Raccrochera, raccrochera pas? Le plus gros rachat d'entreprise de l'histoire au Canada, celui de BCE (T.BCE), société mère de Bell Canada, est en péril plus que jamais auparavant.

Raccrochera, raccrochera pas? Le plus gros rachat d'entreprise de l'histoire au Canada, celui de BCE [[|ticker sym='T.BCE'|]], société mère de Bell Canada, est en péril plus que jamais auparavant.

À moins de deux semaines de la clôture prévue de la transaction de 51,7 milliards de dollars, dette incluse, les comptables de BCE chez la firme KPMG concluent à son insolvabilité après son rachat par endettement concocté depuis 18 mois par le fonds Teachers', de Toronto, et trois partenaires américains.

Cet avis de KPMG est préliminaire et encore négociable, a réagi la haute direction de BCE, tentant de réconforter ses actionnaires dont l'espoir de récolter le pactole lié à cette transaction s'est écroulé hier.

Néanmoins, en absence d'un prochain avis favorable de solvabilité, la clôture de la transaction à la date prévue du 11 décembre serait «peu probable», a aussi averti BCE.

Chez Teachers', ses partenaires et leurs banquiers, on prépare aussi le terrain pour une annulation de cette mégatransaction.

D'autant plus que, de l'avis d'analystes, la gravité de la crise financière et le début de récession ont gravement détérioré les paramètres de l'acquisition de BCE.

«Un avis de solvabilité de BCE est une condition pour conclure la transaction», a insisté la haute direction de Teachers' dans un communiqué de deux phrases.

Chez l'un des principaux financiers de la transaction, la Banque Toronto-Dominion, on indiquait «discuter encore avec les parties impliquées avant de déterminer si la transaction peut être conclue».

N'empêche, tout le milieu financier sait que les banquiers du rachat par endettement de BCE ont des problèmes pour revendre à juste prix les 32 milliards de titres de dette découlant de cette transaction.

Au dernier compte, les titres de dette de ce genre, considérés à risque supérieur, s'échangent aux environs de 66% de leur valeur nominale.

Titres impossibles à vendre

«Les titres de dette comme ceux relatifs à l'achat de BCE sont pratiquement impossibles à vendre. Entre-temps, ils constituent un risque financier additionnel pour ces banques», selon Ron Mayers, vice-président chez Valeurs mobilières Desjardins.

D'ailleurs, la possibilité de l'annulation du rachat de BCE a eu un effet haussier immédiat hier sur les actions des banques impliquées: TD, Deutsche Bank, Citigroup et la Banque Scotia.

Mais avec les actions de BCE, il en fut évidemment tout autrement. Elles ont été recalé du tiers de leur valeur aux Bourses de Toronto et de New York, avec un nombre très élevé de 69 millions de titres échangés.

À Toronto, les actions de BCE ont terminé à 25,25$, leur cours le plus bas depuis juillet 2006.

Quelque 10 milliards en valeur boursière attribuée à BCE se sont volatilisés par rapport au cours précédent.

Et pour les investisseurs qui espéraient encaisser les 42,75$ par action de l'offre de Teachers' et ses partenaires, le manque à gagner atteindra les 13 milliards de dollars.

Coûteux revers, certes, mais pratiquement inévitable, selon des analystes.

«Ce rachat adossé de BCE n'a plus de sens, peu importe comment on le présente. Toutes les analyses indiquent que cette transaction devenait impossible», selon Ross Healy, président de Strategic Analysis.

Pour Michael Smedley, gestionnaire de portefeuille chez Morgan Meighen à Toronto, l'annulation du rachat de BCE pourrait même favoriser le plan d'affaires de ses nouveaux hauts dirigeants, en dépit de «l'agonie à court terme» pour ses actionnaires.

En contrepartie, des investisseurs croient encore à l'acquisition de BCE par Teachers' et ses partenaires, mais selon des termes révisés.

Pas forcément la fin

«La transaction dans sa forme actuelle ne pourra être conclue le 11 décembre, mais ce n'est pas nécessairement sa fin. Il pourrait y avoir d'autres négociations entre BCE, le groupe de Teachers' et ses banquiers pour parvenir à un nouveau prix revu à la baisse», selon Denis Durand, directeur chez la firme de gestion de placements Jarislowsky Fraser.

Entre-temps, l'annulation de la transaction augure d'un imbroglio financier et juridique à propos des frais de rupture entre BCE et le groupe de Teachers'.

L'offre d'achat négociée entre le conseil de BCE et le groupe d'acquéreurs prévoit des indemnités de plusieurs centaines de millions de dollars en guise de «frais de rupture».

Si la faute incombe à BCE, elle devrait verser 800 millions à Teachers' et ses partenaires. Dans le cas contraire, ces derniers devraient donner un milliard à BCE.

Avec Bloomberg, CP, AFP