La pause repas du midi est désormais empreinte d'efficacité. Elle raccourcit ou on la saute pour manger en travaillant. Inquiet, le service des ressources humaines de l'Université de Toronto a lancé le défi «Take Back the Lunch Break».

La pause repas du midi est désormais empreinte d'efficacité. Elle raccourcit ou on la saute pour manger en travaillant. Inquiet, le service des ressources humaines de l'Université de Toronto a lancé le défi «Take Back the Lunch Break».

C'est le monde à l'envers. Alors que les travailleurs ont dû mener des batailles rangées pour faire allonger les pauses repas du midi, voilà qu'un employeur organise l'équivalent d'un concours pour inciter ses employés à s'arrêter.

Le défi «Take Back the lunch Break» semble, à première vue, assez facile.

Ses participants doivent s'engager à prendre leur pause du midi au moins trois jours par semaine pendant deux semaines.

Or, ces exigences bouleversent des habitudes de plus en plus répandues chez les travailleurs nord-américains.

Selon une étude de la firme de consultation Vault, 87 % des salariés états-uniens mangeaient à leur bureau une fois ou plus par semaine en 2003.

Le quart d'entre grignotaient sur le pouce à tous les jours.

Pire encore, 20 % des participants à l'étude ne mangeaient pas.

Par ailleurs, un sondage réalisé pour le manufacturier Steelcase auprès de 500 employés de bureau a révélé une réduction de la durée des pauses du midi. Elle est passée de 36 à 31 minutes entre 1996 et 2005.

Pour expliquer leur comportement, 35 % des répondants ont invoqué des changements dans leur environnement de travail, 22% la hausse de la pression à la performance et 22% le désir de quitter plus tôt.

De plus, 21% ont réduit leur pause pour effectuer du travail individuel, en signalant que le travail d'équipe bouffait tout le reste de leur temps.

Repas d'affaires au bureau

La course au temps et à l'efficacité semble également avoir atteint les professionnels, les cadres et les dirigeants d'entreprises. Cette fois, la victime est le long repas d'affaires au restaurant.

Pierre Carrier, président d'Agnus Dei et président de l'Association des traiteurs professionnels du Québec, constate une progression constante de la demande pour des repas d'affaires consommés sur les lieux de travail.

«Du lundi au vendredi, notre filiale Avec plaisirs, spécialisés dans les lunchs d'affaires, livre des repas pour environ 1500 à 2000 personnes à une centaine de clients différents», dit-il.

Selon monsieur Carrier, plusieurs entreprises trouvent cette formule plus avantageuse financièrement. Les frais de repas avec des clients au bureau sont en effet entièrement déductibles d'impôt, alors que les repas au restaurant le sont à 50%. Il est également plus facile de contrôler ou de bannir l'alcool.

«Les repas sur place évitent le temps de déplacement ainsi que les nombreuses interruptions par le service ou d'autres clients. Les outils de travail sont à portée de main. C'est beaucoup plus efficace», ajoute M. Carrier.

Plusieurs de ses clients préfèrent également cette formule parce qu'elle assure la confidentialité des échanges.

Monsieur Carrier note que la majorité de ses clients utilisent la période du repas pour parler de choses et d'autres. «C'est une vraie pause repas», dit-il.

Diète forcée

Plusieurs organisations intègrent des appels à la saine alimentation dans leurs programmes de prévention en santé. C'est bien, mais ça ne règle pas tout.

À preuve, les pires délinquants à la règle de la pause repas de l'Hôpital Saint-Justine sont, dans l'ordre les médecins et les infirmières.

«Tous les salariés prennent le temps de manger, soit à la cafétéria ou à l'extérieur. Plusieurs sortent régulièrement prendre de l'air le midi. Pas les médecins. Ils continuent les consultations. Plusieurs infirmières écourtent la période du repas», confie un commis.

L'offre de services alimentaires de qualité peut également contribuer à l'attrait de la pause repas. Mais encore là, pas de miracle.

En Finlande, par exemple, les syndicats ont intégré avec succès les cafétérias à leurs revendications il y a 40 ans. Or, 13% des hommes et 15 % des femmes ne mangent pas pendant les heures de travail, selon l'Institut de santé publique de Finlande.

Oui, le défi «Take Back the Lunch Break» est beaucoup plus difficile qu'il n'y paraît.