En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

Après ISO 14 001 et les autres certifications environnementales de produits et de procédés, voici que les entreprises québécoises se font suggérer (parfois avec insistance!) d'adopter des politiques d'approvisionnement responsable (PAR).

De toutes parts, éco-conseillers, boîtes de consultants, organismes sans but lucratif (OSBL) et même certaines agences gouvernementales louangent les vertus des PAR. Les PAR se veulent un instrument pour soutenir le développement durable, c'est-à-dire allier la profitabilité ou la performance de l'entreprise avec des aspects environnementaux et l'acceptabilité sociale. Mais j'aimerais m'attarder aux aspects environnementaux des PAR.

Ne tirez pas sur le messager!

Au cours des dernières années, plusieurs dirigeants d'entreprises se sont demandés essentiellement deux choses: (i) dans quelle mesure ces PAR sont-elles répandues? et (ii) en quoi consiste la teneur de ces PAR? La première question permet au dirigeant d'évaluer la position de son entreprise par rapport à l'industrie ou à ses concurrents.

La réponse à la seconde question lui donne une appréciation des ressources qu'il devra déployer. Dans les deux cas, une grande majorité des colloques et du message véhiculé dans les médias ne semblent donner qu'une information partielle et restreinte.

Dans un premier temps, les PAR sont souvent présentées dans une perspective de contrôle et d'évaluation. On parlera d'activités telles que l'évaluation des produits et des fournisseurs sous la forme d'audits environnementaux, de clauses contractuelles et de codes de conduite. Cette définition est aussi soutenue par certains auteurs universitaires dans la littérature dite scientifique.

Deuxièmement, on tapissera les présentations et les articles d'exemples de compagnies qui ont entrepris une telle démarche et qui en sont satisfaites.

Ces deux courants donnent le sentiment aux dirigeants d'entreprises que leurs propres activités sont en retard et qu'effectivement ces fameuses PAR sont une panacée que l'entreprise doit implanter. Mais est-ce vraiment le cas?

Les données recueillies auprès de 93 entreprises manufacturières canadiennes (étude faite conjointement entre la Richard Ivey School of Business de l'Université Western Ontario et HEC Montréal) suggèrent que le type d'activités que l'on considère généralement dans les PAR ne procure aucun avantage en termes de la performance manufacturière (coûts, qualité, rapidité de réaction).

De plus, cette même étude suggère que sur une échelle allant de 1 (pas du tout) à 7 (tout le temps) portant sur ces même pratiques appartenant à une PAR, les répondants ont répondu en moyenne 2.1 (! ). Ainsi les PAR ne semblent ni être aussi utilisées que ne laisserait croire l'ensemble des médias et possiblement pas aussi «rentables» que l'on souhaiterait.

Où est donc le problème?

Mes recherches et interactions avec le monde des affaires m'indiquent que bien souvent les exemples rapportés dans les colloques et médias induisent les dirigeants d'entreprise en erreur. Lorsqu'on y pense, la définition que plusieurs intervenants environnementaux proclament rassemble beaucoup plus des mesures pour s'assurer de ne pas être associées avec des fournisseurs qui pourrait ternir la réputation et l'image de l'entreprise: il s'agit donc d'une gestion du risque.

Ce type de gestion, bien que très important, ne crée généralement pas de valeur ajoutée. En fait, les exemples qui sont souvent rapportés débordent du cadre de PAR défini plus tôt. Ces exemples élargissent la définition des PAR et suggèrent qu'elles devraient inclure des activités que je qualifierais de collaborative.

Parmi ces activités collaboratives, on retrouve des projets pour réduire les emballages dans la chaîne d'approvisionnement, des substitutions d'intrants pour réduire l'impact environnemental d'un produit, ou le développement d'un nouveau produit moins dommageable pour l'environnement et tout cela en collaboration avec les fournisseurs et les clients.

Créer de la valeur

Ainsi, les PAR amènent les entreprises à travailler étroitement avec leurs fournisseurs. Ah! Là on crée de la valeur et il va de soi que les entreprises soient satisfaites de ces expériences.

Entre autres, les données de l'étude IVEY/HEC Montréal suggèrent qu'effectivement les entreprises qui ont entrepris ce type de projets ont de meilleures performances en coûts et en qualité comparativement à celles qui n'ont pas adopté ces pratiques.

Une autre observation est que les exemples d'approvisionnement responsable rapportés dans les forums et les médias donnent l'impression que les activités font partie d'un tout alors, qu'en réalité, ils reflètent souvent des activités isolées ou ponctuelles.

Il y a très peu d'entreprises qui ont une approche structurée ou systémique qui sous-tend l'application d'activités qui sont liées à une PAR. Par conséquent, les dirigeants n'ayant pas implanté des PAR ne devraient pas être si découragés; après tout, ils ne sont qu'à quelques projets «PAR» de leur concurrents...

L'auteur, Stéphane Vachon, Ph.D., est professeur agrégé au Service de l'enseignement de la gestion des opérations et de la logistique, https://www.hec.ca/profs/stephane.vachon.html