Le chantier du Eleven Times Square bourdonne d'ouvriers. Aux niveaux inférieurs, plusieurs s'affairent à installer les panneaux de verre qui recouvriront en entier la tour de 40 étages. Tout semble baigner dans l'huile, à un détail près: le rutilant gratte-ciel n'a toujours aucun locataire de confirmé, à moins d'un an de son inauguration.

Le chantier du Eleven Times Square bourdonne d'ouvriers. Aux niveaux inférieurs, plusieurs s'affairent à installer les panneaux de verre qui recouvriront en entier la tour de 40 étages. Tout semble baigner dans l'huile, à un détail près: le rutilant gratte-ciel n'a toujours aucun locataire de confirmé, à moins d'un an de son inauguration.

Les promoteurs ont lancé le projet en toute connaissance de cause, en 2006. À l'époque, la demande d'espaces à bureaux était forte dans le Midtown, et l'offre, minime. Remplir la tour ne devait pas poser problème.

C'était avant la crise du système bancaire. Les faillites et licenciements en série des derniers mois ont libéré d'importants locaux à louer à Manhattan, jetant une douche froide sur tout le marché immobilier commercial. La situation a empiré il y a deux semaines avec la déconfiture de géant Lehman Brothers.

Plusieurs anticipent aujourd'hui une baisse marquée des loyers, si bien que plus personne n'ose signer quoi que ce soit. Tout est paralysé. «Les gens sont vraiment dans un mode d'attente, pour voir ce qui va se passer», explique Barbara Byrne Denham, économiste en chef à la firme immobilière new-yorkaise Eastern Consolidated.

Les entreprises rechignent à signer de nouveaux baux locatifs, et certaines déchirent carrément des documents déjà ratifiés. C'est le cas de la banque hong-kongaise HSBC, qui a décidé la semaine dernière de ne pas déménager ses pénates au 7, World Trade Center, gratte-ciel ultramoderne situé en plein quartier des affaires. L'institution a cité «l'incertitude» ambiante pour justifier son changement de cap.

Le marché résidentiel a aussi marqué une pause depuis la mi-septembre, confirment tous les courtiers immobiliers rencontrés par La Presse Affaires à New York. «Disons que mon téléphone n'a pas beaucoup sonné depuis deux semaines», admet Davide Callegati, de la firme New York Living Solutions, qui se spécialise dans la vente de condos haut de gamme neufs.

«Les gens laissent la poussière retomber, ils attendent de voir si les prix vont baisser», ajoute le courtier, tiré à quatre épingles avec sa grosse montre en or.

Les professionnels ne s'attendent pas à voir le marché s'effondrer, mais ils prévoient tout de même un léger recul dans les prix. Qui, pour plusieurs acheteurs potentiels, sera tout à fait bienvenu.

Il faut dire que la Grosse Pomme a été épargnée jusqu'à tout récemment par la crise de l'habitation qui secoue le reste des États-Unis. Les prix, déjà élevés, ont continué à grimper à vive allure au cours de la dernière année, tandis qu'ils baissaient de plus de 30% dans certaines régions du pays.

Au deuxième trimestre, soit entre avril et juillet, le coût moyen d'un appartement a atteint 1 007 000$US à New York, en hausse de 21% sur un an. Dans le seul district de Manhattan, le prix moyen a bondi de 29%, à 1,55 millions!

Le recul des prix pourrait atteindre 10% à 20% à New York selon les courtiers interviewés. Une prévision encore floue, qui devrait se préciser au cours des prochaines semaines, espèrent-ils.

«On voit beaucoup de nouvelles propriétés qui arriveront bientôt sur le marché, mises en vente par des courtiers de Wall Street qui ont perdu leur emploi, dit Howard Epstein, de la firme Hercules Realty. On s'attend à une légère baisse dans les prix causée par toute cette offre.»

Les Européens prennent le pas

La déroute de Wall Street fait mal au secteur immobilier new-yorkais, mais la clientèle internationale, et plus particulièrement européenne, continue d'acheter en masse des appartements à Manhattan, font valoir les courtiers. Plusieurs paient comptant, ce qui écarte le risque lié au financement hypothécaire.

«Les Européens ont vraiment pris le relais», indique Nadya Miles, spécialisée dans la location haut de gamme.

Le fondatrice de The Loft Broker dit n'avoir aucun mal à louer ses lofts à 9500$ par mois dans les quartiers branchés de Soho, Tribeca et dans le Financial district, tandis que ses propriétés à 2000$ trouvent plus difficilement preneur. «Ce marché-là, occupé par des célébrités et des grandes fortunes européennes, n'est pas affecté», affirme Mme Miles.

Les grues demeurent par ailleurs nombreuses sur les nombreux chantiers de construction de Manhattan, constate-t-on en se promenant dans l'île. Le lancement de plusieurs projets sera toutefois compromis par le resserrement marqué des conditions de crédit, prévoient les analystes.