2008, l'année de tous les records 2008 a été l'année de tous les records. L'année où le nageur Michael Phelps a remporté huit médailles d'or olympiques, devenant l'athlète le plus récompensé de l'histoire des Jeux. Mais aussi l'année de la pire crise financière depuis les années 30.

2008, l'année de tous les records 2008 a été l'année de tous les records. L'année où le nageur Michael Phelps a remporté huit médailles d'or olympiques, devenant l'athlète le plus récompensé de l'histoire des Jeux. Mais aussi l'année de la pire crise financière depuis les années 30.

En guise de bilan de fin d'année, La Presse Affaires a réécrit plusieurs chapitres du livre des records de la finance. Mise en garde: cette lecture est contre-indiquée pour les investisseurs qui en ont assez des termes «historique», «sans précédent» et «jamais vu» dans les journaux financiers!

Chapitre 1: L'immobilier, épicentre du séisme

2008 passera à l'histoire comme l'année de l'éclatement de la bulle immobilière.

Aux États-Unis, les prix des maisons s'effondrent de 22% par rapport à leur sommet, incluant une baisse de 18% au cours des 12 derniers mois. «On n'a jamais vu une telle déflation depuis les années 30», assure Yanick Desnoyers, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

Les propriétaires qui ont vu trop grand sont forcés de rendre leurs clés à la banque. Les «foreclosures» atteignent 3% de toutes les hypothèques. En incluant les propriétaires qui sont en retard sur leurs paiements, c'est 7% de l'ensemble des hypothèques qui sont en défaut de paiement, ajoute M. Desnoyers.

Les investissements dans l'immobilier résidentiel (construction, rénovation, courtage immobilier) reculent, pendant 12 trimestres d'affilée. L'industrie perd plus de 40%. Son poids dans l'économie baisse de moitié, de 6% à 3% du PIB. «C'est la plus grosse débandade depuis la Grande Dépression», répète M. Desnoyers.

Les projets de construction s'évanouissent. Les mises en chantier aux États-Unis s'écroulent de 72%, par rapport à leur sommet du début 2007. Elles ne se chiffrent plus qu'à 625 000 sur une base annualisée, le plus bas niveau depuis qu'on compile les données, soit en 1947.

Bonne nouvelle, les mises en chantier sont désormais deux fois moins élevées que la formation de nouveaux ménages: chaque année, 1,2 million de nouvelles familles se cherchent un nid, ce qui permettra de résorber les stocks de maisons à vendre, qui ont aussi battu des records en 2008.

Chapitre 2: L'ère de glace du crédit

Pour relancer la machine économique, la Réserve fédérale américaine (Fed) ramène son taux directeur jusqu'à zéro! En fait, le taux oscille présentement à l'intérieur d'une fourchette de 0% à 0,25%, un plancher historique aux États-Unis. De son côté la Banque du Canada abaisse son taux jusqu'à 1,5%, son niveau le plus bas en 50 ans.

Sur le marché monétaire, on assiste à un événement sans précédent: des taux d'intérêt négatifs (-0,01% le 10 décembre) sur les Bons du Trésor américains, souligne Yvan Fontaine, premier vice-président d'Addenda Capital.

Cette incongruité démontre à quel point les investisseurs ont peur du risque: ils sont prêts à payer plus cher que la valeur réelle pour acheter une obligation du gouvernement totalement sécuritaire.

Les rendements de toutes les obligations gouvernementales, peu importe l'échéance, établissent des creux historiques. Par exemple, les obligations du Trésor américain 10 ans diminuent jusqu'à 2,19%, un record depuis qu'on compile les statistiques en 1962.

À l'inverse, les investisseurs se méfient de toutes les obligations un peu plus risquées. Ils exigent des intérêts plus élevés aux émetteurs qui ont une cote de crédit plus faible. Les écarts de taux s'élargissent.

L'écart entre le rendement des obligations de sociétés de bonne qualité et celui des obligations gouvernementales 10 ans, dépasse 500 points de base (5%) aux États-Unis, ce qui ne s'est jamais produit depuis la Grande Dépression.

Même les obligations provinciales sont victimes de la crise du crédit. Par exemple, les obligations du Québec 10 ans se transigent 200 points de base (2%) au dessus de celles du Canada. Un écart sans précédent, même à la veille du référendum!

