L'eau est bien trop précieuse pour en confier la gestion aux gouvernements.

L'eau est bien trop précieuse pour en confier la gestion aux gouvernements.

C'est la thèse qu'a présentée hier une économiste de l'Institut Fraser, Nathalie Elgrably-Levy, à l'occasion d'un déjeuner-conférence organisé par l'organisme de recherche. Mme Elgrably-Levy a ainsi tenu à dénoncer le projet de loi 92, une initiative du gouvernement libéral qui visait à clarifier le statut juridique de l'eau de surface et souterraine pour en faire une propriété collective.

Cette législation exigeait notamment une autorisation gouvernementale pour tout prélèvement d'eau de 75 000 litres ou plus par jour. Elle accordait également au gouvernement le pouvoir de restreindre tout prélèvement d'eau représentant une menace pour la santé publique ou les écosystèmes aquatiques. Ce projet de loi, déposé en juin dernier, est mort au feuilleton lors du déclenchement des élections.

Mme Elgrably-Levy a affirmé qu'il s'agissait là d'une forme de nationalisation de l'eau.

«Il y aura davantage de réglementation, les libertés individuelles vont diminuer», a-t-elle prédit.

Elle a également soutenu que certaines dispositions du projet de loi étaient tellement vagues qu'elles ouvraient la porte à l'arbitraire.

«Celui qui sera le plus en mesure de faire aller ses entrées sera celui qui aura des exemptions», a-t-elle déploré.

Mme Elgrably-Levy s'est opposée à l'idée de confier davantage de responsabilités aux gouvernements, qui, selon elle, n'ont pas brillé dans le domaine de la distribution de l'eau. Elle a affirmé qu'au Québec, 14% des municipalités avaient connu une pénurie d'eau, que 12% avaient dû émettre des avis pour faire bouillir de l'eau chaque année depuis 2001 et que 300 municipalités ne pouvaient toujours pas se conformer aux nouvelles normes en fait de qualité de l'eau. Elle a aussi soutenu qu'en 2005, 90 décès au Canada avaient été attribuables à une eau de mauvaise qualité.

Elle a également affirmé que le système d'aqueduc de Montréal était une véritable passoire et perdait un pourcentage important d'eau en raison de diverses fuites.

«Comment en est-on arrivés là? C'est qu'on donne préséance à ce que l'électeur médian veut, a-t-elle lancé. Les gouvernements ont une vision à court terme, ils ont un horizon de quatre ans.»

Mme Elgrably-Levy a dit préférer une solution basée sur la propriété privée et le libre-marché. Elle a expliqué que les entreprises qui étaient propriétaires de ressources naturelles avaient tout avantage à les protéger et à les faire durer. Elle a notamment donné l'exemple d'Evian, en France. Cela fait plusieurs siècles que les propriétaires protègent leur source.

«Les entreprises ont une vision à long terme, a-t-elle affirmé. La privatisation peut nous être fortement utile: elle peut permettre d'aller chercher des capitaux privés, d'apaiser les pressions sur les finances publiques et d'aller chercher l'expertise existante.»

Elle a toutefois insisté sur l'importance de faire jouer la concurrence, et non pas de confier une ressource à un monopole.

En entrevue après sa présentation, Mme Elgrably-Levy a reconnu qu'avec la crise financière aux États-Unis, il était difficile de défendre une vision capitaliste. Elle a toutefois soutenu que cette crise n'était pas due à un manque de réglementation, mais plutôt à un interventionniste malavisé, à commencer par une politique monétaire expansionniste.

«Je n'ai pas à me défendre de prendre pour le marché, a-t-elle déclaré. Ce sont plutôt les interventionnistes qui ont à se défendre.»