Gap n'offrira pas de cadeaux de Noël aux consommateurs cette année. Enfin, presque pas de cadeaux.

Gap n'offrira pas de cadeaux de Noël aux consommateurs cette année. Enfin, presque pas de cadeaux.

Non pas que la société de San Francisco ne soit pas dans l'esprit des Fêtes. En déclin depuis deux ans, Gap a décidé de diminuer ses inventaires et de réduire les rabais qui rongeaient ses marges de profit.

«Nous avons fait le choix de nous concentrer sur notre profitabilité plutôt que sur la croissance de nos revenus», a dit la présidente de Gap, Marka Hanson, à l'agence Bloomberg.

La décision de Gap est étonnante à la première vue.

Après tout, les entreprises de vêtements accorderont en moyenne 5% plus de rabais aux consommateurs cette année durant la périodes des Fêtes.

La stratégie pourrait toutefois permettre aux actionnaires de Gap de voir enfin des profits au quatrième trimestre, le plus important de l'année.

La société Gap, qui exploite aussi les magasins Banana Republic et Old Navy, n'a pas vu ses ventes dans ses magasins comparables en décembre augmenter depuis 2003.

L'analyste financier Neil Linsdell, de la banque d'investissement Partenaires Versant, croit que Gap a raison de cesser de jouer au père Noël avec ses clients.

«Comme commerçant, vous ne voulez pas offrir de rabais qui mangent tous vos profits», dit-il.

Voilà déjà quelques mois que Gap a diminué ses rabais. Sur papier, la stratégie fonctionne. Au dernier trimestre, la société a généré des profits de 238 millions US.

Il s'agit d'une hausse de 26% comparativement aux profits de 189 millions US à la même période en 2006.

Au cours de son exercice financier 2007-2008, Gap a haussé ses profits de 559 à 569 millions US, soit une hausse de 1,6%. Au cours des derniers mois, Gap a aussi réduit son budget de marketing.

«Réduire ses dépenses publicitaires n'est qu'une solution temporaire», fait remarquer Neil Linsdell.

Avant de revenir dans les bonnes grâces de l'analyste de Partenaires Versant, Gap ne devra pas seulement assainir ses finances.

La société devra redevenir la marque prisée de la fin des années 90, une époque où les consommateurs s'arrachaient ses pantalons kaki et ses chemises décontractées.

«Gap a un problème de mode depuis deux ans, dit Neil Linsdell. Ses vêtements ne sont pas aussi excitants que ceux de ses concurrents. C'est devenu une marque ennuyante.»

Selon M. Linsdell, la société fondée à San Francisco en 1969 a un défi de taille devant elle.

«Ça prendra du temps à Gap en raison de ses stocks gigantesques, dit-il. Elle doit écouler son inventaire avant de procéder à des changements. Mais comme Gap est en déclin depuis deux ans, on voit bien que c'est plus qu'un problème d'inventaire.»

Au cours des dernières années, les jeunes consommateurs branchés de 15 à 24 ans ont délaissé Gap au profit d'autres marques.

«Abercrombie & Fitch et Eagle American Outfitters ont réussi à séduire les jeunes consommateurs branchés qui ont longtemps fait le succès de Gap», dit Neil Linsdell.

Les concurrents de Gap ont aussi eu le meilleur sur les marchés boursiers. Au cours des trois dernières années, les titres de Abercrombie & Fitch et American Eagle Outfitters ont gagné respectivement 85,3% et 40,3%.

Celui de Gap a stagné, ne gagnant que 7,4% durant la même période (tous les rendements sont en date de mardi à la fermeture des marchés).

Des occasions d'achat au Canada

Malgré tous leurs efforts, Gap et ses concurrents américains pourraient connaître une période des Fêtes décevante. C'est que la crise de crédit sévissant aux États-Unis risque de réduire la générosité du père Noël dans les chaumières américaines.

«Les ventes ont été intéressantes en novembre, mais les Américains ont profité des rabais offerts par les magasins afin de commencer leur magasinage du temps des Fêtes plus tôt, dit Neil Linsdell. Les chiffres de décembre vont être différents.»

L'analyste financier de Partenaires Versant préfère ainsi miser sur les entreprises de vêtements canadiennes au lieu des géants américains comme Gap, Abercrombie & Fitch ou Eagle American Outfitters.

«Le marché s'inquiète du pouvoir d'achat des consommateurs aux États-Unis, dit Neil Linsdell. Au Canada, l'économie semble demeurer quand même assez forte, à l'exception de l'Ontario qui est affectée par la crise manufacturière. C'est bien pire aux États-Unis.»

Gap et ses compatriotes ont beau être présents au Canada, ils n'obtiennent pas la même faveur auprès des consommateurs canadiens.

Selon un rapport de Valeurs Mobilières Desjardins, les ventes de Gap dans ses magasins comparables au Canada ont diminué de 8% en octobre dernier.

Les résultats d'Abercrombie & Fitch et de American Eagle Outfitters n'ont guère été plus reluisants: des baisses respectives de 2% et 3%.

En cette période des Fêtes, Neil Linsdell recommande fortement d'acheter des actions de Reitmans et du Château, deux géants du vêtement au Canada.

«Ce sont deux entreprises qui ont un dividende et des fonds autogénérés élevés, dit-il. Elles génèrent aussi de très bonnes marges de profit. Reitmans maintient ses coûts les plus bas possible en achetant à gros volume en Chine. Le Château fait le contraire: l'entreprise fait ses vêtements à Montréal, ce qui lui permet d'avoir des stocks moins importants et de répondre rapidement aux demandes changeantes des consommateurs. Le Château peut changer de stratégie très rapidement.»

La stratégie de commercialisation du Château, une entreprise fondée à Montréal en 1959, lui confère plusieurs avantages sur ses concurrents.

«La Château n'a pas à offrir de rabais car l'entreprise ne garde pas beaucoup de stocks, dit Neil Linsdell. Elle a toujours de nouveaux vêtements sur ses étalages. L'entreprise a un délai de production d'environ quatre semaines et elle veut le diminuer à deux semaines. À mon avis, c'est impossible. C'est déjà exceptionnel d'avoir un délai de seulement quatre semaines de la conception d'un vêtement à sa mise en marché sur les étalages.»

L'analyste financier de Partenaires Versant vante aussi le style de gestion d'Emilia Di Raddo, présidente et secrétaire générale du Château depuis octobre 2000.

«Elle a amené beaucoup de structure à l'entreprise, dit Neil Linsdell. Le Château connaît très bien sa clientèle et ses magasins. À titre d'exemple, l'entreprise sait si elle vendra plus de ceintures en les plaçant à l'entrée du magasin ou près de la caisse à l'arrière.»

Malgré leurs perspectives d'affaires intéressantes, Reitmans et Le Château ne sont pas à l'abri du pire cauchemar de tout entreprise de vêtements: ne plus être à la mode!

«Les entreprises de vêtements doivent deviner aujourd'hui ce que les consommateurs ont envie de porter le printemps prochain. C'est très difficile d'avoir raison sur une base régulière», a dit Kimberley Greenberger, analyste de Citigroup, à l'agence Bloomberg.

La marge d'erreur a beau être mince, les conséquences sont importantes. «Si les gens n'aiment plus vos vêtements, ils ne reviendront pas la prochaine fois, dit Neil Linsdell. Ça prend ensuite beaucoup de temps avant de les ramener dans vos magasins.»