«C'est un Dream Team de l'économie», lance le professeur Jeffrey Frankel avant de mettre fin à la conversation et retourner dans sa classe d'économie à l'Université Harvard.

«C'est un Dream Team de l'économie», lance le professeur Jeffrey Frankel avant de mettre fin à la conversation et retourner dans sa classe d'économie à l'Université Harvard.

Maniaque de basket, le président américain élu Barack Obama apprécierait probablement l'analogie entre les vedettes de la NBA et son équipe de conseillers économiques. Au lieu de remporter une médaille d'or olympique, le Dream Team de Barack Obama devra remettre l'économie américaine sur ses rails. L'équipe économique d'Obama veut créer 2,5 millions d'emplois d'ici 2011. Le coût de son plan de relance a été estimé à entre 500 et 700 milliards US par la firme Goldman Sachs.

«La vérité, c'est que nous n'avons pas une minute à perdre, a dit Barack Obama hier. Les pressions extraordinaires sur notre système financier demandent des réponses extraordinaires en matière de politiques gouvernementales.»

Les vedettes économiques de l'administration Obama ont été présentées pour la première fois aux Américains au cours d'une conférence de presse hier à Chicago. Le président de la Réserve fédérale de New York, Timothy Geithner, sera secrétaire au Trésor tandis que l'ancien conseiller économique de Bill Clinton, Lawrence Summers, dirigera le Conseil économique national. Deux femmes occuperont des rôles économiques importants au sein de l'administration Obama: l'économiste Christina Romer comme présidente du Conseil des conseillers économiques et l'avocate Melody Barnes comme directrice du Conseil de politique intérieure.

Malgré son état inquiétant, l'économie américaine est entre bonnes mains avec les conseillers de Barack Obama, assure le professeur Jeffrey Frankel. «Barack Obama a pris une décision plutôt inhabituelle: il a choisi la compétence au lieu de l'idéologie, dit-il à La Presse Affaires. Il n'a pas voulu envoyer un message ni se positionner à droite ou à gauche. Il a choisi des économistes pragmatiques, des économistes qui n'ont pas d'idéologie politique. Son équipe économique est plus compétente que celle de George W. Bush.»

Le professeur Frankel sait de quoi -ou plutôt de qui- il parle: il a travaillé en étroite collaboration avec le triumvirat économique de l'administration Obama. Il n'a que de bons mots pour le nouveau secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, qu'il connaît depuis une dizaine d'années. «Timothy est très cool et ne flanche pas sous la pression, dit-il. En plus, il a beaucoup d'expérience en matière de crises internationales. Je crois que c'est sa cinquième crise du genre...»

Jeffrey Frankel n'est pas surpris du retour de Lawrence Summers à la Maison-Blanche. Les deux économistes ont travaillé ensemble au sein de l'administration Clinton avant de se côtoyer à nouveau à Harvard. «Lawrence est un pragmatique, dit Jeffrey Frankel. Les gens à droite pensent qu'il est à gauche, et les gens à gauche pensent qu'il est à droite!»

Quant à Christina Romer, membre la moins connue des ténors économiques de Barack Obama, elle a toute l'admiration de Jeffrey Frankel, qui l'a connue alors que les deux commençaient leur carrière universitaire à Berkeley, en Californie. «Même si Christina a enseigné toute sa vie à l'université, elle n'est pas dans sa tour d'ivoire, dit Jeffrey Frankel. Pour avoir dîné avec elle pendant des années, je peux vous dire qu'elle connaît la réalité des gens ordinaires.»

Déjà à l'oeuvre

Même s'ils n'entrent en fonction que le 20 janvier prochain, les conseillers économiques de Barack Obama travaillent déjà à un plan de relance de l'économie américaine. L'administration Obama n'a laissé filtrer aucun détail sur ce plan de relance, mais Jeffrey Frankel a sa petite idée de ce que pourrait contenir un premier budget Obama.

