Depuis maintenant 62 ans, Créations Suzanne maintient le cap de la mode pour dames élégantes, rue Saint-Jean hors les murs, envers et contre tous. Vingt fois on l'a approchée pour qu'elle aménage dans un des principaux centres commerciaux de la région. Vingt fois elle a refusé depuis la toute première fois, en 1963

Depuis maintenant 62 ans, Créations Suzanne maintient le cap de la mode pour dames élégantes, rue Saint-Jean hors les murs, envers et contre tous. Vingt fois on l'a approchée pour qu'elle aménage dans un des principaux centres commerciaux de la région. Vingt fois elle a refusé depuis la toute première fois, en 1963

C'est en effet à l'ouverture de Place Fleur de Lys, en 1963, que la direction de Créations Suzanne en a profité pour s'installer définitivement au 869, rue Saint-Jean, l'adresse où la boutique a toujours pignon sur rue, en déménageant dans les locaux occupés par le magasin Sears, qui lui, s'installait justement à Place Fleur de Lys.

Créations Suzanne, c'est d'abord et avant tout l'idée de Suzanne Couture, née Lagueux, qui, en 1944, avait aménagé, rue Saint-Jean, intersection Sainte-Geneviève, un atelier de création de chapeaux. Mme Couture était chapelière durant ces années où la femme devait porter chapeau, en toute occasion. Elle était à l'étage. Au rez-de-chaussée, le commerce Gauvin & Gauvin était surtout connu sous le nom de "Aux 1000 cravates".

C'était avant l'arrivée des centres commerciaux. La rue Saint-Jean était à cette époque une des artères commerciales les plus réputées de Québec. La guerre venait de se terminer et ce sont surtout des femmes qui avaient pris les commerces en main, les hommes étaient allés défendre la patrie et la liberté... ou servir de chair à canon selon l'opinion que l'on a de cette politique.

paralyser le trafic

Mme Couture n'était pas la seule sur la rue. Il y avait aussi Jeanne Hardy, corsetière, Geneviève Morel, elle aussi corsetière, les demoiselles Gauthier qui étaient les propriétaires du Salon Jade, les demoiselles Breton qui excellaient dans la vente des vêtements pour dame, et d'autres encore.

Au fil des ans, Mme Couture devait ajouter des vêtements pour dame à sa boutique de chapeaux ; puis la corseterie (les corsets Spencer) puis les robes de graduation, puis des robes de mariées, puis des manteaux de fourrure, etc. Elle s'adaptait aux courants de la mode. Il le fallait bien, puisque les chapeaux disparaissaient... tout comme les corsets à baleine.

Son fils Jacques Couture, qui s'occupe aujourd'hui du magasin depuis que sa mère s'est retirée des affaires il y a une quinzaine d'années, se souvient des idées de marketing que "Suzanne" inventait pour se démarquer de la concurrence. C'est ainsi qu'elle se procurait, sur le marché noir, des paires de bas de nylon (introuvables à cette époque) qu'elle offrait ensuite gratuitement à sa distinguée clientèle à l'achat d'une robe ou d'un chapeau. Lui-même se souvient très bien avoir fabriqué, à la main, avec une petite machine spéciale, des tubes de rouge à lèvres dont la couleur était assortie à celle de la robe que venait de se procurer la cliente. Le rouge à lèvres était offert gratuitement à l'achat d'une robe. "On était capable de fabriquer un rouge à lèvres assorti en moins de cinq minutes", affirme M. Couture.

Et puisqu'il n'y avait pas de télévision à l'époque, Suzanne organisait des défilés de mode dans les vitrines de son magasin, rue Saint-Jean, avec de véritables mannequins qui modelaient les robes en vente à l'intérieur. "On paralysait le trafic sur la rue. La police nous a demandé d'arrêter", se rappelle Jacques Couture.

passer le flambeau

Lorsque Mme Suzanne a pris sa retraite, c'est lui, Jacques, son fils unique, qui a pris les choses en main, secondé par son épouse Louise Chouinard, qui s'occupe surtout des achats et du marketing, et par son cousin Michel Chouinard, le gérant du magasin. Un Chouinard qui n'a cependant aucun lien de parenté avec Louise, la femme de Jacques.

"Nos clients nous sont fidèles. Ils viennent de partout. De la région de Québec bien sûr, mais aussi du Bas-du-Fleuve, de la Côte-Nord, de la région de Montréal et même d'Ottawa. Ils reviennent chaque année renouveler leur garde-robe", affirme Mme Chouinard.

"Créations Suzanne se distingue aujourd'hui par des collections européennes qui offrent le meilleur rapport qualité-prix sur le marché", précise Mme Chouinard.

"Il n'est pas rare de voir des femmes ministres, des députées, certaines artistes et plusieurs professionnelles faire leurs achats chez nous", ajoute M. Couture.

importations allemandes

Pas de griffes exotiques, pas de grands couturiers dont les prix sont inabordables, mais de beaux vêtements, très élégants, bien coupés, pour les femmes qui préfèrent le chic, le classique où le sport élégant. Des tailleurs et des robes d'inspiration européenne. Des tricots remarquables.

La majorité des importations sont d'origine allemande. Parmi les marques les plus connues mentionnons Geiger, Gollehaug, Gelco, Lucia et Gardeur. Des maisons allemandes, mais aussi des italiennes et des françaises. De quoi plaire à toute femme moderne au budget raisonnable.

Tout ça dans un magasin de 6000 pieds2 répartis sur deux étages, qui offre en prime un atelier de couture pour retouches immédiates et, plus rare encore, un stationnement gratuit, contigu, pouvant accueillir les automobiles d'une bonne douzaine de clientes. Unique en ville !