Si Hydro-Québec est jugée coupable d'avoir manipulé les prix de l'électricité sur le marché de New York, ça pourrait lui coûter beaucoup d'argent, mais probablement pas son précieux permis d'exportation.

Si Hydro-Québec est jugée coupable d'avoir manipulé les prix de l'électricité sur le marché de New York, ça pourrait lui coûter beaucoup d'argent, mais probablement pas son précieux permis d'exportation.

«Ce n'est pas ce que le plaignant réclame», a souligné jeudi Philip Raphals, consultant en énergie et directeur général du Centre Hélios.

DC Energy, le courtier américain qui se plaint devant la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) du comportement d'Hydro, réclame le remboursement des profits que la société aurait encaissé en manipulant les prix à son avantage et le retrait des droits qui lui permettent de contrôler les prix sur une partie du réseau.

D'une part, le courtier américain ne demande pas à la FERC de bannir Hydro du marché et, d'autre part, les Américains ont trop besoin de l'énergie du Québec, ce qui fait dire à Philip Raphals qu'Hydro conserverait probablement son permis d'exportation, si les accusations portées contre elle sont fondées. «Mais la pénalité pourrait être très importante», dit-il.

DC Energy affirme que depuis le 1er mai, Hydro-Québec réussit à contrôler le marché en utilisant des produits financiers, les droits de congestion, pour fixer les prix et évincer les concurrents. Hydro a acheté les droits de congestion entre deux points du réseau, du nord vers le sud.

Elle rend de l'énergie disponible à très bas prix au premier point et comme Hydro encaisse aussi le produit des droits de congestion payés par l'acheteur au deuxième point, le produit final de la vente reste intéressant pour elle.

De son côté, DC Energy, qui a acquis les droits de congestion pour l'énergie qui circule dans l'autre sens, n'a pas accès à l'énergie mise en vente par Hydro à moins de lui verser des droits de congestion, ce qui annule le rentabilité de l'opération pour le courtier.

Le résultat, selon le plaignant, c'est que toute concurrence a été éliminée entre les deux points du réseau contrôlé par Hydro-Québec. DC Energy estime avoir perdu 2 millions US entre le 1er mai et le 9 juin derniers.

Apparemment, DC Energy est la seule entreprise qui souffre de la situation, avance Philip Raphals. Mais selon lui, ce genre d'accusations est pris très au sérieux par la FERC depuis le scandale Enron, ce courtier en énergie qui a tiré d'énormes bénéfices de la manipulation des marchés.

Soit dit en passant, Enron a déjà contesté le comportement d'Hydro-Québec sur le marché américain devant la FERC, rappelle Philip Raphals, mais l'affaire n'a pas eu de suite.

Le directeur général du Centre Hélios a participé au débat sur la disposition de l'énergie achetée en trop par Hydro-Québec Distribution pour 2007.

La Régie de l'énergie a statué que la division Distribution devait vendre elle-même ses surplus sur le marché et utiliser les profits générés pour réduire les prochaines hausses de tarifs. Selon la Régie, ces surplus peuvent générer des profits de 34 à 39 millions.

Philip Raphals n'est pas certain que l'obligation faite à la division Distribution de revendre ses surplus sur le marché est la seule explication au comportement d'Hydro-Québec. Chose certaine, il s'agit d'une nouvelle stratégie commerciale pour Hydro, qui lui permet d'augmenter ses profits et de diminuer ses risques.

«Est-ce légitime ou est-ce de la manipulation de marché? C'est à la FERC de le dire».

Jeudi, Hydro-Québec a répété qu'elle avait respecté les règles du marché et qu'elle n'avait rien à se reprocher. «DC Energy a spéculé sur des instruments dérivés dans le marché de l'électricité de New York, a précisé la société d'État dans un communiqué. Cette stratégie s'est avérée infructueuse pour DC Energy.»