La Chambre des représentants a finalement donné son accord au plan de sauvetage des banques américaines. Mais maintenant, que va-t-il se passer?

La Chambre des représentants a finalement donné son accord au plan de sauvetage des banques américaines. Mais maintenant, que va-t-il se passer?

Grand soupir de soulagement, hier, chez les économistes et les financiers. Le même message se dégage, toutefois: le plan Paulson ne sera pas suffisant, à lui seul, pour sortir le système financier du bourbier.

Essentiellement, les économistes espèrent une mise en oeuvre efficace du plan, mais ils souhaitent également une baisse généralisée des taux d'intérêt et une injection de fonds externes dans les banques.

«Il y a encore de l'incertitude et il faudra un certain temps avant de relancer le tout. Les institutions verront quand elles cesseront d'être sur la ligne de touche au fur et à mesure de la mise en oeuvre du plan», dit Daniel Racette, directeur de l'Institut d'économie appliquée de HEC Montréal.

Le professeur spécialisé dans les marchés monétaires fait pleinement confiance à Henry Paulson, secrétaire américain au Trésor. «C'est un ancien de la banque d'affaires Goldman Sachs, il a une grande connaissance des marchés. Quant à Ben Bernanke (président de la Réserve fédérale), c'est un fin connaisseur de la Grande Dépression, qui connaît les écueils à éviter», dit-il.

Warren Buffett

Soulagé, le gestionnaire de portefeuille Vital Proulx, de Hexavest, croit qu'il reste beaucoup à faire. Certes, les 700 milliards du plan Paulson serviront à racheter les actifs contaminés, comme les hypothèques à haut risque (subprimes). Néanmoins, les banques devront en plus recevoir une injection de capital de l'extérieur, dans des transactions «à la Buffett».

Rappelons que le célèbre milliardaire américain a injecté 3 milliards de dollars dans GE Electric, cette semaine, en échange d'actions privilégiées, notamment. La semaine précédente, son holding Berkshire Hathaway avait conduit une opération semblable avec la banque d'affaires Goldman Sachs dans une injection de 5 milliards de dollars.

Outre l'engagement d'investisseurs privés et institutionnels, Vital Proulx pense à la venue de fonds souverains, comme les fonds de pays pétroliers. Les fonds souverains sont des fonds détenus par des États. «Il y a de l'argent disponible, mais personne ne veut prendre le risque de perdre 15 à 20%», dit-il.

L'hésitation des fonds externes pourrait s'expliquer par l'imminence d'une récession officielle. Le plan Paulson effacera les mauvais prêts des banques, mais tôt ou tard apparaîtront d'autres mauvais prêts (autos, cartes de crédit, entreprises) traditionnellement associés à une récession. «Je ne suis pas mal à l'aise à détenir des titres bancaires pour deux à trois mois. Mais à long terme, c'est une autre question», dit M. Proulx.

Taux d'intérêt

Le gestionnaire croit qu'il y aura une action concertée des banques centrales dans le monde pour baisser les taux d'intérêt. Il espère également une injection de nouveaux capitaux d'ici de deux à trois semaines.

Jacques Bourgeois, professeur honoraire en finance de HEC Montréal, milite également pour une baisse de taux partout dans le monde. «Le consommateur américain est surendetté. En baissant les taux, les gens auront moins d'intérêts à payer», dit-il.

Le stratège Vincent Delisle, de Scotia Capital, voit l'adoption du plan comme une bonne nouvelle, qui permet à l'économie de mieux respirer. «Mais ça ne change pas le fait que les pays du G7 connaîtront leur pire année économique depuis 10 ans», dit-il.

Du point de vue boursier, M. Delisle voit dans la crise actuelle une répétition du krach des titres technologiques du printemps 2000. «Dans les coulisses de la crise, il se passe des choses. On revoit le même film qu'il y a huit ans avec Nortel. La baisse a frappé le secteur des produits de base (commodities) comme il touchait la technologie à l'époque», dit-il.

Le stratège demeure perplexe par rapport à la légère baisse des marchés hier. Il rappelle que le marché boursier est précurseur des événements et repart à la hausse bien avant le début d'une reprise économique. «C'est le temps de regarder les beaux morceaux à acheter», croit-il.

Il donne l'exemple de certains titres qui ont grimpé, contre toute attente. Ainsi, l'action de la Bank of America, qui s'échangeait à 18$ en juillet, trouve preneur à 35$ aujourd'hui. Même chose pour l'entreprise JP Morgan Chase, dont le titre est passé de 29$ à 47$ depuis trois mois.

Yvan Allaire, président du conseil de l'Institut sur la gouvernance, croit que la récession affectera le capital des banques. «Le plan Paulson peut freiner le mouvement. Il est comme une digue. Mais cette digue va-t-elle résister au tsunami qui s'en vient, je n'en suis pas sûr», dit-il.