L'héritage d'Alain Bellemare, le président sortant de Pratt&Whitney Canada (P&WC), commencera à prendre forme au cours des prochains mois à Mirabel. D'abord, un centre d'essais en vol. Puis une usine d'assemblage de moteurs.

L'héritage d'Alain Bellemare, le président sortant de Pratt&Whitney Canada (P&WC), commencera à prendre forme au cours des prochains mois à Mirabel. D'abord, un centre d'essais en vol. Puis une usine d'assemblage de moteurs.

«Quand je vais conduire sur la 15 pour monter dans le Nord, j'ai vraiment hâte de passer devant nos opérations à Mirabel, s'exclame M. Bellemare. Elles vont être là pour des années à venir. C'est un projet structurant, ça va entraîner la création de centaines d'emplois directs et indirects.»

Une rare bonne nouvelle

Avec le lancement de la CSeries de Bombardier, la création du nouveau Centre aérospatial de P&WC à Mirabel constitue une des rares bonnes nouvelles économiques de l'année 2008.

C'est notamment pour cette raison que La Presse Affaires a choisi M. Bellemare comme PDG de l'année. Mais c'est aussi pour souligner le bilan du grand patron de P&WC, qui quitte son poste le premier janvier prochain pour devenir le président et chef de la direction d'Hamilton Sundstrand, une filiale d'United Technologies Corporation (UTC).

M. Bellemare demeure dans la même famille: Pratt & Whitney, la société mère de P&WC, est également une filiale d'UTC, une multinationale au Connecticut.

En fait, le départ d'Alain Bellemare s'est fait de façon progressive: il y a un peu moins de deux ans, il a été nommé vice-président de la stratégie et du développement de Pratt & Whitney, un rôle qu'il a assumé en même temps que la présidence de P&WC. Ce double rôle lui a permis d'être au coeur de la décision de créer le Centre aérospatial de Mirabel.

Ce centre assemblera le premier rejeton d'une toute nouvelle famille de moteurs de P&WC, le PW810C, qui équipera le plus gros biréacteur d'affaires de Cessna, le Citation Columbus. On y assemblera également le moteur de la CSeries, la nouvelle famille d'appareils de 110 à 130 places de Bombardier. Or, il ne s'agit pas d'un moteur de la canadienne P&WC, mais de la très américaine Pratt & Whitney, qui se réserve les plus gros moteurs.

«Aux États-Unis, ce n'était pas facile de faire accepter que l'assemblage du moteur de la CSeries se fasse au Canada, même s'il y avait une logique très forte en ce sens, indique M. Bellemare. Il fallait que le projet se tienne debout.»

En entrevue téléphonique, le président sortant de P&WC explique que tout a commencé par la décision de regrouper à Mirabel tous les essais en vol de P&WC et de Pratt & Whitney, effectués jusqu'alors à Saint-Hubert et à Plattsburgh.

Plattsburgh était proche

«C'est venu très proche d'être consolidé à Plattsburgh», révèle-t-il.

L'entreprise a longtemps considéré Saint-Hubert, mais les pistes de l'aéroport étaient trop courtes pour accueillir les deux appareils Boeing 747 de Pratt & Whitney. C'est finalement Mirabel qui a remporté la partie.

«Ce n'était pas un projet des plus imposants, mais il était très stratégique, affirme M. Bellemare. On parle d'une centaine d'emplois hautement qualifiés. Et c'est devenu la plaque tournante de notre super projet à Mirabel.»

P&WC cherchait un endroit où assembler son tout nouveau PW810C, le moteur le plus puissant de son histoire. L'entreprise a considéré Longueuil et Mississauga, mais elle a finalement opté pour Mirabel, ce qui permettait de s'établir tout à côté du centre d'essais en vol.

«Nous nous sommes alors demandé si nous pouvions faire de Mirabel un plus gros projet et y faire l'assemblage du moteur de la CSeries», indique M. Bellemare.

Il note que sa position était délicate à l'interne en raison de son double rôle chez P&WC et Pratt & Whitney.

«Comme j'avais un rôle très senior à Pratt & Whitney, je ne pouvais pas être biaisé en faveur de P&WC, explique-t-il. Le projet devait être suffisamment solide pour que les gens responsables du moteur de la CSeries le voient aussi. Mon rôle a été de mettre en évidence les avantages du projet à Mirabel.»

La direction de P&WC a également approché le gouvernement du Québec, qui a offert une aide financière de 141,9 millions. Le projet, qui devrait permettre la création de près de 300 emplois à Mirabel, a finalement été annoncé en octobre dernier.

Sa grande fierté

M. Bellemare affirme toutefois que sa plus grande fierté, après plus de six ans à la tête de P&WC, c'est d'avoir monté une équipe de direction qui saura «amener l'entreprise à son prochain niveau». Il s'est également montré fier de la performance de P&WC au cours des années, notamment au niveau de la productivité et de la croissance. L'entreprise a augmenté sa présence manufacturière dans le monde, notamment en Chine, en Pologne, en Russie et en Inde, ce qui lui a permis d'améliorer sa compétitivité.

«Avec tout ça, nous avons pu maintenir et même augmenter notre présence au Canada, insiste-t-il. La plus belle preuve, c'est Mirabel.»

M. Bellemare réside maintenant dans la région de Hartford avec son épouse Katéri et leurs deux enfants, mais il sera souvent de retour au Québec. L'entreprise qu'il s'apprête à présider, Hamilton Sundstrand, spécialisée dans les systèmes pour l'aérospatiale, a comme clients Bombardier et P&WC.

UN RÈGNE PRODUCTIFPendant le règne d'Alain Bellemare, entre juin 2002 et décembre 2008, P&WC a:

> Doublé son chiffre d'affaires

> Triplé le nombre de moteurs produits par année

> Fait certifier plus de 60 moteurs

> Lancé trois nouvelles familles de moteurs

> Investi trois milliards de dollars en R&D

> Ajouté 800 emplois au Québec

> Annoncé la création du Centre aérospatial de Mirabel