«En campagne électorale, Obama a promis d'abaisser les impôts pour tous les Américains sauf les 5% les plus riches, dit Jeffrey Frankel. Il pourrait remplir immédiatement cette promesse afin de stimuler l'économie. Obama voulait aussi annuler les baisses d'impôt consenties par George W. Bush aux gens les plus riches, mais la situation économique va peut-être le forcer à attendre en 2011, quand les baisses d'impôt viendront à échéance de toute façon. Pour le reste, Obama pourrait stimuler l'économie en donnant de l'argent aux États et aux villes pour différents programmes.»

Et l'industrie automobile, qui prétend que sa survie est menacée si elle n'obtient pas 25 milliards US de prêts supplémentaires de Washington dans les plus brefs délais? «Tout le monde s'attend à ce qu'Obama vienne en aide à l'industrie automobile, mais peut-être qu'il sera tenté de faire ce qui est bon pour le pays et non pour sa popularité», dit Jeffrey Frankel.

Hier, le président désigné a lancé un signal clair au trois grands de Detroit. "L'industrie automobile est la pierre angulaire du secteur manufacturier et nous ne la laisserons pas tomber. Les constructeurs automobiles ne doivent toutefois pas s'attendre à recevoir un chèque en blanc", a dit Obama hier. Le président élu a appuyé la décision des leaders du Congrès prise la semaine dernière de ne pas offrir de prêts pour l'instant aux constructeurs automobiles.

Qui sont-ils ?

Timothy Geithner

Secrétaire au Trésor 47 ans

Rôle: l'équivalent du ministre fédéral des Finances

Emploi précédent: président de la Réserve fédérale de la Banque de New York

Jeune premier de la haute finance, Timothy Geithner est président de la plus importante des 12 banques centrales du pays. À ce titre, il a été l'un des principaux négociateurs du plan de sauvetage de Wall Street. Haut fonctionnaire au ministère du Trésor sous Bill Clinton, il a poursuivi sa carrière au Fonds monétaire international et à la Réserve fédérale de New York. Il n'est pas considéré comme un démocrate pur et dur. Son premier emploi a été au sein du cabinet de consultants de Henry Kissinger, l'ancien secrétaire d'État du président républicain Richard Nixon.

Lawrence Summers

Directeur du Conseil économique national 53 ans

Rôle: coordonner la politique économique de la Maison-Blanche

Emploi précédent: professeur d'économie à l'Université Harvard

Les parents de Lawrence Summers étaient tous deux professeurs d'économie et deux de ses oncles ont reçu le prix Nobel d'économie! Membre du Conseil économique national sous Reagan, il a été économiste en chef de la Banque mondiale avant de rejoindre l'administration Clinton en 1993. Il terminera au sommet de la hiérarchie comme secrétaire au Trésor de Clinton de 1999 à 2001. Nommé président de l'Université Harvard en 2001, il occupe ce poste six ans avant d'être forcé à démissionner. Son règne à Harvard fut particulièrement controversé. Il a notamment expliqué la faible proportion de femmes qui font carrière en sciences et en mathématiques par le fait que les femmes ont en général moins d'habiletés intellectuelles que les hommes dans ces matières.

Christina Romer

Présidente du Conseil des conseillers économiques 49 ans

Rôle: conseiller le président sur le plan économique

Emploi précédent: professeure d'économie à l'Université Berkeley

Christina Romer a passé toute sa carrière dans le milieu universitaire. Elle a notamment étudié sur la Grande Dépression et le New Deal. Sa nomination au sein de l'administration Obama vient seulement quelques mois après que l'Université Harvard lui ait refusé un poste au sein de son département d'économie.

Melody Barnes

Directrice du Conseil de politique intérieure 43 ans

Rôle: coordonner les politiques de la Maison-Blanche

Emploi précédent: directrice du Center for American Progress, un think thank de centre gauche

Conseillère du sénateur démocrate Edward Kennedy entre 1995 et 2003, Melody Barnes a fondé le Center for American Progress afin de répondre aux think thanks de droite à Washington. Cette avocate a fait campagne pour Barack Obama.