Il y a tout juste un peu plus d'un an, le taux directeur de la Réserve fédérale américaine s'élevait à 5,25%. Il est aujourd'hui d'à peine 1% et il diminuera encore demain.

Il y a tout juste un peu plus d'un an, le taux directeur de la Réserve fédérale américaine s'élevait à 5,25%. Il est aujourd'hui d'à peine 1% et il diminuera encore demain.

Cet allégement spectaculaire de la politique monétaire n'a toutefois toujours pas donné les résultats escomptés. Les banques américaines ne jouent pas leur rôle traditionnel de courroie de transmission de la politique monétaire. Elles paraissent plus réticentes à prêter aux ménages et aux entreprises qu'il y a un an et préfèrent déposer leurs liquidités dans un compte à faible rendement de la Fed.

Création de 800 000 chômeurs

En conséquence, la crise du crédit aggrave la récession. Durant les seuls mois d'octobre et de novembre, l'économie américaine a créé plus de 800 000 chômeurs et on craint que la cohorte des sans-emploi gonfle à vue d'oeil jusqu'à l'été.

Devant la gravité de la situation, la Fed a même renoncé à défendre son taux directeur par des opérations de cessions en pension, comme le font encore d'autres banques centrales, comme celle du Canada. Résultat: les marchés financiers repoussent le taux effectif des Fed Funds de plus en plus près du zéro.

Ils ont même brièvement atteint un rendement négatif la semaine dernière, ce qui ne s'était même pas vu en 1929. «Même durant la Grande Dépression, les investisseurs n'avaient pas paniqué au point d'être prêts à payer le gouvernement pour qu'il emprunte (et protège) leur argent», rappelle Sal Guatieri, économiste chez BMO Marchés des capitaux.

À tout le moins, cela signifie que les gestes sans précédent de la Fed et de la Maison-Blanche depuis un an ne sont pas encore parvenus à rétablir un iota de confiance sur les marchés du crédit.

Personne ne doute que le Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed présidé par Ben S. Bernanke abaissera quand même d'au moins 50 centièmes son taux cible demain. Cette décision le porterait à son niveau le plus faible depuis 1954.

«Le taux cible va ainsi rejoindre le taux effectif», résume Francis Généreux, économiste principal chez Desjardins, qui croit même que la Fed le ramènera jusqu'à 25 centièmes.

Au-delà de cette limite, toutefois, la Fed risque de créer de nouveaux problèmes. Les fonds communs du marché monétaire pourraient être acculés à offrir un rendement négatif, si on tient compte des frais d'administration facturés à leurs clients.

Les risques d'inflation se sont envolés en fumée comme les épargnes de millions de ménages investis en Bourse ou dans leur maison. Quelques heures avant de rendre publique leur décision, les membres du FOMC auront appris que le taux annuel d'inflation est passé sous la barre des 2%. La vitesse à laquelle la progression des prix ralentit fera même craindre à certains d'entre eux que les risques de déflation ne soient plus des chimères. L'antidote est simple: injecter des liquidités au maximum et par tous les moyens.

Les experts s'attendent aussi à ce que la Fed se montre disposée à garder aussi bas son taux directeur durant tout le temps nécessaire au rétablissement de la confiance.

Cela peut s'étendre sur toute l'année 2009 et rapprocher le rendement des obligations de longue échéance de celui des échéances plus courtes.

En prenant pareil engagement, la Fed souhaite étendre la portée de sa politique monétaire aux taux d'intérêt obligataires de plus longue échéance.

L'objectif ainsi poursuivi consiste à inciter les banques à prêter et les investisseurs à acheter les titres d'emprunt des banques.

La Fed poursuivra aussi le déploiement de son arsenal extraordinaire de mesures qui inclut désormais le rachat de papier commercial ou de titres adossés à des hypothèques. Ainsi, elle n'est plus seulement le prêteur de dernier ressort aux banques, mais à l'ensemble de l'économie, en plus d'être devenue le fournisseur de dollars américains dans le monde entier par le truchement de marges de crédit swap établies avec beaucoup d'autres banques centrales dont celle du Canada.

Tout cela parce que l'économie américaine a entraîné le monde dans sa pire récession synchronisée en 50 ans. Tout cela aussi parce que la clé pour l'en sortir est dans la main de l'équipe dirigée par M. Bernanke.