Une récession va frapper les États-Unis, peut-être toucher l'Europe et créer une petite secousse économique malgré l'optimisme éternel de certains investisseurs.

Une récession va frapper les États-Unis, peut-être toucher l'Europe et créer une petite secousse économique malgré l'optimisme éternel de certains investisseurs.

C'est le message percutant livré mardi matin par des gestionnaires de caisses de retraite à la présentation annuelle de la société de conseil Morneau Sobeco sur le rendement des gestionnaires en 2007.

Plusieurs croient que les signes d'un essoufflement économique étaient déjà faciles à repérer dès la mi-2006 en raison du surendettement des ménages.

«Nous avons pris un virage défensif en 2006, indique Vital Proulx, qui oeuvre à la caisse de retraite Hexavest. Nous croyions que le crédit allait se resserrer, que les prix des maisons allaient baisser. Les marchés boursiers ne l'ont pas réalisé, jusqu'à tout récemment. Les investisseurs vivent d'espoir en espoir.»

«Nous pensons, ajoute-t-il, que nous nous dirigeons vers une récession aux États-Unis et que l'Europe va flirter avec une récession. Ça va affecter les profits des entreprises et les marchés boursiers.»

Le financier a ensuite senti le besoin de nuancer ses propos, afin de ne pas faire craindre pire. «Nous n'envisageons pas de scénario de catastrophe ultime ou de dépression. Ce n'est pas du tout le cas.»

Il reste que les fluctuations récentes au sein des marchés boursiers et la baisse de trois quarts de point du taux directeur de la Réserve fédérale des États-Unis seraient un signe d'une volatilité durable.

«Les mouvements des taux d'intérêt sont très violents, ajoute Stéphane Corriveau, gestionnaire chez Addenda Capital. Il y a des questions sur les produits structurés [NDLR: comme le papier commercial] et sur le crédit. La volatilité n'est pas terminée. Il y aura des chocs et des surprises. La Réserve fédérale des États-Unis va peut-être réagir trop fort avec ses taux d'intérêt.»

«Le risque du crédit n'est pas terminé, enchaîne lui aussi Richard Guay, de Placements Montrusco Bolton. Et des situations comme celle de la Société Générale en France sont des risques difficiles à prévoir.»

Même pour des sociétés dont les assises sont solides, poursuit Vital Proulx. «C'était la firme qui était la plus forte à ce niveau et elle s'est fait avoir par quelqu'un qui pouvait créer des entités et y transférer des positions. Il faut séparer les tâches au sein des gestionnaires de placements afin d'éviter que ça se reproduise.»

Richard Guay estime, à propos des problèmes actuels, que «l'économie américaine a déjà affronté de telles situations. Les gens paient pour cela et le système se nettoie.»

Par contre, ce qui suscite des craintes, c'est que pour une rare fois, les banques sont affaiblies au moment où un risque de récession pèse sur l'économie.

Habituellement, précisent ces spécialistes, les récessions se produisent après des cycles économiques très enrichissants, ce qui permet aux banques de braver la tempête.

Un autre problème se pointe le bout du nez: ceux qui assurent les versements d'intérêts contre les défauts de paiement pourraient eux-mêmes radier des dizaines de milliards de dollars car ils n'ont pas de réserves pour répondre aux urgences.

Ce serait la deuxième partie de la crise du crédit, après celle du papier commercial adossé à des actifs.

D'ailleurs, Vital Proulx, gestionnaire chez Hexavest, ne comprend pas pourquoi les fonds de couverture n'ont pas radié de montants liés au PCAA ces derniers mois. «Expliquez-moi pourquoi, je ne le sais pas !», lance-t-il.

Comment peut-on se tirer d'affaire en gérant un portefeuille dans les conditions actuelles du marché ?

«C'est une question de choix de titres, indique Richard Guay, gestionnaire chez Montrusco. Il faut choisir des compagnies qui peuvent gérer les turbulences [...] des compagnies de qualité.»

Ces propos ressemblent à ceux tenus quelques minutes plus tôt par Jean Bergeron, directeur en gestion d'actifs chez Morneau Sobeco.

Selon M. Bergeron, des actions comme celle d'Alcan ont récolté une bonne part du rendement des actions canadiennes l'an passé. «Le marché a été concentré dans un petit nombre de titres. C'est ainsi difficile pour un gestionnaire de se diversifier, de gérer son risque et de battre les indices de référence».

Trouver du rendement du côté des États-Unis a aussi été une tâche ardue en raison de la montée du dollar canadien. «Certains gestionnaires, dit Jean Bergeron, se sont couverts contre la performance du dollar. Leur rendement peut être trompeur.»

Morneau Sobeco rapportait un rendement de 2,1% pour les caisses de retraite recensées en 2007, contre 9% annualisé lors des trois dernières années.

Les fonds d'actions canadiennes étudiés ont généré le meilleur rendement médian de toutes les catégories, avec un gain de 8%. Toutefois, l'indice S&P/TSX a beaucoup mieux fait, avec une progression de 9,8%. Du côté des actions américaines, la médiane a été négative de 10,8% contre -10,3% pour l'indice S&P 500.