Les 14 millions obtenus en 2004 par les créanciers de Steinberg dans un litige gagné contre Provigo leur appartiennent bel et bien. La prétention d'Investissement Québec qu'ils lui revenaient en entier a été rejetée par le tribunal.

Les 14 millions obtenus en 2004 par les créanciers de Steinberg dans un litige gagné contre Provigo leur appartiennent bel et bien. La prétention d'Investissement Québec qu'ils lui revenaient en entier a été rejetée par le tribunal.

Le juge Daniel H. Tingley de la Cour supérieure a rendu une décision sans équivoque hier, mais elle sera sans doute porté en appel par la société d'État qui se montre décidée à se faire reconnaître comme ayant-droit depuis que les créanciers ordinaires ont gagné en Cour d'appel une bataille à l'issue incertaine contre Provigo.

En vertu de la version finale du Plan d'arrangement avec les créanciers de Steinberg adopté en 1993, le Syndicat bancaire avait préséance pour se rembourser à même la vente des éléments d'actif de Steinberg qui s'était placée un an plus tôt sous la protection de la Loi pour éviter la faillite.

Suivaient dans l'ordre, la Couronne et les municipalités, les créanciers chirographaires (ordinaires) et Investissement Québec. Par créancier ordinaire, rappelle le juge, on entendait tout créancier n'appartenant pas à une autre catégorie, ce qui exclut d'office Investissement Québec.

Celle-ci, qui s'appelait alors Société de développement industriel, avait allongé un prêt de 50 millions à l'entreprise dirigée alors par l'homme d'affaires Michel Gaucher. De cette somme, 10 millions lui ont été remboursés. Pendant 10 ans, la société d'État pouvait se rembourser à même une partie du flux monétaire discrétionnaire généré par le maintien en vie de Steinberg, mais elle n'aura pas vu l'ombre d'un dollar durant cette période.

Après 10 ans, elle avait droit à la totalité du flux, ce qui, selon sa prétention, incluait les sommes récoltées dans la réalisation du portefeuille de litiges.

Les créanciers ordinaires avaient fait valoir devant la Cour que le portefeuille de litiges faisait partie de ce que les autres créanciers leur avaient offert comme part de l'actif pour arracher leur accord au Plan d'arrangement. Ils ont mis en preuve un document du syndicat bancaire attestant que le portefeuille de litiges leur revenait dans les termes de l'arrangement. Investissement Québec a dû aussi approuver le Plan, sans quoi Steinberg aurait été mise en faillite, ont-ils plaidé.

Le juge Tingley retient cet argument. "En réalité, l'aliénation des réclamations litigieuses, jusqu'à concurrence de 17,5 millions était la portion la plus importante du prix payé afin d'inciter les créanciers chirographaires à accepter leur Plan", écrit-il.

Le Plan prévoyait aussi que les sommes recueillies au-delà des premiers 17,5 millions soient partagées moitié-moitié entre les créanciers ordinaires et les garantis (y inclus Investissement Québec).

Investissement Québec a aussi fait valoir que les créanciers ordinaires avaient 10 ans seulement pour réaliser leur portefeuille de litiges, après quoi, il basculerait dans ses mains. Le jugement Provigo a été gagné en appel en 2004, soit plus de 10 ans après la conclusion du Plan. "Nulle part dans le Plan ou dans ses annexes peut-on déceler cette notion que les créanciers chirographaires devaient réaliser du portefeuille de litiges le montant du premier 17,5 millions à l'intérieur de 10 ans, faute de quoi ce portefeuille reviendrait à la sûreté des créanciers garantis, soit Investissement Québec", écrit le juge.

La société d'État avait aussi demandé à la Cour qu'elle puisse être considérée comme créancière ordinaire, si le juge rejetait sa requête pour mettre la main sur les 14 millions en tant que créancière garantie.

Le juge Tingley rejette aussi cette demande qui aurait eu pour résultat de diluer ce à quoi les créanciers ordinaires auront droit de se partager. C'est la même proposition qu'elle avait faite juste avant le début des audiences le mois dernier, mais les créanciers ordinaires ont préféré jouer le tout pour le tout. Ils ont gagné, à moins que la Cour d'appel ne vienne casser la décision du juge Tingley, si Investissement Québec décide de poursuivre sa bataille judiciaire.