La division Bauer du géant Nike pourrait aboutir bientôt entre les mains d'investisseurs américains qui sont encore absents du milieu du hockey.

La division Bauer du géant Nike pourrait aboutir bientôt entre les mains d'investisseurs américains qui sont encore absents du milieu du hockey.

Et ces acquéreurs potentiels, originaires de Philadelphie selon les rumeurs dans l'industrie, paieraient autour de 175 M$ US pour racheter Bauer de Nike, dont l'intention de vendre remonte à octobre dernier.

Si un tel prix s'avère, il serait inférieur de moitié aux 394 M$ US payés par Nike en 1994 lors de son achat de la montréalaise Canstar Sports, alors l'un des plus gros fournisseurs d'équipement de hockey au monde.

Mais c'était aussi durant une période de bonne croissance du marché, propulsé par l'expansion de la Ligue nationale de hockey (LNH) aux États-Unis et l'engouement pour les patins à roues alignées.

Cette époque favorable est bien révolue, ont encore constaté les gens de cette industrie lors d'une foire commerciale de la semaine dernière à Las Vegas.

Les perspectives de croissance des revenus et des profits des fournisseurs d'équipement et de patins se sont atrophiées, entraînant avec elles la valeur marchande même de ces entreprises.

Chez Bauer, les plus récents résultats de divisions divulgués par Nike suggèrent un chiffre d'affaires rétréci autour de 160 millions US, et une rentabilité minimale.

«Le marché décroît aux États-Unis et stagne au Canada. C'est de plus en plus difficile de maintenir des marges bénéficiaires décentes», a commenté le dirigeant d'un fabricant d'équipement concurrent de Bauer qui a requis l'anonymat.

Malgré tout, le sort de Bauer suscite des doutes dans le milieu. D'autant que Nike aurait laissé entendre qu'elle refusera de vendre sa division de hockey à des concurrents déjà établis dans ce marché.

Pourquoi une telle restriction? On décline tout commentaire à ce sujet chez Nike.

Mais dans le milieu, on croit qu'il s'agit d'une tactique de vente de Nike pour faire monter les enchères parmi des acquéreurs financiers, au lieu de se contenter d'offres présumément moindres de la part d'entreprises déjà impliquées dans le marché du hockey.

Cette tactique aurait incité deux sociétés réputées dynamiques, Easton et la montréalaise Mission I-Tech, à se retirer du processus d'offre pour Bauer après que les indices de prix se soient élevés un peu trop, de leur point de vue.

Les demandes de commentaires chez Easton et Mission I-Tech sont demeurées sans réponse.

Par ailleurs, le sort réservé à Bauer par Nike préoccupe de plus en plus les quelque 325 employés à son usine de Saint-Jérôme, au nord de Montréal.

En plus de bureaux régionaux, on y retrouve un centre de développement de produits ainsi qu'une usine de confection de patins de haut de gamme pour les hockeyeurs professionnels.

«On s'informe souvent de la situation auprès de la direction, d'autant plus que des gens ont visité l'usine juste avant les Fêtes. Pour le moment, Nike maintient son échéancier de mai prochain pour une transaction», a commenté Sylvie Landry, représentante syndicale des salariés de Bauer à Saint-Jérôme, affiliés aux Métallos-FTQ.

Employés préoccupés

Ces employés sont préoccupés parce qu'ils ont vu disparaître beaucoup d'emplois dans leur secteur au Québec depuis des années, au fil des délocalisations de production vers des sous-traitants chinois.

On craint qu'un prochain propriétaire de Bauer, s'il s'avérait plus financier que spécialiste du hockey, soit tenté de délocaliser encore davantage.

Mais de l'avis d'un dirigeant d'entreprise québécoise de longue expérience dans le hockey, la sous-traitance en Chine crée d'autres défis importants.

«C'est vrai que leurs coûts de main-d'oeuvre et de production sont moindres. Mais il faut être beaucoup plus vigilant en matière de qualité de main-d'oeuvre et de production», a commenté Denis Drolet, président du fabricant de bâtons Sherwood-Drolet, en Estrie.

«Les usines chinoises ont des taux de roulement de personnel très élevés, jusqu'à 20% des travailleurs après des congés. C'est un gros défi pour maintenir la constance de qualité.»

Cela dit, le patron de Sherwood-Drolet serait-il tenté par l'achat de Bauer, d'autant qu'il compte la Caisse de dépôt et placement comme actionnaire minoritaire?

«Ce n'est pas du tout dans nos plans d'affaires, a répondu M. Drolet. Ça serait trop coûteux pour nous, et très difficile à rentabiliser ensuite dans le contexte de notre industrie.»