Bref, malgré tous les efforts des banques centrales, le crédit reste gelé. «Le problème, ce n'est pas les taux, c'est la disponibilité du crédit», lance Carlos Leitao, économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.

Mais la Fed ne s'avoue pas vaincue. Elle sort son arsenal d'outils non conventionnels, ouvre toute grande sa fenêtre de crédit non seulement aux banques commerciales, mais aussi aux banques d'affaires, aux assureurs, aux sociétés industrielles, et finalement à tous les consommateurs annonçant qu'elle rachètera même des titres adossés à des prêts auto, étudiants et de cartes de crédit, le 25 novembre dernier.

Cette date devrait rester inscrite dans les livres d'histoire, estime M. Leitao. «La Fed qui était le prêteur de dernier recours est devenue indirectement le seul prêteur pour tout le monde», dit-il.

Chapitre 3: Splendeurs et misères des ressources

Tandis que la crise du crédit frappe, les ressources naturelles continuent de carburer à fond, durant la première moitié de l'année. Pompée par la spéculation, la machine s'emballe.

Pour la première fois de l'histoire, le prix du pétrole (WTI) dépasse 100$US le baril. À la mi-juillet, il touche un sommet 147$US le baril. «C'est du jamais vu, même en tenant compte de l'inflation», indique Mathieu d'Anjou, économiste senior chez Desjardins. Il s'agit d'une hausse de plus de 600% par rapport à 2002, alors que le prix du pétrole végétait autour de 20$US.

Les automobilistes y goûtent: à la pompe, l'essence dépasse 4$US le gallon aux États-Unis. Au Canada, les stations-services affichent plus de 1,40$ le litre.

Alimentés par l'essor des pays émergents, les prix des métaux s'envolent aussi. Le cuivre établit un record à 8982$US la tonne et l'aluminium fracasse les 3291$US, des prix inusités même en dollars constants.

Grande première historique, le prix de l'or franchit le cap des 1000$US l'once en mars 2008. Toutefois, il ne s'agit pas d'un véritable record. «En 1980, l'or avait atteint brièvement 835$US. En tenant compte de l'inflation, cela équivaut à plus de 2000$ en dollars d'aujourd'hui», note M. d'Anjou.

La soif d'énergie de la planète se répercute dans le monde agricole. On craint une pénurie de terres arables à cause de l'augmentation de la production d'éthanol. Les prix du blé, du maïs, du soya s'envolent. L'inflation envahit les paniers d'épicerie. La crise alimentaire mondiale gronde... et alimente davantage la hausse des prix. «En février 2008, le prix d'un boisseau de blé atteint un sommet de 14,07$US, une hausse annuelle vraiment spectaculaire de 165%», indique M. d'Anjou.

Mais la situation tourne au vinaigre au milieu de 2008. L'environnement économique change du tout au tout. La récession mondiale se dessine, alors qu'on croyait jusqu'alors que les pays émergents continueraient sur leur lancée, malgré le ralentissement des États-Unis. Que non! La Chine aura une croissance de 7,5% en 2009, son rythme le plus lent depuis presque 20 ans.

Durant l'été, la bulle spéculative des ressources éclate. L'indice CRB Reuter qui englobe la plupart des matières premières, subit la pire correction de son histoire qui remonte à 1956. Il bascule de 43%, de la mi-juillet à la mi-décembre. Entre autres, le pétrole s'écroule en dessous de 40$ au début de décembre, effaçant presque les trois quarts de sa valeur.

Le recul des ressources est amplifié par les liquidations forcées de la part de fonds spéculatifs (hedge funds) qui avaient emprunté pour investir. Avec la crise du crédit, le financement leur fait défaut. Leurs investisseurs apeurés veulent récupérer leur argent. Les fonds sont obligés de vendre, accentuant la baisse des prix.

Chapitre 4: Les parquets boursiers craquent

Ébranlé par la pire crise financière depuis la Grande Dépression, l'indice S&P500 de la Bourse américaine fond de 51,6% (de son sommet de son sommet du 19 juillet 2007 à son creux du 20 novembre dernier). Il retombe au même point qu'en 1997.

Pour la Bourse américaine, il s'agit de la pire chute depuis les années 30. Pire que l'explosion de la bulle techno du début 2000 (-49%), pire que le choc pétrolier des années 70 (-48,4%).

Au Canada, la correction de 48,8% du S&P/TSX est presque aussi douloureuse que celle du début 2000 qui avait effacé 50% de la valeur de l'indice phare de la Bourse de Toronto.

