Au début des années 2000, les investisseurs n'en avaient que pour l'économie du savoir. Éclipsé par la technologie, l'or avait perdu tout son éclat... si ce n'est qu'au creux d'une boîte à bijoux.

Au début des années 2000, les investisseurs n'en avaient que pour l'économie du savoir. Éclipsé par la technologie, l'or avait perdu tout son éclat... si ce n'est qu'au creux d'une boîte à bijoux.

Qui aurait dit que son prix triplerait en six ans? Pourtant, l'once d'or, qui végétait sous les 300 $ US en 2001, a dépassé les 840 $ US il y a quelques jours... De quoi donner envie de fondre ses vieux bijoux de famille!

«Ce serait stupide!» lance en riant Denis Durand, associé principal chez Jarislowsky Fraser.

«La valeur des bijoux dépend non seulement de l'or, mais aussi de l'art. On détruirait la moitié de la valeur», explique-t-il.

Et de toute façon, rien ne presse. L'or peut encore monter jusqu'à 1000 $US, selon lui. Un avis que partage Yanick Desnoyers, économiste principal à la Financière Banque Nationale.

Malgré son rebond, l'or n'est pas grossièrement surévalué, souligne l'économiste. En apparence, le prix de l'or est tout près de son sommet historique, enregistré lors de la crise pétrolière.

Mais il demeure très loin de ce sommet lorsqu'on tient compte de l'inflation. En fait, il faudrait que l'or atteigne plus de 1800 $US aujourd'hui pour dépasser son sommet historique en termes réels.

Et même si le prix de l'or a triplé, ce n'est rien par rapport à la progression du prix du pétrole et des autres métaux. En fait, le prix de l'or n'a jamais été si faible, par rapport aux autres matières premières. «L'or a du rattrapage à faire», pense M. Desnoyers.

Qu'est-ce qui a redonné du lustre à l'or? La dégringolade du dollar américain y est pour beaucoup. Comme le prix de l'or est libellé en dollars américains, dès que celui-ci perd de la valeur, le prix de l'or s'ajuste automatiquement à la hausse.

En quelque sorte, l'or est une police d'assurance contre la baisse du billet vert.

D'ailleurs, le dollar américain a commencé sa glissade en février 2002, presque au même moment où l'or a commencé à se ressaisir. Ce n'est pas un hasard.

Reste à voir comment se comportera la devise américaine dans l'avenir...

M. Desnoyers croit que le dollar américain se dépréciera encore plus. Selon lui, la croissance économique américaine sera plus faible que prévue en 2008 (1,5 %).

La Réserve fédérale (Fed) n'aura d'autre choix que d'abaisser les taux d'intérêt, encourageant les étrangers à investir ailleurs, à meilleurs taux.

À l'opposé, François Dupuis considère que la chute du dollar ne peut pas durer encore longtemps à ce rythme.

«Nous prévoyons une certaine stabilisation l'an prochain», dit le vice-président et économiste en chef des Études économiques Desjardins.

Notez que beaucoup de fonds spéculatifs (hedge funds) ont bâti des stratégies pour profiter de la baisse du dollar, en misant sur le prix de l'or. S'ils jugent que la glissade du dollar s'achève, et qu'ils démontent leurs stratégies ... l'or s'en ressentira.

«Mais la montée de l'or n'est pas juste une histoire de dollar américain», assure M. Desnoyers. L'or est aussi en hausse en yens, en livres et en euros, surtout depuis 2005.

La raison est simple. La demande est en forte croissance, alors que l'offre mondiale d'or stagne depuis 2002.

Pendant des années, les sociétés aurifères n'ont pas cru bon d'accroître leur production, à cause de la faiblesse du prix de l'or.

Sa récente poussée les encourage à prospecter. Mais les résultats ne sont pas immédiats.

«On peut facilement patienter cinq ans entre le moment où une compagnie décide de débloquer des budgets d'exploration et celui où elle entre en phase de production», explique M. Desnoyers.

D'ici là, la demande restera vigoureuse. Il faut savoir que 85 % de l'or sert à la fabrication de bijoux. Et la moitié de la demande dépend des pays émergents: la Chine, mais surtout l'Inde.

«Chez eux, l'or, c'est culturel», dit M. Desnoyers.

Le Fonds monétaire international (FMI) s'attend à ce que les économies des deux pays les plus populeux de la terre, continuent d'avancer à pas de géant (8,4 à 11,5 % par an, pour 2007 et 2008).

Bon signe pour l'or... Mais attention: il faudra voir comment les consommateurs réagiront à un prix supérieur à 800 $US, souligne M. Dupuis. «La dernière poussée de l'or, en 2006, avait fait chuter la demande de bijoux en Inde», rappelle-t-il.

Par ailleurs, l'or, qui a toujours été une valeur refuge, profite aussi de la crise du crédit et des craintes de l'inflation. «Les prix élevés des matières premières (pétrole, céréales, etc.) font craindre un retour en force de l'inflation», note M. Dupuis.

Dans la foulée de la crise immobilière aux États-Unis, les taux d'intérêt ont baissé. «La réserve fédérale a relâché la guerre à l'inflation. Dans quelques mois, on va payer pour ce laisser-faire», prévoit M. Durand.

Action en or

Pour acheter la matière première, il existe une solution encore plus simple: les fonds négociés en Bourse. Leur grande popularité auprès des investisseurs a d'ailleurs contribué à la hausse récente du prix de l'or.

Ces titres s'achètent et se vendent comme des actions. Leur valeur s'appuie sur une réserve d'or détenue dans une voûte. Les frais annuels sont minimes (0,4 % par an). Des exemples: les Streettracks Gold Shares (New York, GLD) et les iShares Comex Gold Trust (AMEX, IAU).www.ishares.com et www.streettracks goldshares.com

Sociétés aurifères

Plutôt que d'acheter de l'or pur, pourquoi ne pas jeter un coup d'oeil aux sociétés aurifères? Leurs titres n'ont pas grimpé autant que la matière première. En fait, les actions des producteurs d'or n'ont jamais été si abordables, par rapport au prix du lingot.

Les titres de Kinross Gold et de Goldcorp sont à surveiller de près, selon Denis Durand. Goldcorp est aussi sur le radar de la Financière Banque Nationale. Sa production n'est pas couverte, c'est-à-dire que le prix de vente de sa production future n'a pas été fixé à l'avance. L'entreprise profitera donc à 100 % de la hausse du prix de l'or.

Fonds communs

Mais avec la récente vague de fusions et d'acquisitions, les investisseurs ont moins de choix de grandes sociétés aurifères au Canada. Et les actions des petits producteurs et des sociétés d'exploration sont souvent très spéculatives.

Pour réduire les risques, on peut se tourner vers un fonds communs de placement qui investira à travers le monde. Les deux préférés de la firme d'évaluation Morning-star sont le Mac Universal catégorie mondial métaux précieux et le fonds RBC mondial métaux précieux. www.morningstar.ca

Pour avoir une bonne diversification et payer moins cher de frais de gestion, les investisseurs peuvent se tourner vers un fonds négocié en Bourse: le iShares CDN Gold Sector Index (Toronto XGD) renferme les plus importantes sociétés aurifères du monde, et perçoit des frais d'à peine 0,55 % par an. www.ishares.ca