Depuis l'éclatement de la crise du crédit l'été dernier, les épargnants ont laissé beaucoup d'argent dormir dans leur compte.

Depuis l'éclatement de la crise du crédit l'été dernier, les épargnants ont laissé beaucoup d'argent dormir dans leur compte.

Le regain de popularité des fonds de marchés monétaires en témoigne. Ces portefeuilles d'obligations à court terme ne rapportent presque rien, mais les investisseurs peuvent y stationner leur liquidité en toute sécurité. En un an, leurs actifs ont bondi de 40%, pour atteindre 67 milliards à la fin d'avril, selon l'Institut des fonds d'investissement du Canada (IFIC).

Ce réflexe défensif aura été payant à court terme, permettant aux épargnants d'esquiver la correction boursière. Mais par la suite, les investisseurs font souvent la même erreur: «Les gens restent liquides trop longtemps. Ils ne sont pas capables de voir le point de retournement», constate François Landry, chef des placements au Groupe Fonds des professionnels.

Mais en ce moment, les investisseurs qui veulent remettre leurs dollars au boulot sont un peu déboussolés.

D'un côté, les obligations ne rapportent pas grand-chose. Et une éventuelle hausse des taux d'intérêt leur ferait perdre de la valeur.

De l'autre côté, la Bourse canadienne donne des frissons. Composée à plus 50% de ressources naturelles, l'indice de la Bourse de Toronto carbure au pétrole et devient un pari de plus en plus risqué. Que faire alors?

1. Rester couché!

Que faire avec les dollars qui dorment dans nos tiroirs? Patienter encore un peu, répond Vital Proulx, président de la firme de gestion Hexavest.

À l'investisseur qui se lève le matin avec l'envie de réinvestir, il suggère: «Quand ça te tente trop, tu te recouches un peu et puis ça passe.» Une blague pour dire qu'il n'y a pas d'urgence à réinvestir pour l'instant.

2. Un faible pour les actions américaines

Pour sa part, François Lagarde, stratège en chef chez Placements Montrusco Bolton, a un petit faible pour la Bourse américaine. À première vue, les États-Unis, au bord de la récession, ne semblent pas le meilleur endroit pour investir. Mais il faut voir plus loin

D'abord, la Réserve fédérale américaine a baissé les taux d'intérêt, insufflant de l'oxygène dans l'économie.

Ensuite, la faiblesse du dollar américain redonne un avantage concurrentiel aux multinationales qui exportent à l'étranger. C'est sans compter que la hausse du coût du pétrole gonfle les coûts de transport des marchandises. Cela fait en sorte que certaines entreprises commencent à rapatrier, en sol américain, des activités qui avaient été délocalisées en Asie.

M. Lagarde signale que les 500 plus grandes entreprises américaines tirent presque la moitié de leurs revenus de l'international. Acheter l'indice S&P500, c'est un peu comme acheter le monde. Cet un bel outil de diversification à l'international.

M. Landry renchérit. Lui aussi recommande les plus grandes sociétés américaines, idéalement celle de l'indice S&P100. Il rappelle que les grandes sociétés, dotées d'une cote de crédit en béton, auront plus de facilité à se financer en cette période de crise de crédit et de coûts d'emprunt élevés.

Selon lui, la devise pourrait être favorable, contrairement aux années passées. «La devise américaine est probablement à son creux», dit-il. Si elle s'apprécie, les investisseurs canadiens gagneront au change.

3. Surveillez bien les banques américaines

Déjà très amochées, les actions des banques pourraient recevoir le coup de grâce bientôt. Une baisse de leur titre de 10 à 15% serait une occasion d'achat intéressante, considère M. Proulx.

Les actions des banques américaines sont retombées au même niveau qu'en 1997. «Ça veut dire que depuis 10 ans, les seuls qui se sont enrichis avec les banques, ce sont les dirigeants», déplore Vital Proulx.

Mais aujourd'hui, le pire de la crise du crédit semble passé. Environ la moitié des radiations d'actifs en relation avec les hypothèques à risque ont déjà été annoncées. Et les investisseurs ont une bonne idée de ce qui reste à venir, si bien que les titres reflètent les prochaines vagues de radiation.

«C'est vrai qu'on commence à voir lumière au bout du tunnel. Mais c'est la lumière du train qui approche», prévient M. Proulx. Ceux qui se lancent tout de suite risquent de se faire écraser.

Mais il faut être prêt à sauter, cet été peut-être, lorsque les marchés auront atteint le point de capitulation. Cela ce produira lorsque les investisseurs mesureront les torts causés par le ralentissement économique aux États-Unis. Les défauts de paiement ne se limiteront plus qu'aux hypothèques à risque, mais toucheront aussi les hypothèques conventionnelles, les prêts auto, les cartes de crédit

4. Et les banques canadiennes

De leur côté, les financières canadiennes pourraient bénéficier d'un phénomène de rotation d'actif, estime M. Landry. Si le vent tourne pour le secteur de l'énergie, les gestionnaires de portefeuille sortiront leurs billes et les réinvestiront dans le secteur financier. Et en attendant, le rendement du dividende des banques est extrêmement alléchant.

5. Sur la défensive

Pierre Lapointe, stratège adjoint à la Financière Banque Nationale, reste sur ses gardes: «Pour nous, le marché n'a pas encore intégré la récession aux États-Unis.»

Il favorise donc les grandes sociétés pharmaceutiques américaines, placement défensif par excellence. «C'est un secteur anticyclique qui ne souffrira pas trop du ralentissement économique, car les gens ont toujours besoin de médicaments. C'est un secteur qui est aussi moins vulnérable à l'inflation», dit-il.

