«Si le gouvernement américain commet l'erreur de ne pas apporter un soutien financier aux constructeurs automobiles, le taux de chômage va exploser!» déclare sans hésitation Jeffrey Sachs, lors d'une entrevue accordée chez lui, à Manhattan.

«Si le gouvernement américain commet l'erreur de ne pas apporter un soutien financier aux constructeurs automobiles, le taux de chômage va exploser!» déclare sans hésitation Jeffrey Sachs, lors d'une entrevue accordée chez lui, à Manhattan.

Souvent classé parmi les personnalités les plus influentes, Sachs s'est forgé une solide réputation de spécialiste en redressement économique. Conseiller spécial auprès du secrétaire général des Nations Unies, professeur en développement durable à l'Université Columbia, et aussi gourou des stars -Bono et Angelina Jolie le consultent régulièrement au sujet de l'Afrique- Jeffrey Sachs est un intellectuel atypique.

C'est en 1985 que Sachs passe de la théorie à la pratique. Réputé pour être un visionnaire, le diplômé d'Harvard réussit à tirer la Bolivie et la Pologne de la crise économique en proposant une thérapie de choc, en imposant un programme de stabilisation économique et une rigueur budgétaire les sauvant de l'hyperinflation.

Déjà consulté par l'équipe de transition de Barack Obama, Jeffrey Sachs prône une aide financière immédiate pour l'industrie automobile. «Politiquement, cette décision est controversée, mais j'espère que ça passera parce que si on laisse General Motors [[|ticker sym='GM'|]] tomber en faillite, on ne peut prédire les répercussions. En novembre dernier, les chiffres d'affaires des constructeurs automobiles ont été catastrophiques: une chute de 40% des ventes comparativement à l'an dernier. La chute a été de 30% chez Ford. Si l'administration Bush laisse l'industrie automobile s'effondrer, elle ajoutera une seconde panique à la récession.

«Washington devrait saisir l'occasion de cette ère nouvelle, où la technologie permettra de se lancer dans une restructuration industrielle qui positionnera les États-Unis en tête de peloton dans la production de voitures capables de parcourir 100 miles au gallon. Nous devons passer de nos moteurs combustibles actuels aux véhicules hybrides essence-électricité ou aux véhicules alimentés par les cellules à combustibles à hydrogène. Ces transformations technologiques sont à la fois un moyen important de développer l'économie et d'assurer la viabilité globale de l'environnement», soutient-il.

Les clés de la reprise

Jeffrey Sachs ne mâche pas ses mots. Il décrit l'administration Bush comme étant «une des pires administrations dans l'histoire de l'Amérique».

«En politique étrangère, elle nous a embarqués dans une guerre ruineuse en Irak, et en politique économique, elle a été l'instigatrice de mesures qui ont provoqué la pire crise des temps modernes», dit-il.

Selon lui, les financiers auraient aussi manqué à des principes de prudence. «Alan Greenspan misait trop sur le libre-échange et ne comprenait pas que le marché livré à lui-même pouvait créer un énorme boom, suivi d'un énorme krach. Il prétendait que le marché réglerait ses propres problèmes. Ce n'est que maintenant qu'il reconnaît que sa logique était défectueuse.»

«Pour assurer la reprise globale, ajoute-t-il, Obama devra travailler en étroite collaboration avec la Chine pour définir une politique macroéconomique et éviter tout conflit commercial afin d'assurer la reprise globale. Aussi, les États-Unis et la Chine devraient se mettre d'accord pour freiner les changements climatiques, afin d'orienter les industries mondiales vers une croissance durable. Obama devrait continuer à percevoir la transformation structurelle -en énergie, transport, climat, santé- comme étant les clés de la reprise.» déclare t-il.

Pour une Amérique audacieuse

L'économiste suggère également de réintroduire la taxe Tobin. «Je suis pour une augmentation de la taxe pour les riches, soulevée par Obama lors de sa campagne. Réintroduire la taxe Tobin sur les transactions financières permettrait de prévenir les crises internationales et apporterait une aide plus soutenue aux pays en voie de développement.»

Aussi dévastatrice soit-elle, cette crise devrait permettre à l'administration Obama de faire prendre un virage nécessaire à l'économie américaine. «On parle beaucoup d'une reprise verte -c'est-à-dire, des investissements gouvernementaux dans l'énergie propre et dans les économies d'énergie incluant le transport en commun, dans le développement de sources d'énergie renouvelable. C'est un concept superbe, et ce qui me rend fou, c'est qu'il n'est pas encore assez exploité!»