Pas une seule fois la Bourse n'a subi de correction supérieure à 10%, depuis quatre ans et demi. Un record.

Pas une seule fois la Bourse n'a subi de correction supérieure à 10%, depuis quatre ans et demi. Un record.

Loin de décourager les pessimistes, cela les conforte dans l'idée que cette période bénie ne peut plus durer encore bien longtemps. Ces temps-ci, les vendeurs à découvert sont plus nombreux que jamais à miser sur la baisse des cours boursiers.

À New York, les titres vendus à découvert représentent 3,1% de l'ensemble de actions en circulation. Du jamais vu. Au Canada, les positions à découvert pèsent un peu moins: 2,1% des actions en circulation de l'indice S&P/TSX de la Bourse de Toronto.

Mais cette proportion est beaucoup plus élevée qu'au début du cycle haussier (1,5%), rapporte Pierre Lapointe, stratège adjoint à la Financière Banque Nationale.

La popularité grandissante des fonds de couverture (hedge funds) qui sont de grands utilisateurs de la vente à découvert, y est certainement pour quelque chose.

«Peut-être que la communauté de l'investissement devient de plus en plus sophistiquée et qu'elle a davantage recours à des tactiques de vente à découvert», avance M. Lapointe.

Ou peut-être que les vendeurs à découvert ont de très bonnes raisons de s'inquiéter en ce moment... ce qui serait de mauvais augure pour la Bourse. À moins que ce ne soit l'inverse!

«Un ratio élevé de vendeurs à découvert est plutôt un indicateur contraire», estime André Chabot, gestionnaire de portefeuille pour la firme montréalaise Triasima qui gère 300 millions d'actifs, dont quelque 15 millions dans deux fonds de couverture qui utilisent la vente à découvert.

En effet, les investisseurs «contrarian» diront que lorsque les vendeurs à découvert voient tout en noir, les titres sont victimes d'un excès de pessimisme, ils sont en quelque sorte survendus. Cela les placent donc en bonne position pour rebondir.

Bref, tout dépend des interprétations! Mais chose certaine, aux États-Unis, les vendeurs à découvert sont particulièrement actifs dans le secteur de la consommation discrétionnaire.

La déconfiture du marché immobilier leur fait prédire la baisse de titre comme KB Home, Lennar Corp et Centex Corp, trois constructeurs de maisons qui figurent sur la liste des 20 titres les plus vendus à découvert du S&P 500, l'indice des 500 plus grandes sociétés américaines.

Signe que l'essoufflement des consommateurs américains préoccupe les investisseurs, de nombreux détaillants comme RadioShack, Big Lots et Amazon.com, occupent aussi une place importante dans ce palmarès, tout comme des fabricants de produits de consommation à la Eastman Kodak, Ford Motor et Whirlpool Corp.

Les vendeurs à découvert entrevoient aussi la chute de plusieurs producteurs de matériaux de base, dont les prix ont explosé avec l'éveil de la Chine.

Étonnement, au Canada, les vendeurs à découvert se risquent peu à miser sur la baisse des titres de ressources naturelles qui pèsent pourtant très lourd à la Bourse.

Pour eux, il s'agit d'un terrain miné, à cause des fusions et acquisitions qui ont fait grimper les enchères pour plusieurs sociétés. La possibilité qu'une autre entreprise s'envole au gros prix, les tient à l'écart des ressources naturelles... sauf exception.

Le titre de Norbord en est une. Le fabricant de panneaux de bois, au deuxième rang des titres les plus vendus à découvert au Canada, est un candidat parfait.

D'abord, le secteur de la forêt est loin d'être facile. Mais surtout, le dividende de Norbord est fragile, dit M. Chabot.

L'entreprise verse un dividende élevé (4,6% du cours de l'action), alors que ses fonds autogénérés sont faibles. Ainsi, le paiement des dividendes représente 183% de ses bénéfices, ce qui est insoutenable à long terme.

Si Norbord sabre ses versements de dividende, les investisseurs largueront son titre d'un coup sec... exactement le genre de situation qui fait le bonheur des vendeurs à découvert, particulièrement orientés sur les accidents à court terme.

«Quand on se bat contre le marché, on est plus ponctuels dans nos attentes», dit M. Chabot, qui conserve ses positions à découvert deux fois moins longtemps (environ neuf mois) que ses positions à la hausse.

Les vendeurs à découvert adorent les marges bénéficiaires qui s'effritent, les fonds autogénérés qui périclitent, les lancements de produits ratés, les acquisitions agressives qui réservent parfois des mauvaises surprises ou peuvent simplement être difficiles à intégrer (Jean Coutu), les stratégies d'expansion risquées (Ailes de la mode) qui risquent de retomber à plat.

Le secteur de la technologie, sujet aux fluctuations rapides, est un de leurs terrains de jeu favori. D'ailleurs, sur les 20 titres les plus vendus à découvert au Canada, quatre sont des firmes de techno: Celestica, Groupe CGI, Cognos et Research in Motion.