Le Canadien est à une victoire des quarts de finale, le huard, à quelques centièmes de la parité.

Le Canadien est à une victoire des quarts de finale, le huard, à quelques centièmes de la parité.

Mercredi, c'était comme si tous les astres s'étaient alignés pour que notre monnaie connaisse une journée des plus radieuses.

Le huard a gagné du poids vis-à-vis de l'ensemble des monnaies largement négociées sur le marché des devises. Contre le billet vert, il a arraché 1,73 cent d'équivalence et cotait 99,86 cents US à la fermeture des marchés.

Sa poussée a été nourrie par la faiblesse généralisée du dollar américain, pas une autre flambée de l'or noir qui a flirté avec les 115$US le baril, par des pressions inflationnistes en Europe venues supporter l'euro, par des statistiques économiques décevantes aux États-Unis et par des chiffres bien meilleurs que prévu sur les ventes des manufacturiers canadiens en février.

«Depuis huit semaines, les données économiques montrent une certaine résilience de l'économie canadienne face à la faiblesse de l'américaine», fait remarquer Claude Desautels, directeur des marchés de change chez BMO marchés des capitaux.

«On commence à avoir le sentiment qu'il y a plus de potentiel pour le Canada.»

C'est un peu ce qu'ont vu aussi les boursicoteurs qui ont poussé l'indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto au-delà des 14 000 points pour la première fois depuis le 8 novembre.

Bref, la théorie du découplage, largement décriée depuis les mauvais chiffres de croissance l'automne dernier, semble revenir timidement en grâce.

«Les investisseurs sont un peu sur la clôture à propos du découplage. Chaque nouvelle donnée devient importante, renchérit François Barrière, vice-président, développement marchés internationaux, à la Banque Laurentienne. Il faudra quand même attendre l'été pour voir si c'est le cas.»

Par le passé, l'économie canadienne a réagi à la faiblesse de l'américaine avec un certain décalage.

Les ventes des manufacturiers canadiens ont bondi de 1,6% en février soit le double des attentes des experts. Toutefois, elles restaient moins élevées qu'en février 2007. (Au Québec, elles ont progressé de 0,6%, mais demeurent en ligne avec celles de l'an dernier).

Il faut cependant interpréter ces chiffres avec réserve compte tenu de leur volatilité. Chose certaine, observe Benoit P. Durocher, économiste principal chez Desjardins, «la production de ce secteur contribuera positivement à la croissance économique en février».

On ne peut en dire autant de la construction résidentielle américaine, encore loin au bout de ses peines. Les mises en chantier le mois dernier sont passées sous la barre du million de logements pour la première fois en 17 ans.

Pire, les permis de bâtir, un indicateur avancé, étaient en baisse de plus de 5%. Ce seul secteur a sans doute retranché un point de pourcentage à la croissance au premier trimestre.

En fait, le marasme économique s'étend partout chez l'Oncle Sam. La dernière livraison du livre beige de la Réserve fédérale indiquait hier que neuf régions sur 12 accusaient un affaiblissement économique et une baisse des dépenses de consommation.

Seul le tourisme paraît profiter de la faiblesse du billet vert. L'inflation demeure à 4%, propulsée par les prix des aliments et de l'énergie et vient compliquer la tâche de la Réserve fédérale (Fed).

La belle poussée du huard avait commencé sur les marchés européens dès la publication des chiffres d'inflation sur le Vieux Continent. À 3,6%, le rythme annuel de la hausse des prix a atteint le mois dernier un sommet en 16 ans.

«Cela élimine toute possibilité que la Banque centrale européenne (BCE) abaisse son taux directeur, explique Frédéric Mayrand, vice-président et chef cambiste chez BNP Paribas. Dans les minutes qui ont suivi la publication des chiffres plus élevés que les attentes, l'euro s'est apprécié contre le dollar américain.»

Comme la Banque du Canada, la BCE a une cible d'inflation fixée à 2%. La Fed court plutôt deux lièvres à la fois, devant en même temps assurer la stabilité des prix et favoriser le plein emploi.

Un euro achète maintenant tout près de 1,60 $ US. Certains analystes croient qu'il ira tester les 1,64 US.

Cela favorise à court terme le huard. Les investisseurs se délestent de leurs billets verts au profit de produits de base. Leurs prix grimpent, malgré le ralentissement de l'économie qui devrait plutôt les faire baisser.

À moyen terme, c'est du moins le pari de la Fed, le marasme de l'économie américaine va entraîner des baisses de prix des matières premières, faute de demande. Le dollar canadien pourrait bien suivre.