Vincent Lacroix écope d'une sentence de 12 ans moins un jour de prison, ses explications pour justifier l'ampleur du scandale Norbourg n'ayant pas été crues par le juge Claude Leblond.

Vincent Lacroix écope d'une sentence de 12 ans moins un jour de prison, ses explications pour justifier l'ampleur du scandale Norbourg n'ayant pas été crues par le juge Claude Leblond.

Le magistrat de la Cour du Québec a livré une sentence coup de tonnerre de 23 pages (Les passages-clés de la décision) au palais de justice de Montréal lundi après-midi.

Il a imposé:

- 5 ans moins un jour pour les 27 premiers chefs d'accusation, qui visaient les 115 M$ de retraits irréguliers faits de 2000 à 2005 chez Norbourg;

- 42 mois pour les chefs 28 à 37;

- 42 mois pour les chefs 38 à 51 (excluant le chef 42).

Ces deux blocs portaient sur les faux documents fournis tant à l'Autorité des marchés financiers qu'au public.

- 255 000 $ d'amendes plus les frais, car chaque chef d'accusation doit engendrer au moins 5000 $ d'amende.

Eric Downs, procureur de l'AMF, avait réclamé jusqu'à 15 ans d'emprisonnement, incluant une consécutivité des peines de cinq ans moins un jour, lors des plaidoiries sur sentence.

Faire un exemple

Constatant l'ampleur des sommes détournées et les dommages causés par les infractions dans l'univers financier, le juge n'a cru aucun des arguments de Vincent Lacroix.

Le PDG déchu, qui a été escorté vers la prison immédiatement après le prononcé du jugement - et quelques applaudissements subséquents dans la salle d'audiences - avait tenté de démontrer qu'il voulait rembourser les investisseurs.

Or, Claude Leblond a plutôt souligné sur un ton des plus convaincus que le manque d'antécédents judiciaires du fondateur de Norbourg et ses déclarations ne changeaient rien à la gravité de la cause qui se trouvait entre ses mains.

Aussi, le fait que des accusations étaient déposées au pénal et non au criminel n'a pas influencé sa décision.

Au contraire, il accorde une sentence exemplaire afin de permettre à l'Autorité des marchés financiers de protéger efficacement le public contre les scandales.

«La dénonciation et la dissuasion sont les principaux facteurs dans un dossier comme celui-ci, a énoncé Claude Leblond. Cette dissuasion ne doit pas seulement viser le défendeur mais aussi tous les professionnels du marché des valeurs mobilières à l'égard desquels les investisseurs sont en situation de confiance.»

Il estime au passage que l'affaire Norbourg est un des cas les plus graves imaginables pour les infractions effectuées par un col blanc en raison de leur durée, de leur répétition et de la connaissance de Vincent Lacroix de ce qu'il faisait.

Ce faisant, il adhère aux plaidoiries faites par Eric Downs, procureur de l'AMF, et fait un exemple de Vincent Lacroix.

«[La dissuasion] doit aussi viser tous ceux qui ont à fournir à l'AMF ou l'un de ses agents des documents ou des renseignements, poursuit le juge. Elle doit finalement viser tous ceux qui ont des documents à transmettre à l'Autorité en vertu de la loi. Le public est en droit de s'attendre à la plus grande rigueur possible de la part de ces professionnels dans les devoirs et obligations que la Loi sur les valeurs mobilières leur impose.»

Avec cette sentence, le magistrat ne se gêne pas pour lancer un message clair: il faut dorénavant marcher droit.

«Ce n'est qu'en mettant l'éthique au premier plan que ceux-ci auront la confiance du public investisseur, exprime le juge. C'est dans ce sens qu'il y a une urgence à démontrer la réprobation sociale des comportements adoptés» par Vincent Lacroix.

En livrant une sentence sévère, Claude Leblond rejette aussi une requête de M. Lacroix, qui cherchait à faire dérailler le procès en qualifiant certains articles de la Loi sur les valeurs mobilières d'inconstitutionnels.

L'AMF satisfaite

«Nous sommes très satisfaits, a déclaré Eric Downs, procureur de l'AMF au palais de justice. Le juge a de nouveau rendu une décision motivée et fouillée. Le juge a exercé sa discrétion avec sagesse et retenu nos arguments.»

«Le message envoyé par la cour est clair et sans équivoque, ajoute l'avocat. Vincent Lacroix méritait une peine exemplaire reflétant la gravité des infractions et des conséquences qu'elles ont occasionné.»

Ce juriste croit avoir fait un gain juridique important avec le dossier. «Nous sommes particulièrement satisfaits d'avoir obtenu un cumul des peines d'emprisonnement. La consécutivité était un élément important de nos représentations.»