Sophie et Charles avaient tout prévu - paiement accéléré de l'hypothèque, REER maximisé, RAP remboursé assidûment, régimes de retraite, REEE pour leur petit bonhomme de 4 ans... Tout, sauf ce qu'on ne peut prévoir, ce qu'on se refuse à envisager. «Il y a quelques mois, nous avons appris que notre fils souffrait d'autisme de haut niveau», écrit Sophie.

Sophie et Charles avaient tout prévu - paiement accéléré de l'hypothèque, REER maximisé, RAP remboursé assidûment, régimes de retraite, REEE pour leur petit bonhomme de 4 ans... Tout, sauf ce qu'on ne peut prévoir, ce qu'on se refuse à envisager. «Il y a quelques mois, nous avons appris que notre fils souffrait d'autisme de haut niveau», écrit Sophie.

Instantanément, les priorités ont été bouleversées. «Il y a d'abord l'acceptation, puis on passe à l'action», décrit-elle. Le budget est lui aussi chamboulé. Il faudra verser le salaire d'une accompagnatrice pour la garderie, payer des services d'orthophonie, d'ergothérapie, de zoothérapie, pour lesquels les listes d'attente dans le public peuvent atteindre deux ans.

«Il y a beaucoup de décisions et de réflexions sur différents sujets - trouver les services dont notre fils a besoin pour s'épanouir est déjà un énorme défi en soi», souligne Sophie.

Pour s'occuper de leur «Tit-homme», Charles envisage de demander une diminution d'heures à son patron, voire de cesser complètement le travail. «Est-ce réaliste en fonction de notre retraite future? s'interroge le couple. Et comment sécuriser l'avenir de notre garçon? Il est possible qu'il puisse devenir autonome mais rien ne le garantit...»

Charles touche un revenu de 40 000$ par année, et Sophie gagne pour sa part 190 000$. Ils ne veulent pas s'apitoyer et reconnaissent avoir une situation financière privilégiée. «Émotionnellement, confie Sophie, cette nouvelle aventure est pleine de rebondissements mais ô combien enrichissante... Si nous pouvions avoir un peu d'aide afin de nous orienter au plan financier, nous serions vraiment reconnaissants de ne pas à avoir ce casse-tête de plus à gérer...»

Un coup de main...

Denis Bellemare, planificateur financier et représentant en épargne collective pour Desjardins Cabinet de services financiers, a résumé le problème en quelques mots: comment adapter leur coût de vie actuel pour répondre prioritairement aux besoins d'Antoine? À sa demande, les parents ont chiffré les nouvelles dépenses, qui totalisent 21 000$ par année.

Dans ses projections, Denis Bellemare a établi certains paramètres. Il maintient les remboursements hypothécaires accélérés à 450$ par semaine. Le RAP de 20 000$ qu'a contracté Charles est remboursé au rythme prescrit de 1500$ par année. Le planificateur fractionne les revenus de pension du couple pour réduire les impôts à la retraite, ce qui procure une économie annuelle de 5000$.

En outre, il fixe les cotisations au régime enregistré d'épargne études d'Antoine à 2400$ par année. Qu'adviendra-t-il du REEE si Antoine ne peut poursuivre d'études postsecondaires? «Un bénéficiaire handicapé qui étudie à temps partiel peut être admissible au paiement d'aide aux études», indique M. Bellemare. Il ajoute que les études peuvent être suivies auprès d'un établissement d'enseignement reconnu offrant «des cours qui visent à donner ou augmenter la compétence nécessaire à l'exercice d'une activité professionnelle». Bref, résume-t-il, «tous les espoirs sont permis».

Les deux conjoints souhaitent prendre leur retraite au même moment, à 58 ans pour Sophie et 60 ans pour Charles, en conservant un revenu après impôts de 100 000$. Dans les conditions actuelles, les dépenses supplémentaires imposées par la condition d'Antoine obligeraient le couple à aborder la retraite avec 75% du revenu espéré.

