L'Ontario accuse un tel retard dans sa façon de taxer les entreprises qu'Ottawa ne fait pas que lever le ton.

L'Ontario accuse un tel retard dans sa façon de taxer les entreprises qu'Ottawa ne fait pas que lever le ton.

Il se dit même disposé à lui venir en aide, au risque de raviver un vieux contentieux de 2 milliards de dollars avec Québec.

Le noeud du problème, ce n'est pas l'impôt sur le revenu des sociétés, ni même la taxe sur le capital, c'est le maintien d'une taxe sur les ventes au détail (TVD) plutôt que l'instauration d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) comme l'ont fait Québec et trois provinces atlantiques.

«Reconnaissant les bienfaits économiques pour le Canada de l'harmonisation des taxes de vente, le gouvernement est disposé à collaborer avec les cinq provinces qui continuent d'appliquer des TVD afin de faciliter les transitions vers des taxes sur la valeur ajoutée harmonisées avec la TPS», lit-on dans le Plan budgétaire présenté par le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, le 26 février dernier.

La semaine dernière, le gouvernement libéral ontarien a présenté un budget qui n'annonce pas de réforme de sa TVD, mais qui tend le calumet de paix à Ottawa.

«Près du tiers de la TVD en Ontario (5 milliards sur 16,8) est payée par les entreprises, déplore en entrevue Sinn Posthmann, économiste au CD Howe.

«Comme les entreprises commercent entre elles, cela entraîne des effets en cascade et ça rend les exportations plus coûteuses.»

Le CD Howe a étudié en profondeur les effets néfastes de la TVD au point de convaincre Ottawa de faire pression sur l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan la Colombie-Britannique et l'Île-du-Prince-Édouard pour les convaincre de s'harmoniser.

L'Alberta n'a pas de taxe de vente.

Ottawa a depuis mesuré l'impact de la TVD sur l'investissement.

Quand une entreprise choisit de s'implanter quelque part, le coût fiscal de l'entreprise pèse dans la balance, au même titre que la stabilité politique ou la qualité de la main-d'oeuvre.

Le taux effectif marginal d'imposition (TEMI) sur le nouveau capital s'élève à 30,7% en Ontario comparativement à 18,8% seulement au Québec.

Ottawa estime même que 11,2 points de pourcentage du TEMI en Ontario proviennent de la TVD.

Aux États-Unis, le TEMI atteint en moyenne 34,4%, dont 7,2 points de pourcentage sont attribuables à la TVD, une taxe abandonnée de plus en plus.

Les entreprises soumises à la TVD doivent la payer même si elles ne réalisent aucun bénéfice.

C'est une forme déguisée de taxe sur le capital, jugée comme la plus régressive parmi toutes.

Queen's Park est bien au courant de ces ravages.

Aussi, il multiplie les exemptions de toutes sortes, créant d'incroyables distorsions et frustrations dans la bonne marche des affaires.

Ainsi, le ministre des Finances, Dwight Duncan, a choisi cette année de soustraire à la TVD les journaux communautaires et les salles de spectacles de moins de 3200 sièges!

Réformer cet univers fiscal kafkaïen exigera doigté et courage car les exemptés en tout genre verront d'un mauvais oeil l'administration plus complexe d'une taxe sur la valeur ajoutée.

C'est là l'inconvénient initial d'une TVA.

L'autre est un manque à gagner qu'il faut compenser en taxant ailleurs.

Pour réaliser sa réforme dès 1992-1994, «Québec a dû augmenter sa taxe sur le capital et le Fonds de service de santé», rappelle Luc Godbout, professeur à la Chaire en fiscalité et finances publiques de l'Université de Sherbrooke.

Pour convaincre en 1997 le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve et Labrador, le ministre fédéral des Finances d'alors, Paul Martin, leur a versé un pactole d'un milliard étalé sur quatre ans.

Québec évalue à 2 milliards la somme à laquelle il aurait eu droit si Ottawa lui avait fait une offre semblable d'harmonisation.

«On a été bon élève et pas récompensé», ironise M. Godbout.

M. Flaherty sera-t-il dans de meilleures dispositions, s'il parvient à s'entendre avec l'Ontario?