La pénurie mondiale de houblon atteint le Québec. À tel point que certaines microbrasseries pourraient être incapables de fabriquer leur bière cet hiver.

La pénurie mondiale de houblon atteint le Québec. À tel point que certaines microbrasseries pourraient être incapables de fabriquer leur bière cet hiver.

Les prochains mois seront particulièrement difficiles pour les petites entreprises qui n'ont pas signé de contrat d'approvisionnement et qui ne disposent pas de réserves. Car il n'y a plus de houblon à vendre, et ce à l'échelle de la planète.

«La fin de l'année va être critique. Il n'y a plus rien sur le spot market», indique Frédéric Tremblay, président de la MicroBrasserie Charlevoix. Lui-même a vu venir le coup et fait des provisions en prévision de l'hiver, par le biais d'une coopérative formée avec les microbrasseries Du Lièvre, Schoune et La Barberie.

Mais le jeune entrepreneur sait que, déjà, des concurrents sont à court de matière première, ce qui pourrait entraîner un arrêt de la production ou du moins la mise au rancart de certaines bières à forte amertume.

Bruno Blais, directeur général de La Barberie, brasserie artisanale située dans la basse-ville de Québec, n'a pas l'intention de sacrifier des produits. Mais il doit apprendre à travailler avec de nouvelles variétés de houblon, les anciennes n'étant plus disponibles.

Au cours des prochaines semaines, dit-il, il faudra ajuster les recettes et faire des tests «pour s'assurer que le goût ne change pas».

Le houblon est un ingrédient essentiel au brassage de la bière, au même titre que le malt, même si les quantités entrant dans sa fabrication sont moindres. C'est lui qui donne saveur et amertume au champagne des pauvres.

Les brasseries québécoises s'approvisionnent surtout en Europe, mais il se produit aussi du houblon en Europe et dans le Pacifique Sud, plus précisément en Australie et en Nouvelle-Zélande.

La pénurie actuelle est due à une récolte 2007 décevante. Ce n'est pas tant la quantité que la concentration du produit qui pose problème. Il faut donc plus de houblon pour arriver à la même amertume.

Cela alors que les bières «bitter» sont de plus en plus populaires et que deux entrepôts ont brûlé l'an dernier aux États-Unis, réduisant en fumée la marge de manoeuvre des brasseurs.

Si les gros joueurs sont peu affectés par la situation mondiale, c'est qu'ils signent toujours des contrats d'approvisionnement à long terme qui leur garantissent d'être servis avant les petits.

«Tant pour l'orge que pour le houblon, on s'assure avec les fermiers d'avoir les bonnes quantités et qu'ils fassent pousser les variétés dont on a besoin», explique Marie-Hélène Lagacé, chef des relations publiques pour Molson.

Normalement, les stocks mondiaux de houblon devraient être réévalués au début de l'année 2008. Les entreprises qui ont accumulé des surplus en cours d'année devraient les retourner sur le marché.

À moins qu'elles ne préfèrent les garder, de peur que la pénurie persiste. Auquel cas le marché sera complètement déséquilibré.

En attendant, les brasseurs québécois n'anticipent pas une hausse importante du prix de la bière pour cause de pénurie de houblon.

Bien que le prix ait facilement triplé ces dernières années, passant de 1,50 à environ 5 $ la livre, les quantités en jeu sont minimes.

Entre 150 et 450 grammes sont généralement requis pour aromatiser 100 litres de bière. Cela représente à peine quelques sous par bouteille.

En parallèle, toutefois, le prix de l'orge, qui sert à la fabrication du malt, a aussi monté en flèche. C'est encore une fois à cause de l'engouement pour les biocarburants.

Les agriculteurs ont planté davantage de maïs cette année, délaissant d'autres cultures. Les cours d'à peu près toutes les céréales sont en hausse.

Il n'est donc pas impossible que la bière connaisse finalement une hausse de prix. Si c'est le cas, elle sera graduelle, prédit Frédéric Tremblay. La porte-parole de Molson abonde dans le même sens: «On n'a pas l'habitude de faire absorber le coût de nos matières premières à nos clients.»

En France, en Allemagne et même aux États-Unis, les brasseurs ont annoncé une hausse de 10 à 15 % du prix de la bière.