Mais les actions des banques canadiennes, elles, souffrent comme jamais auparavant: leurs titres dégringolent de 47%, encore plus qu'au début des années 80 (-44%), calcule Martin Roberge, stratège chez Valeurs mobilières Dundee.

Durant l'automne, «la volatilité atteint des niveaux extrêmes», indique Pierre Lapointe, stratège à la Financière Banque Nationale. Depuis le début du quatrième trimestre, trois séances quotidiennes sur quatre se terminent avec une fluctuation de plus de 1%, un record depuis le début des années 70... au moins.

Le 29 septembre, la moyenne Dow Jones des 30 Blue Chips américains déboule de 777 points, son plus fort recul en points de l'histoire. En pourcentage, le krach d'octobre 1987 demeure cependant la journée la plus noire de l'histoire, avec une perte de 22,6% du Dow.

Voyons le bon côté des choses: après une telle débandade, les actions n'ont jamais été aussi bon marché depuis la Seconde Guerre mondiale. Entre autres, les dividendes sont redevenus aussi payants qu'en 1958, fait ressortir M. Roberge. Les dividendes des 500 plus grandes entreprises américaines (S&P500) offrent un rendement de 3%, soit 0,7% de plus que le rendement des obligations de 10 ans. Incroyable!

Chapitre 5: La saignée des fonds communs

L'automne est rouge sang pour les détenteurs de fonds communs de placement. Au Canada, il existe 43 grands indices qui reflètent la performance des grandes catégories de fonds. Plus de la moitié (26) encaissent la pire période de trois mois de leur histoire.

Par exemple, les fonds d'actions canadiennes déboulent de 32%, tandis que les fonds équilibrés canadiens (50% actions/50% obligations) fondent de 17%, indique Christian Charest, rédacteur en chef adjoint chez Morningstar Canada. Les fonds étrangers évitent le pire de justesse, grâce au dollar canadien qui amoindrit leurs pertes.

Les investisseurs foncent vers la sortie. En octobre, ils retirent 8,4 milliards des fonds communs. «Il s'agit du retrait mensuel le plus élevé depuis qu'on compile les données en 1995», souligne George Vasic, stratège chez UBS.

À la fin de novembre, les actifs totaux dans les fonds communs ne valent plus que 552 milliards de dollars, une hémorragie de 21% en un an, selon l'Institut des fonds d'investissement du Canada (IFIC). En excluant les fonds de marchés monétaires, l'industrie des fonds communs a perdu le quart de ses actifs.

Chapitre 6: Les devises jouent au yo-yo

Sur le tableau des taux de change, les devises jouent au yoyo. Les cambistes assistent à des mouvements d'une rare violence.

La crise du crédit force bien des fonds spéculatifs à démonter leur stratégie d'investissement en catastrophe. Tous ceux qui empruntaient en yens (pour profiter des bas taux d'intérêt du Japon et ensuite investir ailleurs) doivent subitement racheter des yens pour rembourser leurs emprunts. En quatre mois et demi, le yen gonfle de plus de 30%, face à l'euro.

Dans le sillon du pétrole, le huard plonge de 23% en cinq mois, passant de la parité à 77 cents US. «Une chute aussi brutale, c'est du jamais vu», assure M. Desnoyers. Ce plongeon permettra aux exportateurs canadiens de gonfler leur marge bénéficiaire. «C'est l'une des raisons qui fait que l'économie canadienne devrait s'en sortir pas trop mal», considère l'économiste.

Chapitre 7: L'économie boit la tasse

Après l'explosion de la bulle immobilière, la crise du crédit, la chute des Bourses et des matières premières... c'est au tour de l'économie réelle de boire la tasse. Les statistiques du quatrième trimestre de 2008, qui seront dévoilées en janvier, donneront froid dans le dos.

Déjà, le marché du travail américain a perdu 533 000 emplois en novembre. «On s'aligne pour des pertes de 650 000 à 700 000 en décembre», indique M. Leitao.

Avec plus d'un million d'emplois perdus, le marché du travail s'effrite de 1,3% en deux mois seulement. Au rythme où vont les choses, ce sera pire que lors de la récession des années 1980 où les pertes d'emploi sur deux mois avaient atteint 1,1% de l'ensemble de la main-d'oeuvre.

Bref, on sait déjà que 2009 s'ouvrira sur d'autres tristes records. Bonne année quand même!