Soeur Annette Noël nous avait donné rendez-vous au Carrefour Providence, rue Salaberry, à Montréal. Sur place, on est immédiatement frappé par l'étendue de la propriété.

Soeur Annette Noël nous avait donné rendez-vous au Carrefour Providence, rue Salaberry, à Montréal. Sur place, on est immédiatement frappé par l'étendue de la propriété.

Le principal immeuble, où trône une statue de la fondatrice, Soeur Émilie Gamelin, fait 12 étages. Il domine un terrain immense, grand comme 12 terrains de football.

À première vue, donc, les Soeurs de la Providence paraissent bien nanties. Pour l'homme de la rue, l'imposant patrimoine immobilier de certaines communautés religieuses donne à penser que les soeurs et les frères n'ont pas de souci financier. Or, la réalité est beaucoup plus nuancée, selon les témoignages recueillis par La Presse Affaires sur ce sujet délicat.

«Les communautés religieuses, c'est comme la société en général. Certaines ont des sous, d'autres beaucoup moins», explique Daniel Sylvestre, directeur général de l'Association des trésorières et trésoriers des instituts religieux (ATTIR).

Même son de cloche de Jean-Claude Breton, professeur de théologie de l'Université de Montréal. «Au plan financier, certaines sont assez à l'aise, tandis que d'autres sont mal prises», dit M. Breton, lui-même dominicain.

Essentiellement, les communautés mieux nanties sont celles dont la mission est liée à l'éducation ou à la santé. Par le passé, leurs membres ont souvent été rémunérés pour leur travail, quoique plus faiblement que les laïques jusqu'en 1975. Leurs chèques de payes ont été entièrement versés à leur communauté.

Aujourd'hui, les ex-enseignants ou infirmières reçoivent des rentes de la RRQ ou du fonds de retraite de leur ex-employeur, fonds toujours remis à leur communauté. Plusieurs congrégations de femmes sont dans cette situation, comme les Soeurs de la Providence ou les Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie.

Les communautés qui avaient d'autres vocations, comme les dominicains, les jésuites ou les capucins, vivent plus modestement. D'ailleurs, plusieurs joignent les deux bouts grâce à la générosité d'autres communautés, indique Daniel Sylvestre, qui parle de «grande solidarité». À la corbeille, donc, ce mythe selon lequel les communautés se sont enrichies avec les dons des fidèles.

Des soins qui coûtent cher

Par ailleurs, peu importe leurs vocations, les diverses communautés font face à des difficultés communes : le vieillissement de leurs membres. Au Québec, on compte un peu plus de 14 000 frères et soeurs catholiques (21 000 au Canada), répartis dans 200 communautés. La moyenne d'âge avoisine les 75 ans.

Or, au moment de leur engagement, les membres ont reçu l'assurance de la communauté qu'on prendrait soin d'eux jusqu'à leur décès. Aujourd'hui, nombre de frères et soeurs sont en perte d'autonomie et n'ont pas accès aux Centres de soins de longue durée du gouvernement (CHSLD).

«Le gouvernement considère que les communautés religieuses sont des aidants naturels pour leurs membres. Comme les membres vieillissent, cette obligation coûte cher aux communautés», explique Esther Champagne, membre des Soeurs du Bon-Conseil de Montréal.

Chez les Soeurs de la Providence, par exemple, le bel immeuble de 12 étages où nous avait donné rendez-vous soeur Annette Noël sert d'infirmerie, notamment, avec quelque 210 lits. Sur les 542 membres de cette communauté au Québec, 175 sont en infirmerie, soit le tiers. Neuf soeurs sont centenaires.

«Nous sommes dans la classe moyenne de la population. Et notre capacité de faire des dons va en diminuant», assure soeur Noël, directrice générale de la Conférence religieuse canadienne (CRC), une organisation qui représente les leaders des communautés.

Budgets de 370 millions

Grosso modo, il faut entre 35 000$ et 50 000 $ par année pour subvenir aux besoins d'une personne en infirmerie, compte tenu des salaires du personnel laïc. En comparaison, les membres encore en bonne santé coûtent deux fois moins, soit entre 16 000 et 26 000$, indique soeur Claire Houde, supérieure provinciale des Soeurs de la Providence.

En extrapolant, on peut donc estimer que les communautés du Québec ont besoin d'environ 370 millions de revenus annuels pour subvenir aux besoins de leurs 14 000 membres. Les deux tiers des membres en pleine santé coûtent autant que le tiers qui nécessite des soins.

Bien sûr, à titre d'oeuvre de bienfaisance, les communautés religieuses ont bénéficié de généreuses exemptions fiscales des gouvernements municipal, provincial et fédéral au fil des années. En contrepartie, elles doivent notamment subvenir aux besoins de leurs membres sans subvention.

Au fédéral, les revenus des membres des communautés religieuses sont exemptés de tout impôt depuis plusieurs années. Au provincial, l'exemption est aussi de 100%, mais depuis 2003 seulement. Avant, l'exemption était de 75%. Au municipal, les couvents ne paient pas d'impôts fonciers.

En s'engageant, les soeurs et frères ont fait voeu de pauvreté. La promesse a-t-elle été tenue? «Personnellement, je ne possède rien et je ne peux acheter ni maison, ni auto. Je ne suis pas itinérante, mais je vis une forme de simplicité volontaire», nous dit Jacqueline Boudreau, membre des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie.

Et les communautés, sont-elles pauvres? «On a eu des personnes visionnaires par le passé, répond de son côté Claire Houde, des Soeurs de la Providence. Dans l'ensemble, ça été bien géré, bien tenu. Mais nous ne sommes pas riches, nous ne roulons pas en Cadillac et n'allons pas en Floride à tous les ans. On a style de vie simple et sain», dit soeur Houde à propos des Soeurs de la Providence.

Les communautés religieuses catholiques en chiffres

- Environ 250 communautés au Canada, 200 au Québec

- Plus de 14 000 membres au Québec (21 000 au Canada)

- Près de 90% sont des femmes

- L'âge moyen avoisine les 75 ans

- Environ le tiers nécessite des soins de longue durée

- Budget annuel de fonctionnement : 370 millions de dollars

Source : Conférence religieuse canadienne et La Presse