Toutefois, l'instauration d'une discipline budgétaire permettrait d'absorber une partie de ces 21 000$. Entre 2008 et 2020, le couple pourrait y affecter les 7200$ prévus pour l'amélioration à la maison. L'épargne non enregistrée annuelle de 4800$ qu'ils dégagent présentement prendrait le même chemin. Il faudrait en outre réduire les dépenses courantes de 9000$ par année, soit une réduction du train de vie de 6%. Enfin, une fois l'hypothèque remboursée, en 2017, les 24 000$ ainsi dégagés seraient consacrés à maximiser les épargnes de retraite de Charles.

Dans ces conditions, les deux conjoints pourraient prendre leur retraite à la date prévue avec 90% du revenu net visé.

Dans un troisième scénario, le couple obtiendrait une attestation médicale confirmant le handicap d'Antoine. Cette attestation ouvrirait la porte à un soutien fiscal additionnel de 7200$ après impôts - crédit fédéral pour personne handicapée, supplément pour enfant de moins de 18 ans, frais de garde, allocations pour enfant handicapé de la RRQ.

Cet apport de 7200$ diminuerait d'autant la réduction du train de vie, qui serait ramené à 1783$, soit 1% des dépenses du ménage. Encore une fois, la retraite serait autorisée avec 90% du revenu de retraite espéré.

Denis Bellemare propose d'autres mesures à portée fiscale. Les diverses prestations fiscales pour enfants, paiements de soutien et prestations fédérales pour la garde d'enfants pourraient être versées dans un compte établi en fiducie pour l'enfant. Ainsi, les parents ne seraient pas imposés pour les revenus de placements générés par ces dépôts. Le couple devra également profiter des avantages du compte d'épargne libre d'impôt (CELI), où un particulier pourra déposer jusqu'à 5000$ par année et laisser les intérêts croître à l'abri du fisc.

Le budget fédéral 2007 avait annoncé la création d'un nouveau régime enregistré d'épargne invalidité (REEI), très semblable au REEE. Les cotisations au régime ne seront pas déductibles par le cotisant, ni imposables lors du retrait par le bénéficiaire. Les revenus de placement qu'ils procureront seront à l'abri de l'impôt jusqu'à leur retrait, mais s'ajouteront alors aux revenus imposables du bénéficiaire. Le ministère des Finances du Canada collabore avec les institutions afin que les premiers comptes puissent être ouverts en décembre 2008.

Comment Antoine abordera-t-il la vie adulte? Selon la façon dont son état de santé évoluera au cours des prochaines années, ses parents pourront évaluer la nécessité de contribuer au maximum à des régimes comme le REEI, auquel la cotisation totale est fixée à un maximum de 200 000$. «Il faut s'informer de tous les développements en ce domaine et obtenir le maximum d'aide offerte par les différents programmes fiscaux et gouvernementaux», recommande Denis Bellemare.

Entre-temps, les circonstances ont forcé la main de Charles: son employeur a aboli son poste, ce qui le force à devenir travailleur autonome. Il pourra ainsi plus facilement doser sa charge de travail en fonction des besoins de d'Antoine.

Enfin, dernière précaution: s'ils ont déjà des testaments, Charles et Sophie n'ont pas encore rédigé de mandats en cas d'inaptitude. À voir sans délai. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve.

LA SITUATION

Sophie et Charles viennent d'apprendre que leur fils de 4 ans souffre d'autisme de haut niveau. Les priorités de leur vie s'en sont trouvées bouleversées. Pendant qu'ils se débattent avec les questions humaines, pouvons nous les guider sur le plan financier?

«Peu importe le statut social ou le revenu, c'est une situation délicate, difficile à vivre.» Sophie

LES DONNÉES

Charles

39 ans

Revenus : 40 000$

REER: 75 000$

Placements non enregistrés : 1000$

Sophie

37 ans

Revenus : 190 000$ (incluant tous les avantages)

REER: 50 000$

Placements non enregistrés : 25 000$

Propriétés d'une valeur de 360 000$

Hypothèque: 170 000$

LES RECOMMANDATIONS

Les dépenses supplémentaires qu'entraîne la maladie totalisent 21 000$ par année. En diminuant les dépenses courantes et en utilisant certains surplus affectés à d'autres projets, le couple pourra tout de même atteindre son objectif d'une retraite à 60 ans, mais avec 90% du revenu espéré.