John Leopold et deux de ses collègues ont représenté les deux sociétés de Dubaï qui ont pris une participation dans le Cirque du Soleil. Prochain objectif de ces avocats? Les fonds souverains.

John Leopold et deux de ses collègues ont représenté les deux sociétés de Dubaï qui ont pris une participation dans le Cirque du Soleil. Prochain objectif de ces avocats? Les fonds souverains.

John W. Leopold est un habitué des vols internationaux. Une semaine en Europe, une autre en Asie, un jour à Munich, un autre à New York, cet associé du bureau montréalais de Stikeman Elliott passe le quart de sa vie dans les airs. Et comme avocat spécialiste des grandes transactions transfrontalières, il a bien dû faire le tour du monde plusieurs fois.

Mais le mois prochain, il s'envolera vers une destination où il n'a encore jamais mis les pieds: Dubaï, aux Émirats arabes unis. Avec ses collègues, l'associé Peter Castiel et Pierre Raymond, le grand patron du cabinet, John Leopold s'est offert une petite escapade d'une semaine dans cette ville de la démesure financière.

«On s'en va passer du temps avec nos clients», explique l'avocat de 54 ans, alors qu'il reçoit La Presse dans une salle de conférence de Stikeman Elliott, au centre-ville de Montréal.

Ses clients, personne au Québec ou à peu près n'en avait jamais entendu parler avant le communiqué du 6 août dernier qui annonçait qu'Istithmar World Capital et Nakheel, deux firmes de Dubaï, avaient pris une participation de 20% dans le Cirque du Soleil.

À vrai dire, neuf mois plus tôt, John Leopold ne les connaissait pas non plus. Jusqu'à ce qu'un associé haut placé du grand cabinet new-yorkais Cleary Gottlieb le contacte en décembre 2007 pour lui indiquer qu'Istithmar songeait à investir dans le Cirque et que la société se cherchait un cabinet d'avocats canadien pour la représenter.

«Peux-tu prendre le mandat?» lui a alors demandé son contact de New York.

Une semaine plus tard, un haut dirigeant d'Istithmar débarquait à Montréal et passait une semaine chez Stikeman Elliott. Le but? Que les avocats de Stikeman et ceux d'Ogilvy Renault -qui représentaient le Cirque du Soleil- négocient et rédigent une lettre d'intention.

«La lettre était signée avant Noël et on a pu commencer à travailler sur la mise en forme de cette transaction», dit John Leopold.

C'est ainsi qu'il est devenu l'avocat canadien d'Istithmar - et celui de Nakheel, qui s'est joint au deal quelque temps après. Durant neuf mois, lui et ses collègues Peter Castiel et Sophie Lamonde ont dirigé une équipe d'une trentaine d'avocats de Stikeman -dont une douzaine à temps plein au cours des deux derniers mois.

Pourquoi si long pour conclure une transaction amorcée neuf mois plus tôt?

«Parce que la transaction était compliquée, parmi les 10 plus complexes auxquelles j'ai participé», explique John Leopold, qui a en pourtant vu d'autres au cours des années. Il souligne que les éléments de la transaction sont confidentiels -on ne sait pas entre autres le montant investi dans le Cirque par les deux sociétés étrangères-, mais il soutient qu'une participation minoritaire est toujours plus compliquée à négocier, surtout lorsque cela concerne une société étrangère qui investit au Canada pour la première fois.

La cible: les fonds souverains

À la fin d'octobre, le trio de choc de Stikeman Elliott a donc rendez-vous à Dubaï avec ses nouveaux clients. Mais le voyage a aussi un autre objectif, qui fait partie d'un plan plus large amorcé par une équipe du cabinet il y a 18 mois environ: rencontrer des dirigeants de fonds souverains.

«On croit que ce marché sera très actif au cours des prochaines années et que ces fonds géants auront besoin de services juridiques à haute valeur ajoutée au Canada», dit Leopold.

Les fonds souverains sont des fonds d'investissement détenus par des États. Ils gèrent des actifs estimés à 2500 G$ US, selon Morgan Stanley, soit deux fois plus que les fonds gérés par les fonds spéculatifs ou le capital-investissement. Morgan Stanley estime qu'ils atteindront 12 000 G$ d'ici 2015.

Environ la moitié des actifs des fonds souverains sont gérés par des sociétés de la région du Golfe.

Ces fonds investissent dans tout genre de secteurs et de plus en plus à l'étranger, dont le Canada. La bonne nouvelle pour les avocats, c'est qu'ils ont besoin de conseils juridiques et qu'ils ne rechignent pas à payer les taux horaires demandés par les grands cabinets.

À Dubaï et à Abou Dhabi -l'autre grande ville du pays-, John Leopold et ses deux collègues ont prévu de voir les dirigeants de quatre fonds souverains de la région, en plus de rencontrer des avocats de cabinets locaux et banquiers d'affaires. Il n'y pas de transaction dans l'air, il s'agit juste de faire connaissance et de prendre le pouls du marché.

Mais, note l'avocat, faire du réseautage ne suffit pas, encore faut-il rencontrer les bonnes personnes, celles qui prennent les décisions. Car, dit-il, dans cette région du monde -particularité culturelle beaucoup plus prononcée qu'en Occident- ce qui compte c'est d'être référé par la bonne personne. Et à ce chapitre, John Leopold s'est assuré de ne pas faire le voyage pour rien...