Le contrat du métro de Montréal sera finalement attribué par appel d'offres. Grâce à une équipe d'avocats de Stikeman Elliott, qui a défendu vigoureusement Alstom, le constructeur français.

Le contrat du métro de Montréal sera finalement attribué par appel d'offres. Grâce à une équipe d'avocats de Stikeman Elliott, qui a défendu vigoureusement Alstom, le constructeur français.

La scène pourrait faire l'objet d'un «happy ending» d'un film à gros budget. Elle est pourtant bien réelle et a eu lieu début janvier, en fin d'après-midi.

Au Palais de justice de Montréal, réfugiés dans un coin à l'abri des regards des curieux et des journalistes, Éric Mongeau et Patrick Girard, deux associés du cabinet Stikeman Elliott, s'apprêtent à ouvrir une enveloppe cachetée par Joël A. Silcoff, le juge qui a piloté la cause opposant le gouvernement du Québec, la Société de transport de Montréal et Bombardier à Alstom, dans le dossier du remplacement de 336 voitures du métro de Montréal.

Deux jours plus tôt, le juge avait prévenu par courriel tous les intervenants du dossier qu'il rendrait son jugement le 9 janvier, à 16h30.

Au moment d'ouvrir l'emballage, les deux juristes sont fébriles; ils viennent de passer les 18 derniers mois à défendre leur client, Alstom, mais ils ne connaissant pas encore le verdict. Quelques secondes plus tard, c'est l'euphorie. «On l'a eu!» s'exclame alors Éric Mongeau, en donnant l'accolade à son collègue.

Ce moment de pur bonheur, ils le doivent à ce jugement de la Cour supérieure qui a décidé que la Société de transport de Montréal ne pouvait octroyer à Bombardier son contrat de 1,2 milliard pour le renouvellement du métro, sans passer par une procédure d'appel d'offres, et qui a culminé, la semaine dernière, par la décision de Québec de ne pas porter le jugement en appel.

«Ce fut une dure bataille, nos adversaires étaient coriaces», dit Éric Mongeau, alors qu'il reçoit La Presse dans une salle de conférence de Stikeman Elliot, au centre-ville de Montréal.

En effet, dans cette lutte fort médiatisée, toutes les parties avaient déployé l'artillerie lourde. D'un côté, pour Alstom, Éric Mongeau et son équipe de Stikeman Elliott. De l'autre, Marc-André Fabien et une équipe de Fasken Martineau pour la STM; Jean Bertrand et Éric Dunberry, deux gros canons d'Ogilvy Renault pour Bombardier; Benoît Belleau, de la Direction générale des affaires juridiques et législatives pour Québec.

Pour Éric Mongeau, 38 ans, l'histoire débute en mai 2006, quelques jours après que le gouvernement du Québec eut annoncé son intention de demander à la STM d'octroyer le contrat à Bombardier de gré-à-gré. Il reçoit un appel de la direction d'Alstom, qui le mandate de mettre le paquet pour contester cette décision.

Une stratégie, deux volets

Dès lors, il met sur pied une équipe, composée d'une douzaine d'avocats, de parajuristes et d'étudiants en droit.

Tous les vendredis, ils se réunissent pour faire le point et avancer dans le dossier. Rapidement, un premier constat se dégage de leurs séances de remue-méninges: alors que Québec clame haut et fort dans les médias que sa décision respecte les obligations internationales, les juristes de Stikeman se demandent plutôt si elle respecte la législation locale, particulièrement la Loi sur les Sociétés de transport en commun.

Cette loi, de juridiction provinciale, qui régit la STM, stipule qu'une société de transport en commun doit procéder par appel d'offres, à moins que, après des études sérieuses et documentées, il appert qu'il n'y a qu'un seul fournisseur capable de fabriquer le produit désiré. C'est ce qu'on appelle «l'exception du fournisseur unique». Si c'est le cas, on peut alors négocier de gré-à-gré.

«On a rapidement conclu que cette Loi provinciale avait été violée et que l'exception du fournisseur unique se s'appliquait pas», explique Éric Mongeau.

Pour appuyer ses dires, il souligne que la STM entretenait des contacts réguliers avec Alstom - de même qu'avec Bombardier- depuis une décennie.

«Ça n'avait donc aucun sens qu'Alstom disparaisse du portrait du jour au lendemain.»

L'autre volet sur lequel se sont appuyés les avocats de Stikeman pour défendre leur cause découle de la théorie de «l'expectative légitime», un concept de droit administratif qui stipule qu'avant de prendre une décision, un décideur administratif doit tenir compte des attentes qu'il a créées chez un individu, soit par des promesses ou des engagements.

Dans le cas présent, explique Maître Mongeau, la STM avait clairement créé des attentes chez Alstom, selon lesquelles le contrat serait accordé par un processus d'appel d'offres.

Pour le prouver, les avocats de Stikeman ont effectué un travail de moine. Ils ont produit des centaines de documents et des milliers de pages.

Ils ont recensé toutes les déclarations publiques des dirigeants gouvernementaux et de la STM, qu'ils ont ensuite retranscrites chronologiquement dans un document.

Grâce aux interrogatoires, ils ont aussi pu obtenir des admissions de la STM, qui confirmait avoir déclaré à Alstom vouloir procéder par appel d'offres.

Mieux, ils ont pu démontrer, presque au jour près, que des rencontres et contacts réguliers avaient eu lieu entre les dirigeants de la STM et ceux d'Alstom, de 1996 au 13 juillet 2005, jour où le ministre Claude Béchard avait déclaré vouloir octroyer le contrat à Bombardier de gré-à-gré.

«Bizarrement, c'est à partir de cette date que les coups de téléphone en provenance de la STM ont commencé à moins sonner chez Alstom», dit Éric Mongeau.

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