraite. Avec la répartition d'actifs qu'il propose, "sur 10 ans, le risque est négligeable". De cette façon, le couple serait capable de maintenir un rythme de dépenses de 54 000$ par année jusqu'à la fin de leurs jours, ce qui leur laisserait un peu plus de latitude budgétaire durant la retraite.

La France se profile

ALAIN ELEMENTLA SITUATIONJohanne et Claude espèrent prendre une retraite commune dans 10 ans, à l'âge de 60 ans. Des investissements malheureux les incitent à être très prudents. Peuvent-ils néanmoins réaliser leur rêve?

"Nous avons été échaudés par de grosses pertes avec des actions de Nortel, nous sommes donc maintenant assez peureux." Johanne

LES CHIFFRES

Johanne 50 ans

Revenus : 50 000$

REER: 14 500$

Droits inutilisés : 34 000$

Liquidités : 160000$, issus de la vente de sa maison précédente

Claude 50 ans

Salaire: 60 000$

REER: 87 600$

Maison: valeur de 250000$, libre d'hypothèque

LA RÉPONSE

Un portefeuille sagement équilibré ferait passer le rendement de leurs investissements de 4% à 6%. Ce serait suffisant pour atteindre leur objectif d'un train de vie de 47 000$ jusqu'à 90 ans. Mais ils peuvent faire encore mieux en profitant de l'actif de leur maison

Je peux les féliciter d'avoir bien géré leurs dettes. " Alain Element

ALAIN ELEMENT

Planificateur financier, BMO Investissements