L'idée d'augmenter les tarifs d'électricité pour réduire la consommation et rembourser la dette publique ne plaît pas du tout aux entreprises grandes consommatrices d'énergie, qui estiment que ce serait une façon d'appauvrir le Québec plutôt que de l'enrichir.

L'idée d'augmenter les tarifs d'électricité pour réduire la consommation et rembourser la dette publique ne plaît pas du tout aux entreprises grandes consommatrices d'énergie, qui estiment que ce serait une façon d'appauvrir le Québec plutôt que de l'enrichir.

«C'est taxer davantage les Québécois, en sachant que l'argent additionnel qui sera consacré à l'électricité ne le sera pas dans l'économie et la consommation», a réagi hier Luc Boulanger, porte-parole des entreprises minières, des forestières et des alumineries membres de l'Association québécoise des consommateurs industriels d'électricité (AQCIE).

Selon lui, il est faux de prétendre que l'électricité pourrait potentiellement être aussi rentable pour le Québec que le pétrole l'est pour l'Alberta. «Augmenter les tarifs d'électricité ne fait entrer aucune somme d'argent frais au Québec, contrairement aux sommes qui proviennent de la vente de pétrole albertain», souligne-t-il.

L'augmentation des tarifs aurait pour effet de favoriser les économies d'énergie et de réduire la consommation, reconnaît-il, ce qui accroîtrait la quantité d'électricité disponible pour l'exportation. Mais une augmentation importante des quantités disponibles sur les marchés d'exportation ne signifie pas automatiquement une hausse de revenus pour Hydro-Québec, selon lui. «Ça aurait pour effet de faire baisser le prix du kilowattheure. Affirmer qu'on peut obtenir 10 cents le kilowattheure sur les marchés d'exportation, c'est de la pure science-fiction», argue-t-il.

Même si Hydro-Québec elle-même parie sur un prix élevé à moyen et long terme, Luc Boulanger affirme qu'il n'existe aucune certitude d'obtenir un tel prix. Selon lui, les prévisions disponibles indiquent plutôt que le prix du kilowattheure sur le marché d'exportation ne pas dépassera 6 cents le kilowattheure.

Sur le marché québécois, où Hydro-Québec vend 90% de sa production, le signal de prix pour l'électricité pourrait être amélioré, reconnaît-il. Du moins, «jusqu'à un certain point».

Ainsi, il faudrait commencer par augmenter les tarifs résidentiels qui sont subventionnés par l'industrie à raison de 900 millions par année, selon lui. Les tarifs industriels sont moins élevés, mais comme fournir l'électricité aux industries coûte moins cher que l'acheminer dans chaque foyer, le secteur industriel se trouve à financer indirectement le secteur résidentiel.

Les entreprises les plus énergivores du Québec ne sont pas du même avis que le président de Domtar, Raymond Royer, qui affirme qu'une hausse des tarifs d'électricité ne nuirait pas à la compétitivité des entreprises installées au Québec, parce que le prix de l'énergie demeurerait encore plus bas qu'aux États-Unis.

Le porte-parole de l'AQCIE soutient au contraire que dans sept États américains, le prix de l'énergie est actuellement plus bas qu'au Québec. C'est clair, selon lui, qu'une augmentation importante des tarifs d'électricité aurait pour effet de faire fuir les entreprises installées au Québec. «Avec la mondialisation, les entreprises présentes au Québec font de plus en plus partie de grands conglomérats internationaux pour qui les décisions de délocalisation sont rapides et implacables dès qu'un des facteurs de compétitivité n'est y plus.»

L'abondance d'énergie et la prévisibilité des augmentations de tarifs ne sont pas suffisantes pour retenir une entreprise au Québec, croit Luc Boulanger. «La prévisibilité est importante mais ça ne compense pas pour la compétitivité des tarifs», dit-il.

L'énergie du Québec est peut-être propre et renouvelable, mais pour une entreprise, ça ne justifie pas un tarif plus élevé, selon lui. L'entreprise est motivée uniquement par ses coûts de production, explique-t-il, et non par les qualités de ses sources d'énergie.

Si, un jour, le marché devait reconnaître une valeur à l'énergie verte et renouvelable, les choses pourraient peut-être changer. «Mais nous, on marche avec la réalité et, présentement, ce n'est pas le cas.»