Le manque de main-d'oeuvre pousse les entreprises canadiennes à se tourner vers les programmes de retraite progressive pour garder leurs employés d'expérience. L'état des caisses de retraite, après les récents reculs boursiers, pourrait entraver momentanément cette tendance.

Le manque de main-d'oeuvre pousse les entreprises canadiennes à se tourner vers les programmes de retraite progressive pour garder leurs employés d'expérience. L'état des caisses de retraite, après les récents reculs boursiers, pourrait entraver momentanément cette tendance.

Selon un sondage publié hier par la société d'experts-conseils en ressources humaines Hewitt&Associés, près des trois quarts des employeurs canadiens considèrent que les programmes de retraite progressive seront une part importante de leur stratégie de gestion de ressources humaines dans les cinq prochaines années.

Parallèlement, les baby-boomers, dont l'épargne de retraite est dans plusieurs cas durement affectée par la chute de la Bourse, pourraient être nombreux à se laisser tenter à rester sur le marché du travail, ne serait-ce que partiellement, selon Hewitt.

«De toute évidence, le taux d'activité des 55 ans et plus va augmenter encore comme il l'a fait depuis 10 ans, commente Yvon Boudreau, consultant de la Fédération des chambres de commerce du Québec pour les questions de main-d'oeuvre. Les gens de cet âge sont de plus en plus en forme, il y a pénurie de main-d'oeuvre et les déboires de la Bourse vont les inciter à rester plus longtemps sur le marché du travail.»

Les entreprises cherchent quant à elle à garder leurs employés d'expérience.

«Le départ imminent d'un très grand nombre de baby-boomers inquiète les employeurs, qui redoutent la saignée des connaissances et des compétences qui s'ensuivra», indique Lucie Paquet, conseillère principale auprès de Hewitt.

Les entreprises pourraient donc agir différemment que par le passé dans leur désir de rationalisation des dépenses, «où elles avaient tendance à faire partir les plus vieux», note Yvon Boudreau.

Au lieu de pousser les travailleurs à la retraite pure et simple, la retraite progressive permet de conserver le lien d'emploi. «Dans le contexte où on veut garder les employés, leur expérience, leurs compétences, mais en même temps réduire les dépenses, ça peut être intéressant», indique Norma Kozhaya, économiste en chef et directrice de la recherche au Conseil du patronat du Québec.

C'est particulièrement intéressant en considérant les nouvelles dispositions de la loi 68 de juin dernier, qui permet le versement d'une rente et d'un salaire en même temps, note l'économiste.

La crise affecte le financement

Mais les programmes de retraite progressive sont souvent financés par des caisses de retraite, fait remarquer Louis Roy, premier vice-président de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

«Avec la crise qu'on connaît depuis septembre, il n'y a pas beaucoup de caisses de retraite qui vont vouloir financer ça, croit M. Roy. Les pertes qu'ils ont subies vont faire en sorte que très peu de gens pourront bénéficier d'une mesure pouvant les inciter à rester au travail», du moins à court terme.

Aussi, avec les conditions économiques plus difficiles, «la question de la pénurie de main-d'oeuvre se pose momentanément avec moins d'acuité», souligne Yvan Boudreau.

Selon l'évaluation de la Régie des rentes en avril dernier, un bassin de quelque 150 000 travailleurs (participants dans des régimes complémentaires de retraite) pourrait profiter de la retraite progressive d'ici 10 ans.