Dans sa quête d'un nouvel élan, le géant alimentaire Loblaw risque d'aller trop loin avec sa centralisation administrative à Toronto, au détriment des particularités des marchés régionaux.

Dans sa quête d'un nouvel élan, le géant alimentaire Loblaw risque d'aller trop loin avec sa centralisation administrative à Toronto, au détriment des particularités des marchés régionaux.

Selon des analystes, ce risque serait d'autant plus élevé au Québec, un marché où Loblaw a confirmé jeudi dernier, avec ses pires résultats financiers depuis des années, que sa division Provigo avait du fil à retordre face aux défis particuliers du marché québécois.

«La nouvelle structure d'entreprise mise en place chez Loblaw, centrée sur son siège social de Brampton, éliminera presque toute gestion régionalisée. Or, ça risque de nuire à sa capacité de réagir à la concurrence locale et régionale, déjà importante en alimentation», estime Perry Caicco, analyste du commerce de détail chez Marchés des capitaux CIBC, à Toronto.

Avis semblable de la part de Roger Rouleau, analyste en commerce de détail aux Marchés des capitaux RBC, à Montréal: «La centralisation de la gestion peut s'avérer un risque pour un gros détaillant comme Loblaw, surtout en alimentation», a-t-il indiqué.

«Au Québec, ses derniers résultats suggèrent que Loblaw et Provigo ont un défi particulier face à des concurrents régionaux dynamiques, dont Metro et IGA (Sobeys). En tout cas, c'est pour Loblaw un défi différent de celui de l'Ontario, où elle bénéficie encore d'une part de marché dominante.»

Avec ses résultats préliminaires, jeudi dernier, Loblaw a aussi annoncé une dévaluation massive de la valeur comptable attribuée à sa division Provigo, au Québec.

Cette dévaluation s'élève à quelque 600 millions au mieux, 900 millions au pire, soit environ la moitié du coût d'achat de 1,5 milliard de Provigo en 1998.

La raison invoquée par Loblaw : des résultats trop inférieurs aux attentes dans sa division québécoise pour en justifier la valeur comptable encore inscrite à son bilan.

Déjà, en novembre dernier, Loblaw avait annoncé la fermeture d'une vingtaine de magasins au Québec, dont 12 supermarchés Provigo et neuf Maxi. Ces fermetures coûteront «de 40 à 45 millions» en frais spéciaux de restructuration.

«Avec la dévaluation massive, il s'avère que les activités québécoises de Loblaw sont bien moins performantes qu'elles le devraient, ce qui aggrave d'autant les dommages déjà subis par ses affaires en Ontario», selon Keith Howlett, analyste en commerce de détail à Valeurs mobilières Desjardins, à Toronto.

Le montant final de la dévaluation des actifs québécois de Loblaw sera inscrit dans les résultats vérifiés de fin d'exercice 2006, attendus en mars. Mais déjà, on sait qu'ils seront suffisants pour faire basculer le résultat net de Loblaw en déficit pour la première fois depuis presque deux décennies.

À ce propos, les commentaires plus complets émis depuis jeudi par des analystes de Bay Street s'avèrent un peu résignés, dans les circonstances. Bien sûr, lit-on dans ces rapports, les résultats à court terme de Loblaw sont décevants pour ses actionnaires, d'autant qu'ils suggèrent une restructuration plus complexe et coûteuse que souhaité.

Le relevé des recommandations d'analystes par l'agence Bloomberg en dit long : cinq avis de vente, trois de maintien et un seul d'achat.

Vendredi, le titre a encore perdu plus de 4 %, une baisse similaire à celle de jeudi. Il a terminé la semaine à 46,81 $, soit 38 % de moins que son sommet de 76,34 $ l'action, atteint en avril 2005.

Aussi, le rendement anticipé des actions de Loblaw d'ici un an s'avère négatif. Le cours-cible moyen des analystes est fixé à 46,19 $.

N'empêche, dans leur rapport, des analystes soulignent que Loblaw, malgré ses graves ratés des derniers trimestres, conserve des moyens considérables pour retrouver son dynamisme d'antan.

«Loblaw demeure quand même le principal détaillant alimentaire au Canada. Et malgré ses résultats affaiblis à court terme, Loblaw se distingue encore comme l'un des gros détaillants en alimentation parmi les plus rentables sur le continent», selon Irene Nattel, analyste en commerce de détail aux Marchés des capitaux RBC, à Toronto.

Pour Perry Caicco, analyste aux Marchés mondiaux CIBC, «Loblaw peut s'appuyer encore sur des actifs de grande valeur, des enseignes et des marques privées fortes, de même que de nombreux gestionnaires de magasins expérimentés.»

Cela dit, «des questions persistent quant à la réalisation et à la direction du plan de relance», admet l'analyste. D'où sa recommandation neutre de «pondération de marché» envers les actions de Loblaw.