Une véritable partie de bras de fer s'est engagée avec les banques de Toronto, depuis quelques jours, pour dénouer la crise du papier commercial.

Une véritable partie de bras de fer s'est engagée avec les banques de Toronto, depuis quelques jours, pour dénouer la crise du papier commercial.

Mais, aux dernières nouvelles, les banques faisaient toujours la sourde oreille aux demandes du comité de restructuration.

Selon ce qu'a appris La Presse, le comité Crawford leur demande de s'engager à hauteur de cinq milliards de dollars. Même la Banque du Canada a fait pression sur les cinq grandes banques canadiennes, de Toronto, mais les démarches n'avaient toujours pas abouti, vendredi, en soirée.

Le papier commercial adossé à des actifs (PCAA) est un produit financier à court terme utilisé par les entreprises, les investisseurs institutionnels et certains fonds communs. Le PCAA est garanti par des actifs liés au crédit (cartes de crédit, hypothèques, dérivés de crédit, etc.).

À la mi-août, dans la foulée de la crise des hypothèques américaines (subprimes), une vaste part de ce marché a fait l'objet d'un gel de transactions à l'initiative du PDG de la Caisse de dépôt, Henri-Paul Rousseau.

Aujourd'hui, les détenteurs de quelque 33 milliards de dollars de PCAA canadien sont toujours incapables de vendre leurs titres. La Caisse de dépôt en détient 13,2 milliards, la Banque Nationale, 2,3 milliards et le Mouvement Desjardins, 2,75 milliards.

Le comité Crawford, chargé de restructurer ces PCAA non bancaires, avait promis une entente entre les parties pour hier, le 14 décembre. Les PCAA devaient être convertis en obligations à long terme (floating rate notes), par exemple une échéance de sept ans. Or, hier, en soirée, il n'y avait toujours rien.

«C'est difficile, c'est une partie très serrée», nous a dit un informateur.

«Tout le monde s'est entendu sur les grandes lignes d'un accord, mais il reste un détail important à régler», nous a dit un autre.

«Il faudra un miracle pour que ça se règle aujourd'hui (vendredi)», a affirmé un troisième.

Engagements financiers

Selon deux bonnes sources, le comité Crawford a besoin d'engagements financiers d'environ 15 milliards de dollars pour dénouer l'impasse. L'engagement prendrait la forme de marges de crédit.

Les grandes banques internationales, Deutsche Bank en tête, ont accepté de s'engager pour environ 10 milliards de dollars, nous dit-on, mais les banques canadiennes étaient encore réticentes, hier après-midi.

Une de nos sources mentionnait un engagement possible de deux milliards de la Caisse de dépôt.

Ces garanties de quelque 15 milliards sont essentielles pour assurer la liquidité du marché en cas de défaut de paiement. La firme Standard & Poors est prête à accorder la cote AAA à l'essentiel des PCAA en crise si les banques avancent de telles marges.

Selon une de nos sources, le désaccord porte notamment sur le coût des fonds et les garanties offertes. Le groupe de banques canadiennes, mené par la CIBC, exige de fort taux d'intérêt, qui refléteraient les taux actuellement très élevés dans le marché à court terme.

Le comité Crawford trouve ces taux prohibitifs.

Le PCAA en jeu a été vendu par l'entremise de 22 fiducies. Selon ce qu'a appris La Presse, l'entente proposera aux détenteurs de PCAA de regrouper l'ensemble des actifs des 22 fiducies en trois catégories.

La première catégorie - de loin la plus importante - regrouperait les actifs basés sur les dérivés de crédit, communément appelé CDO, CDS ou CLO. Cette première catégorie englobe environ 26 des 33 milliards de PCCA non bancaires en jeu, selon deux sources.

Les négociations entre les parties portent uniquement sur cette première catégorie. Standard & Poors est prête à accorder une cote de AAA à environ 80% de ces 26 milliards si les grandes banques s'engagent à hauteur de 15 milliards.

Pour ces 80% de PCAA de la première catégorie, les détenteurs ne perdraient alors pas un sou de leur capital. Pour les 20% restants, des pertes modestes doivent être envisagés.

Dans la deuxième catégorie, il est question d'actifs tangibles canadiens, comme des prêts hypothécaires, des prêts auto ou des créances de cartes de crédit.

Cette catégorie comprendrait environ 15% des 33 milliards de PCAA en jeu et serait très bien cotée, selon nos sources, ce qui signifie qu'il n'y aurait pas ou peu de perte de capital.

La troisième catégorie est composée des PCAA contaminés par la crise des subprimes américains. Elle englobe moins de 10% des 33 milliards de PCAA.

Les détenteurs de ces titres doivent prévoir des pertes de 50%, nous dit-on.

On croit que le comité Crawford pourrait finir par annoncer une entente vague, en fin de semaine, qui donnerait jusqu'au 21 décembre pour apporter des modalités d'application précise.

Une entente, même imparfaite, aurait l'avantage de rassurer les marchés financiers, lundi matin.

Chose certaine, les détenteurs de papier commercial, comme la Caisse, Transat ou Jean Coutu, ne pourront pas vendre leurs titres avant plusieurs semaines, quoi qu'il advienne.

Selon nos informations, le dégel de ces PCAA n'aurait pas lieu avant trois mois, soit vers le 15 mars.