L'auteur du texte suivant est André Provencher, président de La Presse Télé et ancien cadre à TVA.

L'auteur du texte suivant est André Provencher, président de La Presse Télé et ancien cadre à TVA.

Même sans présence à son antenne d'une des revues spectaculaires de fin d'année, TQS était à l'ordre du jour des discussions du temps des Fêtes chez les beaux-frères et belles-soeurs du Québec.

Les nostalgiques des Nordiques ont été les premiers à se rappeler que la rivalité de l'équipe avec celle des Canadiens avait été aussi celle de TQS avec ses concurrentes.

La bataille s'était livrée sur fond de défi technologique: déchiffrer le fonctionnement du syntoniseur pour les chaînes logeant à une position supérieure au chiffre 15.

Les amateurs ont réussi en masse et, pour tous leurs souvenirs impérissables, 1-0 en faveur du maintien de TQS dans le paysage audiovisuel moderne.

Quelques autres membres de la famille moins portés vers le hockey n'étaient pas en reste. Une première belle-soeur rappelle que TQS avait innové en ouvrant les portes de La maison Deschênes tous les soirs de la semaine.

Bien avant que Marilyn ou Viriginie ne sévissent à Radio-Canada. Le mari de la belle-soeur se souvient lui de Caméra 87 et de ses reportages intrépides d'affaires publiques.

L'émission, présentée le dimanche soir, suivait Les carnets de Louise et précédait l'inoubliable Surprise sur prise.

Un point pour la famille Deschênes, un pour Louise Deschâtelets, un autre pour Madeleine Roy, et un également pour Marcel Béliveau. Avec en prime un point pour Guy Fournier et ses impensables tours du panache répétés chaque dimanche.

La dernière venue des chaînes de télévision qui remporte à sa première saison la fameuse bataille du dimanche soir, c'est un incroyable exploit. Beaux-frères et belles-soeurs s'entendent: l'homme avait du cran et des idées.

Après la revue de la première période de l'existence de TQS, le compte est bon.

Mais le grand manitou extravagant a fini par se brouiller avec les propriétaires et la programmation a changé de cap. La seconde période de TQS sera marquée par le vagabondage, puis la déroute.

La situation de la chaîne se complique au début des années 90 dans le contexte d'une économie devenue léthargique. Même la riche TVA d'aujourd'hui ne joignait plus les deux bouts.

Dans la rue Ogilvy, où logeait alors TQS, les murs de la maison Deschênes s'écroulent avant même que les épisodes enregistrés ne soient diffusés. Les producteurs replient leurs cartons et les artistes perdent leur boulot. Plusieurs téléspectateurs deviennent orphelins.

Des hauts et des bas

Au bout du compte, la vie de TQS sera marquée par des hauts et des bas. Des hauts comme ceux déjà évoqués, ou ceux de la période initiale du Mouton noir.

Ou encore des hauts résultant de tout l'espace accordé à l'humour. Le genre aurait-il autant fleuri sur nos écrans sans La fin du monde est à 7h et 100 limite?

Les bas à l'écran de TQS seront également nombreux, mais sans doute plus significatifs dans les comptes de l'entreprise. Il est indéniable que celle-ci a souffert des décisions inconstantes et souvent erratiques de ses dirigeants.

Il est vrai aussi que, dans l'univers changeant des médias et à travers les soubresauts de l'économie, leur tâche n'a jamais été simple. Mais les sautes d'humeur et les changements de personnalité sont rarement profitables. TQS en a été victime plus souvent qu'à son tour.

Contrairement à CITY-TV, de Toronto, à qui elle devait ressembler. Moses Znaimer, le créateur de CITY-TV, a tenu fermement la barre pendant plus de 20 ans, alors que Guy Fournier a dû s'effacer au bout de quelques années seulement. Voilà une explication aux déboires de TQS qui en vaut bien d'autres.

TQS pourrait bien sûr aujourd'hui disparaître si aucun investisseur ne s'intéressait à la reprise de ses affaires. Dans le cadre de notre système de radiodiffusion, qui doit offrir et exprimer toutes les facettes de notre culture et de nos talents, ce serait un échec déplorable.

TQS incarne la différence, la diversité et l'indépendance. L'audiovisuel québécois et canadien en a besoin pour remplir sa mission.

Il suffirait d'un nouvel actionnaire plus inspiré, davantage imaginatif et persévérant, pour que l'avenir de TQS s'illumine. Celui qui renonce a fait défaut autant au plan des idées que des ressources avant de jeter l'éponge.

À l'incitation de celui-ci et d'autres propriétaires de chaînes privées, les autorités réglementaires canadiennes s'apprêtent à examiner à nouveau les conditions d'exploitation de la télévision généraliste.

Bien entendu, elles devront se montrer compréhensives et soucieuses du maintien de l'indispensable présence des chaînes généralistes dans le paysage audiovisuel.

Leur priorité, toutefois, est de se pencher sur le cas de TQS et d'avaliser rapidement un plan raisonnable permettant à la chaîne de servir, et pour longtemps, l'intérêt public. Comme elle l'a fait plus souvent qu'autrement depuis plus de 20 ans.

L'auteur a été membre de la direction de TVA entre 1988 et 2000. Il est aujourd'hui président de La Presse Télé, Éditions La Presse, Éditions Gesca et Septembre Éditeur.