6. Après le cauchemar de l'Halloween

Même si le véhicule de placement est appelé à disparaître, les fiducies de revenus demeurent un placement intéressant, dit M. Lagarde.

Plusieurs ont perdu des plumes lorsque le ministre Flaherty a annoncé la fin de l'avantage fiscal dont elles bénéficient, par un beau soir d'Halloween. Les fiducies sont en sursis jusqu'en 2011. Ensuite, elles redeviendront des entreprises comme les autres. Mais certaines seront achetées ou privatisées d'ici là. Les détenteurs d'unités pourraient donc recevoir une prime. Et en attendant, elles bénéficient de distribution de revenus de 8,5% en moyenne.

Les fiducies immobilières, elles, ont été épargnées par le ministre des Finances. Leur distribution est légèrement inférieure (7%). Par contre, les titres ont été fortement affectés par la crise immobilière américaine, même si la situation au Canada est totalement différente. Cette faiblesse constitue donc un point d'entrée intéressant.

7. L'assurance contre l'inflation

Depuis deux semaines, les craintes d'inflation font beaucoup jaser. Les obligations à rendement réel constituent une police d'assurance, signale François Bourdon, vice-président répartition de l'actif et revenu fixe chez Fiera Capital.

Il s'agit de titres à revenus fixes émis par les gouvernements. À l'échéance, les détenteurs retrouvent leur capital initial, mais en plus ils ont droit à une somme qui correspond au taux d'inflation moyen durant la période de détention.

Prenons une obligation à rendement réel qui vient à échéance en 2021 et dont le taux d'intérêt s'établit à 4,25%. L'obligation vaut présentement 132,26$, ce qui implique un taux de rendement de 1,5%. Une obligation comparable (sans protection contre l'inflation) offre un rendement d'environ 4%. L'écart indique que les marchés prévoient une inflation à 2,5% d'ici 2021. Si l'inflation grimpe plus haut, l'obligation à rendement réel prendra de la valeur.

Mais ne vous attendez pas à des miracles. Les obligations à rendement réel ne sont pas des placements audacieux. Elles pourraient livrer des rendements de 4% sur cinq ans, guère plus que des obligations normales. Mais les risques de déceptions sont plus limités, indique M. Bourdon.

Avis aux intéressés, le marché canadien des obligations à rendement est plus restreint et moins liquide. Mieux vaut se tourner vers l'international. Justement, les pays émergents ont plus de fil à retordre avec l'inflation.

8. Ah la vache!

Parlant d'inflation En faisant l'épicerie, les consommateurs remarquent la hausse des prix des denrées alimentaires comme le blé, le maïs ou le soya. L'indice des denrées alimentaires est à un sommet, mais celui du bétail n'a pas suivi, note M. Bourdon.

Deux composantes sont essentielles pour élever du bétail: des céréales pour nourrir les animaux et du pétrole pour les transporter.

Comme le prix de ces deux composantes est en ascension, il est plus coûteux d'élever du bétail.

Les producteurs se font saigner. Mais tôt au tard, l'offre diminuera ce qui relèvera le prix du bétail.

Un investissement dans l'agriculture est une bonne façon d'investir à l'extérieur des sentiers battus, estime M. Bourdon. «C'est un bel élément de diversification dans un contexte de morosité économique», dit-il

9. Carburer à la volatilité

Présentement, les marchés sont coincés entre la récession et l'inflation. "C'est une guerre entre deux mondes: celui des pays développés qui ont peu de croissance économique et celui des pays émergents qui ont trop d'inflation", dit M. Bourdon.

Pour la Bourse et les obligations, cela signifie peu de rendement et beaucoup de volatilité. Alors pourquoi ne pas aller du côté des fonds alternatifs (hedge funds) qui se nourrissent de volatilité? «Dans cet environnement, les gestionnaires talentueux réussissent à générer plus de rendement», dit M. Bourdon. Ils pourraient obtenir des rendements qui excèdent de 4 à 5% celui des bons du Trésor.

Des placements à prendre avec des pincettes

Au cours des 12 prochains mois, quel est le dernier endroit où rajouter des sous? La réponse des experts.

> Les pays émergents, plus précisément les fameux BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) répond Vital Proulx.

> Le pétrole, estime Pierre Lapointe. À court terme, les spéculateurs pourraient pousser le prix du pétrole à 150$US. Mais à moyen terme, c'est insoutenable. La demande va fondre. Déjà, les Américains délaissent les gros véhicules gourmands et font le plein moins souvent. Les pays émergents, comme l'Inde, la Malaisie ou l'Indonésie, arrêtent de subventionner l'essence à la pompe, des programmes devenus trop coûteux. Du jour au lendemain, les consommateurs paient 40% de plus pour remplir leur auto. Un choc! D'ici 18 à 24 mois, le baril redescendra à 80$US.

> Les sociétés productrices de pétrole et tous les marchés boursiers qui sont très concentrés dans ce secteur, le Canada bien sûr, mais aussi certains pays émergents comme la Russie, indique François Landry.

> Les obligations en général, répond François Lagarde. Elles ont très peu de possibilité de plus-value : les taux sont historiquement bas, les banques centrales ont probablement terminé leur assouplissement monétaire (quand les taux baissent, la valeur des obligations grimpe et vice versa), et les risques d'inflation sont plus grands qu'ils ne l'ont jamais été depuis 10 ans (ce qui pourrait ramener des hausses de taux d'intérêt).