Deux solitudes, deux enjeux télévisuels. Si la question des redevances aux chaînes généralistes passionne le milieu québécois de la télévision, un autre débat enflamme le Canada anglais: l'arrivée de nouvelles chaînes spécialisées américaines comme HBO et ESPN.

Deux solitudes, deux enjeux télévisuels. Si la question des redevances aux chaînes généralistes passionne le milieu québécois de la télévision, un autre débat enflamme le Canada anglais: l'arrivée de nouvelles chaînes spécialisées américaines comme HBO et ESPN.

Certains câblodistributeurs essaient de convaincre le CRTC de permettre l'arrivée de nouvelles chaînes américaines malgré l'opposition de leurs rivales canadiennes.

«Les chaînes canadiennes disent qu'elles ont besoin d'être protégées contre leurs concurrentes américaines, mais elles ne cessent d'acheter les productions de ces chaînes américaines», dit Ken Stein, vice-président des affaires réglementaires de Shaw Communications, le plus important câblodistributeur au pays.

«Notre système de télédiffusion canadien est irrationnel. Ce système antidémocratique encourage nos chaînes de télévision à ne pas être concurrentielles. Ce n'est pas normal que les Canadiens doivent attendre deux ans avant de voir Les Soprano!»

Tous les câblodistributeurs ne partagent pas l'avis de Shaw Communications. À commencer par Cogeco Câble, qui croit que l'arrivée de nouvelles chaînes américaines signifierait la disparition de certaines chaînes canadiennes.

Ce serait alors un dur coup pour toute l'industrie télévisuelle du pays.

«À partir du moment où nos chaînes canadiennes ne peuvent plus acheter d'émissions américaines, elles disparaîtront», dit Louis Audet, président et chef de la direction de Cogeco Câble.

«Actuellement, l'achat d'émissions américaines permet aux chaînes canadiennes spécialisées d'attirer un auditoire et de lui faire découvrir des émissions canadiennes.»

L'Association canadienne des radiodiffuseurs, qui représente la plupart des chaînes canadiennes de télévision, ne veut pas de nouvelles chaînes en provenance des États-Unis.

«Le système canadien comporte déjà la plus grande offre télévisuelle par personne au monde», fait valoir Pierre-Louis Smith, vice-président aux politiques et agent en chef de la réglementation.

«Toutes proportions gardées, le Canada offre deux fois plus de chaînes que la Grande-Bretagne, trois fois de plus que la France et dix fois plus que les États-Unis. En plus, il y a eu une hausse des abonnements au câble au Canada au cours des dernières années, ce qui nous laisse croire que les Canadiens sont satisfaits de l'offre télévisuelle actuelle.»

Le CRTC a toujours accepté d'octroyer une licence à une chaîne américaine, à condition que cette dernière ne fasse pas concurrence à une chaîne canadienne existante.

Les premières chaînes américaines - CNN, à titre d'exemple - ont ainsi obtenu leur permis d'exploitation au Canada dans les années 80. Maintenant, des chaînes américaines comme HBO et ESPN sont bloquées à la frontière, sous prétexte qu'elles affaibliraient leurs rivales canadiennes.

Même sans l'aval du CRTC, des centaines de milliers de Canadiens ont déjà accès à HBO et ESPN par le biais du piratage, fait valoir Shaw Communications.

«Nous estimons qu'il y a entre 800 000 et un million de foyers canadiens qui font du piratage», dit Ken Stein.